Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sans transformations radicales, les mêmes causes produiront de pires effets

Editorial

Le traitement administré à la nouvelle phase de la crise systémique, déclenchée par l’éclatement de la bulle immobilière caractérisée par la fantastique crise des subprimes aux États-Unis au cours de l’été 2008, annonçait un véritable tournant de la crise systémique avec la récession mondiale de 2009 et des rechutes encore plus profondes. Il n’aura pas fallu trois ans pour qu’éclate en zone euro une crise des dettes publiques d’une gravité exceptionnelle partant de la situation de la Grèce mais tout autant de l’Irlande et du Portugal avec des risques de propagation à d’autres pays comme l’Espagne et l’Italie.

Mais l’Europe n’est pas le seul continent touché par la surchauffe de son marché obligataire. En plein cœur de l’été, la dette américaine s’invitait sur le devant de la scène financière internationale et laissait paraître au grand jour une dette publique qui dépasse son PIB et qui ne cesse d’enfler. Cela alors même que les États- Unis font régulièrement absorber leur déséquilibre financier en inondant le monde de dollars, le dollar étant devenu la monnaie mondiale de fait.

Le plus inquiétant est qu’à chaque pic de crise les réponses apportées poursuivent les mêmes logiques, celles de la rentabilité financière. Cet impératif de rentabilité est le seul credo des agences de notation. Leur fonction est de maintenir coûte que coûte la suprématie des marchés. Cela alimente la perversité d’un système qui tourne le dos aux objectifs de croissance saine et durable, en aggravant les risques de crises de plus en plus graves et plus dévastatrices pour les conditions d’existence des peuples.

Les divers plans de sauvetage appliqués suite à la crise de 2008, à la récession de 2009 et à la crise des endettements publics de 2011, sont essentiellement orientés vers la réduction des dépenses publiques et sociales (baisse des niveaux de protection sociale, suppression d’emplois et de services publics, blocage des rémuné- rations, de nouveaux appels aux marchés financiers et augmentation des prélèvements fiscaux sur les salariés). Ils sont porteurs de graves conséquences  régressives et explosives. Le cas de la Grèce est exemplaire. Ainsi le plan dit de sauvetage a conduit à briser la croissance réelle de ce pays avec une explosion du chômage (+8,9 % entre fin 2008 et 2011) et à aggraver son déficit budgétaire (+ 6 % sur la même période). Au-delà, c’est la situation de la France avec une croissance 0 au second trimestre 2011 et un chômage qui continue sa progression. C’est aussi la faiblesse de la croissance et la montée du chômage dans l’Union européenne. Tandis que l’état de l’économie américaine, avec notamment au premier trimestre 2011 un rythme de croissance annuel de 0,7 % seulement, traduit l’impasse des mesures préconisées. Tout cela enfonce l’économie mondiale dans le cercle vicieux des limites de la croissance réelle, accentuant finalement l’accumulation de la dette, mal- gré les sacrifices demandés  aux populations.

Pour autant cela n’ôte pas les convictions des dirigeants. La rallonge de marge déficitaire finalement votée par le Congrès américain, l’a été en contrepartie d’un tour de vis sur les dépenses sociales. En Europe, nous sommes repartis pour une nouvelle cure d’austérité dans la lignée des mesures administrées à la Grèce. Le Fonds européen de stabilité financière dont se félicite N. Sarkozy poursuit des objectifs consistant essentiellement à répondre aux exigences des marchés financiers. Il ne permet en rien d’envisager le financement  d’une relance réelle de l’activité et donc le redémarrage d’une croissance saine. Le projet d’un gouvernement économique européen vise à renforcer une conception fédéraliste, donc hyper-centralisée, de la gestion financière au sein de la zone euro avec corrélativement  un accroissement de la pression à la baisse des salaires comme des dépenses publiques et sociales dans chacun des États.

Le projet de règle d’or participe de cette même dérive. Prenant prétexte de l’aggravation de la crise des dettes publiques dans laquelle s’enfoncent les pays de la zone euro, N. Sarkozy, prêt à toutes les concessions pour satisfaire les agences de notation, veut imprimer un tour de vis supplémentaire  aux dépenses publiques et sociales. C’est l’objectif de la fameuse règle d’or qu’il voudrait faire voter dès la rentrée par le Congrès. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nul besoin d’être grand clerc pour prédire qu’une telle décision annoncerait un nouveau cycle de récession. Pas une voix à gauche ne devrait manquer pour empêcher le sabordage de notre économie et la mise à mort des outils de solidarité nationale (protection sociale, services publics).

