Moins que jamais, la période que nous vivons nous autorise à traiter du budget 2012 et des dispositions fiscales de sa loi de finances en ne replaçant pas cet acte politique majeur dans son contexte économique social et politique. Car le budget, ce sont des recettes et des dépenses mais c’est surtout, par les dispositions législatives qui l’accompagnent, l’affirmation d’un certain nombre de choix politiques qui permettent d’influer très directement sur le niveau de ces recettes et de ces dépenses ainsi que sur leur provenance et leur utilisation.
De même, dans un environnement où la mondialisation des échanges est devenue une réalité prégnante, il est moins que jamais possible d’ignorer les implications de ce débat national avec les enjeux européens et mondiaux. à plus forte raison dans l’actuelle situation de crise, qui porte l’exigence absolue de dépasser la seule vision gestionnaire pour traiter vraiment de politique budgétaire.
Le projet de budget 2012 et le débat budgétaire engagé nous plongent au cœur des choix qui vont déterminer la politique de la France au cours des douze prochains mois.
Pour Mme la ministre du Budget, la priorité du budget de 2012 est la réduction de l’endettement public. Et elle passe d’abord par la réduction du déficit public. Le projet de loi de finances pour 2012 confirme ainsi l’intangibilité des plans gouvernementaux pluriannuels de retour à l’équilibre des finances publiques. Tablant sur un déficit de 5,7 % en 2011 alors que 2010 se sera soldé par un déficit de 7,1 % l’objectif est de parvenir à 4,5 % en 2012, 3 % en 2013, 2 % en 2014 pour enfin atteindre le graal avec 1 % en 2015. Pour Nicolas Sarkozy et sa majorité de droite, la France devra entamer son désendettement dès 2013 : le ratio dette sur PIB diminuerait alors de 87,4 % en 2012 à 87,3 % en 2013. Il faut remarquer qu’avec 1 691 Mds, la dette de la France atteint un niveau qui mérite un réel traitement et qui peut se résoudre comme on l’entend encore trop, par un simple transfert de fiscalité. La question est à la fois plus complexe et plus sérieuse, d’autant que la charge de la dette avec 49,7 Mds est devenue le premier poste de dépenses budgétaires.
Dans les faits, le projet de loi de finances 2012 vise à défendre le AAA de la France. On a vu qu’à peine publié, ce projet a déjà été revu à la baisse en termes d’objectif de croissance et de dépenses publiques imposant de s’engager dans un nouveau plan d’austérité. Des prélèvements et des économies qui n’avaient pas été évoqués il y a à peine trois mois de cela, sont maintenant imposés. Les dispositions envisagées lors de la phase préparatoire du budget 2012 ou dans le cadre du dispositif décidé le 24 août dernier – où 11Mds de mesures dites de redressement ont été alloués, ne suffisent déjà plus. Rappelons que ces mesures intervenaient après un premier train d’économies de11 Mds mis en œuvre à l’occasion du budget 2011.
L’examen du projet 2012 nous permet d’apprécier maintenant de façon certaine que 40 % du déficit public de 2010 était effectivement la conséquence directe de la crise de 2008/2009 qui avait engendré une baisse importante des rentrées fiscales. Cette situation ayant au global participé à accroître le montant de notre dette publique de 18,5 points de PIB.
Avec le projet de budget 2012, tombe définitivement le mythe de la baisse des prélèvements obligatoires. Ainsi entre 2010 et 2012, le taux de prélèvements obligatoires sera passé de 42,5 % à 44,5 %. Ce n’est pas pour autant que le projet de budget 2012 ne se situe pas dans une perspective d’austérité redoublée.
La baisse de l’endettement public représente l’alpha et l’oméga de la politique budgétaire gouvernementale, un œil rivé sur les agences de notation et l’autre sur les pactes européens – qu’ils soient de stabilité ou euro plus. Pour y parvenir les orientations sont, pour le moins, claires. Elles reprennent en les aggravant les dispositions précédentes qui consacrent une baisse en volume des dotations budgétaires et dont d’ailleurs se félicite le Premier ministre. En 2012 la part des dépenses publiques dans le PIB devra baisser de 0,5 % après avoir régressé de 0,3 % en 2011. Ainsi la RGPP se poursuit avec à la clé la disparition de 30 400 fonctionnaires. Depuis l’application de ce principe, l’État aura supprimé 150 000 emplois de fonctionnaires et économisé quelque 900 millions d’€. De même, une réduction de croissance en volume de l’ensemble des dépenses de fonctionnement passant de 2,8 % à 0,6 % a occasionné une économie de 3,2 Mds€. En fait les actions conjuguées de baisse des effectifs de la Fonction publique, de réduction de 10 % en 3 ans des dépenses de fonctionnement et d’intervention de l’État, la réforme de la politique immobilière, auront permis d’économiser 15 Mds€ entre 2008 et 2013.
