Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Les révélateurs Monde/Europe de la place Syntagma

La place de la constitution (Syntagma) à Athènes noyée dans les vapeurs de lacrymogènes, des dizaines de manifestants blessés. Le gouvernement Papandreou n’a pas hésité à jouer de ses escadrons de police pour imposer un plan d’austérité, d’une violence inouïe lui-même, à tout un peuple. Un passage en force que lui réclamaient l’UE et le FMI.

Ces évènements de la fin du mois de juin ont constitué le dernier point culminant d’une crise dont l’ampleur dépasse largement les frontières grecques. Car c’est l’euro tel qu’il a été conçu qui se désagrège et qu’il faut radicalement transformer.

Les recettes avalisées lors du sommet de Bruxelles des 23 et 24 juin, pour faire face vaille que vaille et tenter de consolider une zone euro menacée

par les réactions en chaîne que provoquerait une faillite grecque, vont accentuer encore les mécanismes pervers qui minent la santé de la monnaie unique.

L’overdose d’austérité administrée de force à Athènes va accentuer toutes les souffrances sociales et fera immanquablement resurgir les menaces de faillite qu’elle est censée combattre. L’euro va donc rester durablement dans la zone de tous les dangers avec des risques de « contagion » aux pays dits « périphériques » (Portugal, Irlande, Espagne) qui pourraient s’étendre à l’Italie, la Belgique et même à la France. « Nous sommes tous grecs  » lançait à juste titre le quotidien L’Humanité, il y a un an et demi, en lançant une campagne de solidarité avec le peuple grec. Le constat vaut encore plus aujourd’hui.

Le degré de violence infligé aux citoyens grecs par le plan d’austérité revêt des dimensions hallucinantes. Les plus pauvres et les classes moyennes  sont littéralement rackettés. Le seuil d’imposition est ramené de 12 000 à

8 000 euros annuels (680 euros par mois). Tva et taxes sur le fioul de chauffage sont augmentées, les allocations

-chômage diminuées. Les fonctionnaires dont le salaire va être à nouveau baissé, pourront être plus facilement licenciés. à cela  s’ajoute un plan de privatisations d’un montant de 50 milliards d’euros. électricité, énergie, transports, banques, etc., sont confiés à un Fonds d’exploitation du patrimoine de l’état dans lequel siégeront des « observateurs  européens  ». Ceux-là seront chargés quasi explicitement de veiller au bon rythme du dépeçage et à l’attribution « équitable  » des parts du gâteau aux grands groupes du reste de la zone euro, germaniques et français en particulier.

Le recours à une méthode de plus en plus autoritaire face à une crise ne cessant de s’envenimer, qui a pris une dimension si spectaculaire et policière en Grèce, illustre aussi une tendance lourde observée au niveau européen. Cette volonté de « discipliner  » les peuples est l’un des objectifs du pacte « euro plus ». Au nom de « l’amélioration  de la compétitivité » les dirigeants des différents pays sont enjoints au respect le plus total des normes restrictives de Maastricht et du pacte de stabilité. Ils sont « invités  » à s’engager sur une « règle d’or » ‒ copiant le « frein à dette » instauré par Berlin à l’horizon 2016 ‒ pour parvenir à l’équilibre budgétaire dans un délai très rapproché. Avec sanctions  à la clé pour les récalcitrants. L’instauration des «  semestres européens » autorisant la Commission à vérifier l’orthodoxie des budgets avant qu’ils soient examinés par les parlementaires nationaux, obéit au même objectif.

Et face à l’acuité de la crise d’aucuns veulent aller encore plus loin et plaident pour une gouvernance économique resserrée, avec ministre des Finances européen doté de super pouvoirs (Jean-Claude Trichet) ou mènent campagne sur le thème d’un fédéralisme, présenté en France, de droite au centre-gauche, comme le seul moyen d’échapper au chaos. Entendez : renforcer les éléments « fédéraux   » déjà existants dans les traités (statut de la BCE, etc.) pour mieux passer par-dessus les peuples et pousser toujours plus loin leur soumission à la dictature des marchés.

