Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Un projet sous contrainte européenne

Le projet final du Parti socialiste est en retrait par rapport à celui de 2007. Il l’est aussi par rapport au document de travail adressé aux militants un mois avant. Il semble guidé par la volonté d’en proposer le moins possible avec une tendance à s’incliner devant tout ce qui domine.

La contrainte admise sur les moyens financiers et la croissance fait osciller ce programme entre une démagogie sociale et un caractère limité et contradictoire des objectifs affichés et des moyens de leur mise en œu
 

Il y a un double conditionnement contradictoire de ce projet :

– Le pacte euro plus et ses choix européens (traité de Lisbonne), l’obsession du « désendettement » public ;

– Le besoin vis-à-vis des électeurs  socialistes de se démarquer à gauche sur le social et le national

(volontarisme d’État, protestation sur le marché mondial, protection nationale).

D’abord, réduire les déficits, en particulier publics

Partout en Europe, la révolte gronde contre les politiques d’austérité imposées par le FMI, la BCE et les dirigeants de l’UE. Les gouvernements  socialistes qui les mettent en œuvre sont sanctionnés dans les urnes et par la rue.

Pourtant, le projet socialiste reste sourd aux appels au débat pour sortir de l’impasse, uniquement conditionné par les contraintes d’équilibre des finances publiques exigées par le pacte de l’euro.                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Quand d’emblée le projet affirme vouloir mettre au cœur de son projet la réduction de tous les déficits qui pèsent sur l’avenir de la France, c’est d’abord au déficit des dépenses publiques qu’il pense. Sa proposition 7 est claire : « Pour réduire l’endettement  de la France, nous affecterons à la réduction de la dette la moitié  des marges financières que nous dégagerons ». Des marges de désendettement qui concernent la remise en cause du bouclier fiscal, le rétablissement du taux de TVA pour les restaurateurs, mais aussi des niches fiscales dont certaines concernent des foyers modestes.

Sa recherche d’équilibre entre le désendettement et le nécessaire soutien à la croissance est elle aussi contra- dictoire, puisqu’elle se traduit certes par un soutien à l’investissement public, mais accompagné du maintien de la pression sur les dépenses de fonctionnement, notamment sur l’emploi public.

De même, s’il oppose bruyamment à la proposition de Nicolas Sarkozy visant à réformer la Constitution en imposant « à chaque gouvernement  issu des urnes de s’engager pour  cinq  ans sur une trajectoire anti-déficit », ce n’est pas pour s’opposer aux prétentions allemandes mais pour s’y soumettre autrement en affectant 50 % des recettes budgétaires dégagées au désendettement. Et pourquoi pas imaginer, comme cela était écrit dans une version antérieure du projet que « ces règles plus efficientes soient inscrites dans la Constitution plutôt que la clause anti-déficit  bricolée par le gouvernement… » (1) ?

Tout se passe comme  si les rédacteurs  du programme, partageant un attachement commun avec la droite au traité de Lisbonne, avaient cherché à en dissimuler la portée pratique, pour empêcher un débat sur la nécessaire réorientation de la construction européenne.

Ce préalable sur la priorité à la lutte contre les déficits n’empêche pas le Parti socialiste d’afficher une certaine démagogie dans le discours social : « nouveau  modèle de développement  économique,  social et écologique qui met l’économie devant les finances,  relance  du pouvoir d’achat et meilleur  partage des revenus,  lutte contre  les licenciements et combat le chômage…  Un projet qui bâtit l’égalité, qui allie l’égalité réelle avec la liberté de choix pour retrouver une France juste, un projet qui renoue avec la promesse  d’un nouvel élan démocratique pour rassembler  les Français.  Il s’agit de rétablir  une république fière de ses valeurs… ».

Des hypothèses économiques irréalistes

En effet, comme toujours, le PS fait reposer le redémarrage de la croissance en France, non pas en cherchant à s’appuyer  sur ses propres atouts  (mobilisation  des moyens monétaires et financiers, promotion des capacités humaines, coopération…) mais sur les retombées pour la France d’une reprise extérieure, notamment américaine et mondiale. Celle-ci se manifeste certes, mais avec une ampleur très modérée. Et surtout, dans des conditions bien différentes que lors des précédentes expériences de gouvernement de gauche en 1981 ou 1997.

C’est une croissance pauvre en emplois et en élévation des qualifications. Elle s’insère dans le cadre d’une économie mondiale très endettée avec des tensions financières considérables. Enfin, dans ce contexte peu réjouissant, l’Europe se révèle comme le grand malade de la planète subissant les effets anti-croissance massifs liés à la multiplication des plans d’austérité.

Sous-estimant l’ampleur de la crise, ignorant la crise financière, le besoin de changer les politiques des ban- ques, du crédit, le PS envisage une réponse traditionnelle, avec un cycle politique qui lui serait favorable, se plaçant à l’intérieur de la phase de reprise d’un nouveau cycle économique de moyenne période, sans voir les énormes goulots, contradictions et concurrences. On cherche une sortie de crise par l’accroissement de la compétitivité (dans sa conception visant à baisser les coûts salariaux) mais on ne voit pas la croissance des taux d’intérêt. On s’inscrit dans une prévision de croissance du produit intérieur brut irréaliste (2,5 % par an). Alors que les prévisions institutionnelles s’établissent en général entre 1,5 et 2 %.

À partir de là, il est prévu 150 milliards de recettes nouvelles : 100 milliards liés à la croissance et 50 milliards récupérés sur les niches fiscales.

Par contre le PS, qui anticipe une croissance de la dépense publique de 1,7 % en 2013, prévoit d’en diminuer le rythme ensuite (2) à un taux inférieur à sa prévision de croissance de l’activité (2,5 %). Ce qui confirme son intention de maintenir sous la barre du taux de croissance de l’économie, le taux de croissance de la dépense publique. Or, dans le même temps, il prétend mettre fin à la règle du remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite pour aller vers une stabilisation  des effectifs d’État. Dans cet équilibre, il prévoit d’accroître les postes pour l’éducation, la justice et la police, ce qui se traduira mécaniquement par la réduction des effectifs des autres ministères et par une croissance de la masse salariale de la Fonction publique inférieure à celle des prix.

Concernant la compétitivité, le projet refuse une conception « low cost », au profit d’une compétitivité fondée sur l’innovation, la recherche-développement. En réalité, seuls les coûts salariaux sont dans le collimateur. On glose sur l’investissement mais peu sur la formation et la qualification. Le contexte de l’emploi exige une explosion des dépenses de formation, mais aucun objectif chiffré n’est avancé. Derrière le mirage d’une nouvelle conception de la compétitivité, il y a en fait le refus de s’attaquer aux coûts du capital et l’incapacité à mesurer qu’un effort exceptionnel et durable en matière de formation constituerait le ressort d’un nouveau type de croissance de la compétitivité.

En fin de compte, pour construire son projet, le Parti socialiste navigue entre l’espoir d’un monde nouveau et la résignation au monde tel qu’il est. Mais jamais avec l’envie de le transformer.

(1) Le projet socialiste 2012 page 39 de la version 2.

(2) Déficit, recettes, dépenses… le cadre du projet PS  pour 2012-

2017.  4 avril 2011.  Site national  du PS

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