S’agissant de la politique sociale et notamment de la protection sociale, la baisse de 2,8 % de l’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie) représentera une économie de 2 Mds€ alors que la réforme des retraites se traduira par une réduction des dépenses de 5,5 Mds en 2012, tous régimes confondus.
Ce sont ces choix de gestion qui fondent l’orientation politique de nos finances publiques.
Entrés dans les mœurs au plan national, ils sont dorénavant déclinés au niveau du financement des collectivités territoriales. Après une année 2011 de gel des dotations de l’État aux collectivités territoriales, cette disposition est reconduite pour 2012 avec une nouvelle exigence faite à ces mêmes collectivités de trouver 200 millions d’€ d’économie supplémentaire. À cela s’ajoutent les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle qui représentent un manque de recettes fiscales de 8 Mds€ pour les collectivités territoriales avec une répercussion prévisible sur leurs investissements publics qui en constituent 70 % du total, et la probabilité d’un transfert de plus en plus massif du poids de la de fiscalité locale sur les ménages.
Les plus touchées sont les intercommunalités dont 96 % des recettes provenaient de la taxe professionnelle alors que la version Contribution économique territoriale (cotisation foncière et cotisation valeur ajoutée) n’en constitue plus que 47 %. Précisons encore que de nombreuses collectivités territoriales sont frappées de plein fouet par les emprunts toxiques, dits structurés, que la banque Dexia leur avait proposés. Une banque qui a maintenant fait faillite mais dont les critères de politique du crédit ont eu pour effet principal de plonger les collectivités territoriales dans les affres de la spéculation.
À ce rythme, la faillite de collectivités territoriales françaises n’est plus une vue de l’esprit. Elles pourraient ainsi connaître un sort identique à celui de nombreuses collectivités territoriales nord-américaines ou à celle du Wuppertal en Allemagne qui enregistre une dette de 2 Mds€ et qui a dû fermer son théâtre pourtant renommé, son centre nautique, ne maintenant une piscine publique en activité dans un quartier difficile que grâce au bénévolat.
Si l’examen de la partie dépenses ne laisse guère de place à l’optimisme quant aux marges de manœuvre budgétaire dont disposeront l’ensemble des acteurs publics et sociaux en 2012, le volet recettes est tout aussi consternant.
Essentiellement composées de recettes fiscales, les propositions de recettes budgétaires nouvelles contenues dans le projet de loi de finances 2012 peuvent se résumer ainsi :
Une augmentation de l’impôt sur les sociétés, principalement dirigée vers les grands groupes et portant sur une révision du principe du report des déficits. Au total 2 Mds€ sont attendus.
La fiscalité du patrimoine sera modifiée avec une élévation de 12,3 % à 13,5 % du taux des prélèvements sociaux (CSG, CRDS) sur les revenus du patrimoine. Le régime des plus-values immobilières sera également revu à la hausse pour les ventes touchant des biens ne relevant pas de la résidence principale. Son application abrupte pénalisera particulièrement les petits propriétaires, par exemple les propriétaires de résidences secondaires qui avec la crise pourraient être amenés à vouloir réaliser leur bien.
Un nouveau relèvement des taxes sur les alcools et le tabac.
Une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus sera appliquée. Plus alibi qu’autre chose, cette contribution rapportera au mieux 300 millions d’€.
Quelques niches fiscales seraient concernées comme les investissements dans les DOM et quelques niches immobilières. On a vu depuis que les cibles étaient le dispositif Scellier et le prêt à taux zéro.
Un rappel : la taxation des mutuelles décidée en août et qui représente un prélèvement de 1,1 Md€.
Par contre, au cas où cela aurait échappé au citoyen non averti, le projet de budget prend soin de préciser qu’il n’est en aucun cas question de revenir sur les réformes profondes mises en œuvre depuis 2007 au titre desquelles :
– la suppression de la taxe professionnelle (8 Mds€ annuels) ;
– les exonérations de cotisations sociales des entreprises (30 Mds€ annuels) ;
– la niche Copé (de 6 à 8 Mds annuels) ;
– la suppression de l’IFA (1,3 Mds€ annuel) ;
– la réforme de l’ISF (1,8 Mds€ annuels).