On atteint cependant là aux limites d’un  processus hérité de la doxa consensuelle libérale qui a prévalu dans la construction de l’UE.

Limites économiques...

Les « remèdes  » engagés aggravent le mal et annoncent donc des crises puissance deux. La Grèce court toujours plus vite vers la faillite après l’adoption du nouveau plan d’austérité. Jusqu’où ? Jusqu’à la négociation d’un plan pour restructurer une partie de sa dette, déjà induite, de fait, dans les tractations engagées par Berlin et Paris pour convaincre banquiers et assureurs d’une participation à un second plan « d’aide », c’est-à-dire d’un ré-échelonnement qui ne dit pas son nom ?  Ou bien jusqu’à une sortie négociée de la zone euro, si les choses s’envenimaient encore davantage, comme le souhaite ouvertement une partie des élites allemandes ?

L’euro,  tel qu’il  est, n’a  pas réduit les déséquilibres macro-économiques au sein de la zone comme il fut prétendu à grand bruit lors de son lancement. Tout au contraire, sur la période 2005 à 2010, les décrochages se sont accentués entre l’Allemagne qui accumule de très gros excédents et les pays dits  « périphériques » dont les bilans en termes de croissance et de production industrielle sont très négatifs (chiffres Commission européenne, publiés dans lLHumanité du 23 juin).

… mais aussi limites politiques, sociales, humaines

Les coups de force imposés aux peuples sont de plus en plus mal acceptés par les citoyens. Les mouvements des « indignés  » qui ont surgi, en particulier en Espagne et en Grèce,  l’expriment. Des dizaines de milliers de per                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  sonnes, poussées à bout par une précarisation croissante et par le sentiment de ne pas être représentées par les partis traditionnels, ni même défendues par leurs syndicats, tous étant englués dans leurs réflexes consensuels sur le sujet européen, ont décidé de faire massivement connaître leur ras-le-bol. Et aussi leurs attentes d’une démocratie non atrophiée, de qualité supérieure, d’une autre société, d’une Europe différente et solidaire.

S’il révèle une énorme aspiration au changement, s’il libère la parole de dizaines de milliers de citoyens exclus jusqu’alors  du débat public, ce mouvement souffre cependant aussi de sa spontanéité originale. Et c’est bien naturel. Car si la colère, l’indignation et la volonté affirmée de ne pas « être récupérés  » par un monde politique qui s’est  discrédité,  sont de fantastiques préalables, ils ne constituent pas en soi une perspective. De la Puerta del sol à Madrid à la place Syntagma à Athènes de nombreux indignés s’en inquiètent eux- mêmes ouvertement estimant qu’à terme cela puisse conduire à un essoufflement de leurs mouvements.

Mais c’est dire aussi combien ces mêmes  « indignés  » sont disponibles pour participer et enrichir un vrai débat d’alternative. Lequel pourrait prendre une dimension singulière compte tenu de l’acuité de la crise. C’est donc dire la responsabilité de tous ceux qui, en Europe, entendent ouvrir une autre perspective.

Changer l’euro et la BCE

L’urgence est si vive,  l’impasse dans laquelle conduisent les choix des dirigeants européens est si caractérisée, que des débats peuvent s’instaurer sur des sujets jadis tabous. Comme le recours à la création monétaire de la BCE et à des crédits sélectifs, favorables à des investissements au fort contenu en emplois, en recherche, en formation, tel que l’avancent  de longue date les économistes communistes.

Le temps des révisions coperniciennes est venu si l’on entend empêcher une explosion en vol de la zone euro aux effets dévastateurs.  Cela pose naturellement au premier chef la question d’une autre Union monétaire solidaire. Pour sortir de la zone des tempêtes et résorber les déséquilibres  qui minent aujourd’hui l’Union européenne.

Mais c’est aussi une autre société qui frappe à la porte partout avec ses exigences de démocratie d’intervention décuplée des citoyens et des salariés dans les affaires de la cité comme dans celui de leurs entreprise.

 

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