Sans attendre, le gouvernement s’est lancé dans la recherche de 11 milliards d’euros d’économies. Le 24 août le Premier Ministre présentant la crise actuelle comme une crise de l’endettement poursuit dans la négation d’une situation qui tend à devenir explosive et, suivant les recommandations de la BCE et du couple Sarkozy-Merkel, un scénario de réduction des dépenses et de mise en œuvre de nouveaux prélèvements a été présenté. Celui-ci, en préparant le terrain de la règle d’or, a de nombreux liens de parenté avec les cures proposées en Italie et en Espagne.

Dans les faits le projet consiste à trouver 1 milliard dès cette année et 11 milliards en 2012. Au menu, taxe sur les boissons sucrées, harmonisation de la TVA sur les parcs à thème, hausse du forfait social, alourdissement de la fiscalité sur les complémentaires santé, abaissement des abattements sur les frais professionnels, relèvement de la quote-part pour frais et charges, fiscalisation des heures supplémentaires, taxe exceptionnelle sur les très hauts revenus, limitée dans le temps (2 ans) et qui concernerait les revenus supérieurs à 1 million d’euros taxés à 1 % ou 2 %, limitation du report des déficits des entreprises.

Derrière divers artifices et effets d’annonce, le gouvernement s’apprête à nouveau à prendre des dispositions qui auront des répercussions directes sur les conditions de vie des plus modestes et à poursuivre le rationnement des dépenses publiques. Le non-remplacement d’un départ de fonctionnaires sur deux se poursuit, la rémunération au mérite fera son entrée dans la Fonction publique avec le but inavoué de réduire le montant en masse des rémunérations et de poursuivre la dérégulation du statut.

L’hypocrisie de la mise à contribution des hauts revenus apportera au mieux 300 millions d’euros alors que le prélèvement sur les mutuelles représentera une ponction directe de 1,2 milliard dans les poches des salariés. Cela montre bien le cynisme d’une politique qui a fait irréductiblement le choix de la finance contre le développement humain. Après avoir consenti un cadeau de quelque 3 milliards d’euros aux redevables de l’impôt sur la fortune, le gouvernement annonce rechercher 12 milliards d’euros d’économies pour les finances de l’État.

C’est inacceptable. La mise en œuvre de solutions de rupture avec le système en vigueur devient impérieuse. Elles pourraient s’inscrire dans quatre grandes directions :

Une réforme fiscale de progrès et d’efficacité sociale viserait à combattre les inégalités et pénaliser la croissance financière des capitaux, la recherche de l’argent pour l’argent. Elle devrait contribuer, en lien avec une autre politique économique d’ensemble, à lutter contre les délocalisations  et a contrario à encourager  les comportements d’entreprises favorables à la croissance de l’emploi et des richesses réelles. Il faut aussi de nouvelles ressources immédiatement et de façon pérenne pour la protection sociale.

Des mesures de transformation des règles de gestion des services publics impliqueraient un contrôle démocratique et une évaluation de l’efficacité économique et sociale de la dépense publique, au lieu d’un rationnement systématique avec la RGPP et la prétendue « Règle d’or des finances publiques ».

Une autre politique en Europe et notamment de la BCE. Ni « eurobligations », ni sortie de l’euro… mais une autre utilisation de l’euro et de la création monétaire de la BCE avec deux objectifs principaux :

1. Refinancement des banques par la BCE pour un autre crédit long à taux zéro pour le financement d’investissement  réel accompagné d’emploi et de formation ;

2. Prise de dettes publiques nationales par la BCE pour un Fonds social et solidaire pour le développe- ment européen. Son objectif serait de développer les services publics et leur potentiel de croissance sociale nouvelle, en coopération dans chacun des pays de l’Union, cela sous le contrôle des parlements nationaux et européen.

Au plan mondial,  il s’agirait de rompre avec la dictature des agences de notation privées pour le compte des marchés financiers et la spéculation. Cela exige enfin une profonde transformation du système monétaire international dans le cadre d’une nouvelle conférence mondiale. Celle-ci viserait, en coopération avec les pays émergents, la création d’une nouvelle monnaie commune mondiale, à partir de DTS d’un FMI démocratisé. Il s’agirait de prendre en compte les énormes besoins de développement des différentes parties du monde, et notamment des pays en développement, pays arabes en recherche de démocratisation, Afrique, Amérique latine, Asie du Sud-Est, etc. Cela implique- rait surtout de décider de taxer, de façon conséquente, les transactions financières des banques, des assurances et des fonds spéculatifs (Hedge funds).

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