Fait partie d’un des objectifs prioritaires du gouvernement annoncés dans ce projet de loi de finances, la convergence fiscale avec l’Allemagne notamment en matière d’impôt sur les sociétés et de crédit impôt recherche. Ce crédit impôt recherche qui aura représenté, chaque année depuis 2009, une manne de 9 Mds€ pour les entreprises et qu’elles auront utilisé à beaucoup de choses sauf au développement de la recherche.
L’objectif d’un couple fiscal franco-allemand qui pourrait vite devenir un couple infernal, participe de la volonté de sceller entre les deux pays le pacte de compétitivité et d’inscrire dans le marbre la fameuse règle d’or – autant d’orientations qui participent à enfoncer le clou d’un fédéralisme aux accents dévastateurs pour la souveraineté des peuples.
C’est une des raisons pour lesquelles le projet de budget 2012 poursuit en l’aggravant la logique de ses prédécesseurs qui consiste à substituer toujours plus aux prélèvements sociaux sur la richesse créée les prélèvements financiers et spéculatifs. Ce budget s’inscrit dans un sens qui, à l’opposé des intentions affichées, contribue à miner l’ensemble des budgets publics et sociaux, donc à réduire les capacités de réponse aux besoins de développement des potentiels humains. Et c’est précisément cette logique qui contribue à freiner toujours plus la croissance, donc à creuser le déficit et à faire grossir une dette malsaine.
Depuis des années et à plus forte raison depuis l’épisode de crise systémique de 2008-2009 ces choix conduisent au bord du précipice – l’exemple de la crise grecque est suffisamment parlant. De cures d’austérité en projets régressifs, tous les ingrédients semblent en passe d’être réunis pour que ce cercle vicieux nous plonge dans une phase durable de récession. Au cas d’espèce, la mollesse de la croissance que ce soit en zone euro au rythme annuel de 1,6 %, aux États-Unis où celui-ci est à 1,5 %, ainsi que les prévisions 2012, constituent malheureusement un inquiétant présage.
Si une telle politique produit un effet certain, c’est bien sa capacité à rendre les marchés financiers à tous les coups gagnants. La réduction des prélèvements publics et sociaux sur la richesse créée en faveur des prélèvements financiers contribue à engraisser les marchés qui au second passage se gavent avec les taux d’intérêt qu’ils pratiquent envers les États à qui ils prêtent pour venir combler les déficits publics ainsi générés. Dans cette folie financière, il n’y a naturellement plus de place pour la satisfaction des besoins sociaux et c’est de cela que se nourrit le spectre de la récession.
Il est frappant de voir à quel point, avec la préparation de la loi de finances 2012, la politique budgétaire est désormais tributaire des marchés mais aussi de l’Europe. Outre tous les risques économiques soulignés, cela pose un problème majeur en termes sociaux et démocratiques recelant de vrais dangers pour l’avenir de l’Europe, des peuples européens et du monde.
Ouvrir une alternative
À l’obsession de désendettement, il faut répondre par d’autres objectifs. Il est urgent de retrouver le chemin d’une croissance saine. Cela exige de rompre avec les marchés financiers et de faire le choix d’une nouvelle croissance ayant pour objectif le développement de tous les potentiels humains et en premier lieu : l’emploi, les salaires, la formation, la protection sociale et les services publics.
Cela suppose notamment d’engager une vraie réforme de la fiscalité avec le double objectif de mettre en œuvre une autre répartition de la richesse et de faire de cette nouvelle répartition de la richesse un levier de la transformation même du mode de production de la richesse.
De ce point de vue il n’est pas vain de dresser un bilan de l’état actuel de la fiscalité.
