Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Contrôler les fonds publics attribués aux entreprises

Alors que l’argent public a été massivement mobilisé pour secourir les banques et la finance et relancer, après le surendettement des entreprises et des ménages que la crise de 2008 a révélé, celui des états, la question d’une utilisation efficace des fonds publics est reposée.

Cela concerne les objectifs sociaux liés aux financements, les critères d’efficacité sociale et environnementale, les pouvoirs et les institutions d’engagement de ces fonds, le contrôle démocratique et les moyens d’évaluation de leur utilité.

Financement public des entreprises au cœur du CME

Depuis les années 1980 toute une littérature et des pratiques sociales et institutionnelles se sont

développées sur ce sujet car le financement public est au cœur du CME et son rôle a été renforcé avec la crise de celui-ci.

En effet le financement public permet de soutenir la rentabilité financière des capitaux dominants et aussi de corriger les excès et les dégâts économiques et sociaux du capitalisme, notamment au niveau des territoires où ces souffrances et ces excès se manifestent le plus fortement.

Or l’amplification de ces interventions publiques dans les années 1980-1990 a conduit à des gâchis massifs de fonds tels que le capital et les forces politiques  ont été amenés à s’interroger. Cela concerne aussi bien les forces politiques qui soutiennent le capitalisme, celles qui cherchent à corriger ses excès mais sans le contester, et celles qui visent son dépassement

Un combat entre 2 conceptions

Pour les premières, il faut réorienter l’utilisation des fonds pour accroître encore plus la rentabilité financière des capitaux dominants, notamment par l’abaisse- ment du « coût du travail », mais aussi mobiliser une partie de ces fonds pour éviter les explosions sociales. D’où une succession de travaux de recherche avec des commissions d’enquête parlementaires dès les années

1980-90, des travaux des cours des comptes nationale et régionales,  l’institution d’une mission d’évaluation à l’Assemblée nationale…

Pour le PCF, engagé de longue date sur ce champ de bataille, il s’agit d’avancer d’autres critères d’utilisation avec un contrôle et de conquérir des pouvoirs d’intervention des travailleurs et des élus sur l’argent public. Bien avant l’élection de la gauche plurielle en1997, il avait avancé l’idée de commissions de contrôle.

Ces initiatives qui ont permis de faire la transparence et de dénoncer  les gâchis de fonds publics, ont favorisé la montée des exigences de transparence. Les premières expérimentations institutionnelles et la mise en place d’un  réseau national de lutte ont permis aux élus comme aux militants de progresser dans la maîtrise de ces questions.  Ce qui a créé des conditions favorables pour l’élaboration et l’adoption de la loi sur le contrôle de fonds publics aux entreprises en 2000.

Une loi progressiste sur le contrôle des fonds publics

Avec cette loi, dite loi Hue, un véritable bond qualitatif a été franchi de différents points de vue :

institutionnel : avec la création de commissions nationale et régionales de contrôle des fonds publics attribués aux entreprises où siégeaient élus, syndicalistes, représentants de l’État, experts impliqués dans les associations de chômeurs, etc. ;

du champ d’application : la loi donnait aux commissions nationale et régionales la possibilité d’examiner l’impact  et l’utilité  de toute aide (locale, régionale, nationale, européenne…) ;

des critères : l’aide devait être examinée à partir de son impact emploi, qualification et formation ;

des pouvoirs : un droit de saisine très novateur de ces commissions nationale et régionales par les syndicats, les CE et les élus de terrain ainsi que les membres des commissions ;

juridique : cette loi s’appuyait sur les droits à l’emploi et celui à l’intervention dans la gestion reconnus dans les textes constitutionnels, mais aujourd’hui contes- tés, notamment au nom de la liberté d’entreprendre que le droit européen met au-dessus de tout. Dans sa conception, les aides publiques ne sont utiles que si elles renforcent  la concurrence.

Il n’est donc pas étonnant que la seule loi que la droite ait totalement abrogée dès son retour fut cette loi aux principes si radicalement opposés aux intérêts du capital et si contradictoire  avec le consensus droite-PS ménageant  ces intérêts.