Sans entrer dans les détails, le constat qui peut être dressé de l’évolution de la fiscalité au cours des dernières décennies est une tendance très inégalitaire qui n’est pas sans répercussion sur le consentement à l’impôt, état d’esprit qu’instrumentalisent d’ailleurs tous ceux qui mènent campagne sur le thème de la nécessaire baisse des prélèvements sociaux et fiscaux. La caractérisation de cette tendance se trouve pour une part dans la remise en cause de la progressivité de l’Impôt sur le revenu, instaurée en 1914, treize ans après que ce système se soit appliqué aux droits de succession. De l’autre, elle se traduit par une réduction très significative de l’ensemble de la fiscalité touchant les entreprises (IS, TP, Plusvalues) et l’imposition du capital des personnes comme des entreprises. C’est une des raisons qui a concouru à faire reculer la part des recettes fiscales de l’État dans le PIB de 22,5 % en 1982 à 15,9 % en 2009.
Il y a donc un vrai problème de répartition de la richesse auquel l’évolution fiscale actuelle non seulement ne répond plus mais concourt à déséquilibrer. La situation des finances publiques, les problèmes budgétaires de l’ensemble des services publics et sociaux nécessitent une forte correction de cette situation. Il y a un besoin impérieux d’augmenter les recettes publiques et notamment celles d’origines fiscales. La part des prélèvements obligatoires (PO) après avoir été orientée à la baisse doit retrouver la voie de la progression. Mais en l’occurrence, il s’agit de s’accorder sur le type de prélèvement obligatoire concerné, sur l’identité des redevables, et surtout, sur l’utilisation des recettes nouvelles. Car aujourd’hui le gouvernement augmente les PO mais est-ce pour autant qu’il y a une nouvelle orientation de la politique fiscale, est-ce pour autant qu’il y a une réelle volonté d’amorcer une autre répartition de la richesse ? La double question c’est qui paye et pourquoi ?
C’est pourquoi toute réforme fiscale aux objectifs véritablement progressistes doit préciser le sens de son application. C’est nécessaire pour rompre vraiment avec une logique qui consiste à faire toujours plus de cadeaux aux entreprises et aux contribuables fortunés ce qui représente 172 Mds pour les entreprises et 40 Mds pour les plus fortunés au titre des mesures cumulées de 2002 et 2007.
à l’évidence une réforme fiscale s’impose. Quasiment personne à gauche ne le nie aujourd’hui. Par contre les positions diffèrent quant à ses objectifs et à son contenu. Il convient donc d’en définir les principes qui peuvent être fixés au nombre de trois.
Augmenter la part des prélèvements progressifs dans les recettes fiscales. À ce jour, les recettes issues des prélèvements progressifs représentent une soixantaine de milliards d’euros sur un total de recettes fiscales de 258 milliards d’euros, soit environ 23 %.
Faire reculer de façon tangible la part des prélèvements proportionnels. Les recettes provenant de la TVA et de la TIPP représentent 132 milliards d’euros.
Introduire dans les objectifs de la politique fiscale une forte dimension incitative à une autre utilisation du produit de la richesse produite à partir d’une modulation de l’impôt (en plus comme en moins), en fonction de la nature et de l’objet des investissements réalisés.
De ces trois orientations découlent une série de propositions concrètes qui, en condensé, se présentent en six grandes catégories.
1. Réformer l’impôt sur le revenu. Une réforme de cet impôt exige la mise en place d’un impôt sur le revenu à caractère universel imposant au même niveau les revenus du travail et les revenus du capital, ce qui signifierait par exemple la disparition du crédit d’impôt lié à l’imposition des dividendes. Il s’agit également de reconstruire une réelle progressivité passant par la mise en place d’un taux sommital de 65 %, d’un barème à
10 tranches, d’un seuil d’imposition minimal au SMIC afin de jouer sur le niveau des rémunérations, et d’un effet de progressivité plus appuyé au-delà des revenus supérieurs à 25 000 € par personne. Il conviendrait également de ressortir du barème la déduction de 20 %.
2. TVA et TIPP. En la matière, il s’agirait d’exclure du champ de la TVA les produits de première nécessité, de soumettre au taux de 5,5 % l’habillement, les équipements informatiques, la culture (livres, spectacles…). Concernant la TIPP, une mesure de plafonnement s’appliquerait en fonction d’un prix maximal au litre de carburant qui pourrait se situer entre 0,75 € et 0,95 € selon le type de carburant.
3. Impôt sur les sociétés. Une remarque tout d’abord :officiellement à 33,33 %, le taux réel de l’IS en est loin et cela pour toutes les entreprises et depuis bien longtemps. Du fait de divers dispositifs de réduction de la base imposable, le taux réel de l’IS est aujourd’hui de 8 % pour les entreprises du CAC 40, de 20 % pour les entreprises de taille moyenne et de 28 % pour les petites entreprises. Un nouvel Impôt sur les sociétés doit donc être bâti. Il doit tenir compte de la réalité diverse du monde des entreprises, ce qui suppose d’établir une progressivité de cet impôt en fonction du chiffre d’affaires. Une progressivité qui pourrait se répartir en 4 ou 5 taux entre un minimum de 30 % et un maximum de 50 %. Mais cela n’est pas suffisant si on souhaite rendre cette imposition incitative, c’est-à-dire que les entreprises fassent le choix de l’investissement réel et du développement de l’emploi et de la formation au lieu de se lancer dans des opérations financières. Il s’agirait donc de moduler l’impôt dû en fonction de la nature des investissements réalisés : en plus si de nature financière, en moins si de nature à favoriser l’investissement réel, l’emploi et la formation.
4. L’imposition du patrimoine. Il convient de revenir, pour les annuler, sur les réformes des droits de succession et de l’Impôt sur la fortune (ISF). Le barème de l’ISF doit être réactualisé pour améliorer sa progressivité, ce qui signifie de revoir ses limites, ses seuils, ses taux d’imposition et d’élargir sa base en y intégrant les biens professionnels. La prise en compte de ces biens professionnels serait modulée en fonction des efforts consentis en matière d’emplois et de formations correctement rémunérés. À propos des droits de succession, il convient de rétablir un réel impôt progressif en la matière, prenant en compte la réalité des prix du marché et protégeant les héritiers en ligne directe et les conjoints dans certaines limites de patrimoine.
5. Fiscalité locale des entreprises. La reconstruction d’un véritable impôt territorial des entreprises est à la fois une nécessité et une urgence. Sorte de nouvelle taxe professionnelle, cet impôt revêtirait le caractère d’un impôt sur le capital des entreprises. Sa base serait assise sur la valeur de ses équipements immobiliers et mobiliers. Elle serait complétée de façon déterminante par une taxation des actifs financiers des sociétés, des banques et des assurances à un taux de 0,5 %. Sur une base qui peut être évaluée à 5 000 milliards d’euros cela rapporterait 25 milliards d’euros qui seraient versés à un fonds de péréquation à destination des communes et dont la répartition se ferait selon des critères d’effectifs de population et de quotient fiscal.
6. Fiscalité locale des personnes. Une réforme des bases d’imposition des immeubles soumis à la taxe foncière et à la taxe d’habitation est indispensable. À partir du maintien du caractère indiciaire de cette fiscalité, une révision foncière efficace devrait naturellement porter la redéfinition des critères servant au calcul de la base foncière c’est-à-dire du revenu cadastral qui permet ensuite d’arrêter la valeur locative. Naturellement une telle révision impliquerait une augmentation importante des bases. Il s’agirait dès lors pour les collectivités territoriales de redéfinir leurs taux. S’agissant de la taxe d’habitation, son montant serait plafonné à 20 % du revenu mensuel du ménage.
Si la dimension fiscale occupe une place importante dans les recettes du budget de l’État et des collectivités territoriales, une des dimensions du débat budgétaire concerne depuis quelques années le financement de la protection sociale.
Changer le financement de la protection sociale. En ce domaine un âpre débat sévit qui bien souvent, sous couvert d’équité, vise finalement à conforter la logique de désengagement des entreprises du financement de la protection sociale. C’est en fait le but non avoué de propositions qui consistent d’une part à vouloir fusionner l’Impôt sur le revenu et la Contribution sociale généralisée, de l’autre à tordre le cou au quotient familial. Les attaques contre le quotient conjugal au prétexte de défense des droits de la femme, visent à faire augmenter la contribution des couches moyennes salariées.
S’agissant du financement de la protection sociale, autant il est urgent d’en finir avec la baisse des cotisations sociales des employeurs, autant il faut réaffirmer la nécessité de supprimer la CSG. De façon immédiate, les revenus financiers des entreprises devraient être taxés au même niveau que les salaires. Une mesure de fond doit consister à réformer le calcul des cotisations patronales en faisant augmenter leur produit et en les modulant en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, selon les branches professionnelles.