Bien que l’idée de la nécessité d’un contrôle des fonds publics ait été majoritaire dans le pays, la droite a pu abroger cette loi parce que le PS, qui avait voté, à contrecœur, cette loi marquée de son cachet communiste, a fait profil bas. Tandis qu’au PCF, si ses élus de terrain se sont mobilisés, la riposte nationale à ce mauvais coup de la droite n’a pas été à la hauteur des enjeux.

Contrôle des fonds publics et enjeux d’aujourd’hui

Dans les années 2002-2010, le soutien public au capital s’est encore amplifié :

‒ 65 milliards annuels d’aides de l’État aux entreprises sans contrôle ni évaluation de leur efficacité ;

‒ dont, ces derniers temps, 30 milliards d’euros gâchés pour les exonérations annuelles de cotisations patronales ;

‒ 160 milliards de niches fiscales des entreprises ;

• à l’heure  de la mobilisation générale de l’argent au service de la compétitivité, sous la contrainte des marchés financiers, nous assistons à une nouvelle étape avec, au niveau européen la mise en place d’un Fonds de stabilisation financière permettant de relancer le recours aux marchés pour des financements coûteux pour les États en difficulté et conditionnés à des politiques d’austérité. Dans le même esprit on cherche à instaurer dans les régions des Fonds d’investissement à partir de l’épargne régionale, à des taux de rémunérations élevés qui pousseront à une sélectivité des investissements les plus rentables au détriment de ceux qui seraient plus créateurs d’emplois qualifiés et de richesses revenant aux populations. Cela va inaugurer une phase de fuite en avant des régions dans la finance de marché, alors qu’il faudrait, au contraire, que leurs interventions arrivent à mobiliser autrement le crédit pour des projets créateurs d’emploi et de formation. Les propositions de fonds régionaux du projet du PS reprennent une telle démarche.

• Dans le même temps, on assiste à de nouvelles initiatives des élus communistes comme les tentatives de mise en place de Fonds régionaux d’un autre type ou pour créer de nouvelles commissions régionales de contrôle et pour mieux les faire vivre là où elles existent. Même si ces tentatives  sont souvent largement dévoyées par les démarches intégratrices des directions socialistes des conseils régionaux (2). Un bilan de ces expériences serait aujourd’hui nécessaire d’autant  plus que de nombreuses initiatives des élus communistes dans les régions relancent ces batailles, non sans effet comme le montre le succès de leurs démarches dans la région Pays de Loire où ces derniers ont amené le conseil régional à décider de réclamer le remboursement d’aides publiques de Bobcat, entreprise qui n’avait pas tenu ses engagements sur l’emploi.

C’est  pourquoi, dans le cadre de la préparation de l’élection présidentielle, il serait nécessaire d’articuler les batailles nationales, régionales et européennes :

‒ pour inciter publiquement les banques pour le financement des investissements matériels et de re- cherche de façon telle que plus ces investissements programmeraient d’emplois et de formations et plus les bonifications publiques seraient importantes ;

‒ mettre en place un Fonds européen pour le développement social ;

‒ relancer la bataille pour rétablir une nouvelle loi sur le contrôle des fonds publics attribués aux entreprises sur la base des principes qui avaient prévalu avec la loi Hue et que la gauche avait adopté, d’une part, et prenant en compte les enseignements  de la décennie, d’autre part. Une telle démarche pourrait être intégrée dans un projet instituant des Fonds régionaux avec des institutions démocratiques communes. En effet, le contrôle permettrait de faire régresser le nombre d’aides publiques inefficaces dont le financement pourrait être réorienté afin d’assurer  les ressources du Fonds régional. Ces ressources permettraient la bonification de crédit d’investissements  favorisant l’emploi  et la formation ainsi que le respect de l’environnement. Cela permettrait de responsabiliser socialement et écologiquement les entreprises, les banques et les institutions politiques. <

(1) La première fut instaurée, mais restée sur le papier en raison des blocages préfectoraux, dans le Val-de-Marne) tandis que des commissions de contrôle des aides régionales sont mises en place dans des conseils régionaux à l’initiative des élus communistes (Centre, Champagne Ardennes).

(2) Notamment en tentant d’opposer les critères emploi à des critères environnementaux.

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