L’objectif de cet ensemble de mesures est de permettre un assainissement des budgets publics et sociaux afin de rendre plus efficients les services qu’ils rendent aux populations et dont celles-ci ont un besoin cruel. Si ce dispositif a toutes les chances de se traduire par une augmentation du taux de prélèvements obligatoires, une telle augmentation n’est pas une fin en soi. Il ne suffit en effet pas d’augmenter le taux des prélèvements obligatoires pour rendre les contributions sociales et fiscales plus efficaces socialement. Actuellement, on peut en effet constater que la hausse des prélèvements obligatoires ne sert qu’à rassurer les marchés, à les alimenter alors que les populations sont lourdement ponctionnées.
Est ainsi posée, en même temps que le besoin d’une réforme des prélèvements obligatoires, la nécessité d’un nouveau contrôle et d’une nouvelle évaluation publics et sociaux de la dépense publique. Cela suppose une nouvelle ère de la démocratie avec des salariés et des citoyens disposant de nouveaux pouvoirs d’intervention leur permettant de participer directement, en osmose avec l’action des élus, à la gestion de la dépense publique, de l’élaboration des budgets jusqu’à leur réalisation. Contribuant à remettre en cause les principes de la LOLF, cette évolution rendrait obsolète le projet de règle d’or.
Mais se pose aussi à ce stade la question du traitement de la dette. Si l’augmentation des prélèvements obligatoires ne vise qu’à éponger la dette en rendant les populations de plus en plus exsangues et en n’aidant en rien à une relance de l’activité réelle pour la satisfaction des besoins de développement humain, le traitement risque pour le coup de tuer le malade. Il faut arrêter de diaboliser la dette. Il y a une bonne et une mauvaise dette. Cela dépend de l’utilisation faite de l’argent emprunté. Soit il sert à développer les richesses réelles (santé recherche, éducation, logement, salaires, formation, sécurité de l’emploi, environnement), ce qui contribue à générer de la croissance saine et durable entraînant un accroissement des recettes publiques et permettant de rembourser l’emprunt. Soit l’argent emprunté sert à spéculer sur les marchés (immobiliers et boursiers), à détruire l’emploi en délocalisant, à déqualifier et à tirer les salaires vers le bas, en résumé à freiner la croissance donc à tarir les recettes et au final à creuser le déficit et à accroître les dettes. C’est à la relance d’une nouvelle croissance que les nouvelles recettes fiscales et sociales doivent servir, permettant en retour de faire baisser l’endettement.
Le double objectif d’une réforme de la fiscalité doit être de rétablir une réelle justice devant l’impôt et de devenir un outil de relance d’une croissance saine. Mais son plein effet, sa pleine efficience, ne peuvent être atteints qu’en replaçant une telle réforme dans le cadre d’une réforme économique et politique d’ensemble. Au cas particulier il s’agit de relier la dimension fiscale à une autre dimension tout aussi déterminante : celle de lapolitique du crédit et du rôle des banques au premier rang desquelles figure la BCE.On mesure en effet, face à l’immensité des besoins sociaux non satisfaits, face auvolume des dettes publiques accumulées, que la seule politique fiscale ne suffit pas.
Il faut l’intervention couplée de la fiscalité avec un nouveau crédit, un crédit au service de l’Humain au lieu de financer les marchés financiers. Un crédit qui permette d’élargir l’assiette sur laquelle reposeraient les prélèvements fiscaux et sociaux et qui bénéficierait en retour de la garantie d’un emploi sécurisé par la loi fiscale. Et cette nouvelle politique du crédit suppose en priorité :
La création d’un Pôle public financier en France incitant à un autre type de crédit et à un contrôle public des banques.
Un refinancement des banques par la BCE, pour un nouveau crédit sélectif à l’opposé de la décision du 3 novembre, où le taux de refinancement de la BCE pour les banques a été abaissé de 1,5 à 1,25 % mais sans conditions, et éventuellement pour la spéculation.
Une création monétaire par la BCE pour développer sa prise de titres de dettes publiques européennes des États en difficultés. Au contraire, le FESF s’appuie sur les marchés financiers et sur les garanties des États, avec la dépendance des marchés et leurs pressions.
Une prise de titres de dette publique par la BCE pour le progrès social. Cela alimenterait un « Fonds européen de développement social et écologique », pour les services publics. Cette proposition du PCF a été reprise par le Parti de la gauche européenne (PGE).
Une construction nouvelle de l’Union européenne, de démocratie participative, sociale, internationaliste, dans une Confédération, s’opposant au fédéralisme d’une gouvernance européenne dominée par le couple franco-allemand où l’emporterait d’ailleurs l’Allemagne.
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