Dans le cadre de la campagne de lutte contre la vie chère et pour l’augmentation des salaires, lancée par le PCF, économie & Politique a réalisé un dossier donnant des chiffres et des arguments.
Cela concerne :
‒ l’inflation, ses causes, sa mesure et son impact sur l’aggravation des inégalités,
‒ les marges de la grande distribution,
‒ l’emploi au cœur de la question des salaires.
Le panier de la ménagère est constitué de 1 000 produits ou services dont les prix sont relevés mensuellement par l’Insee dans divers endroits du pays.
L’exactitude des relevés ne fait aucun doute. Mais c’est le poids très différent de chaque article ou service selon les revenus et la composition du ménage qui pose problème et que ne prend pas en compte l’indice des prix de l’Insee. Or les hausses des prix seront beaucoup plus importantes pour ceux qui sont contraints de consacrer une part importante de leurs revenus à des produits ou services qui flambent.
Ainsi, les hausses de prix touchent beaucoup plus les familles modestes et moyennes que les couches supérieures en raison de l’explosion des prix des dépenses dites « contraintes et obligatoires » (loyer, assurances, énergie, eau, alimentation, santé…). Alors que les prix de nombreux produits haut de gamme baissent (Hifi, informatique…). Or, le poids des loyers, assurances, etc., est bien plus important dans les familles modestes que dans les couches supérieures.
Ainsi, un ménage disposant au plus de 8 000 € annuels par membre du ménage consacrera 25,5 % de ses revenus aux dépenses de logement et combustible contre 11,5 % pour celui disposant de 32 000 €, et plus.
Ce qui signifie qu’une augmentation de 10 % du poste de loyer et combustible ‒ tous les autres postes sans changement ‒ aurait un impact de 2,5 % sur l’inflation subie par le premier ménage, tandis que la même augmentation n’aurait qu’un impact de 1,14 % sur le ménage disposant de 32 000 € à nombre de personnes identiques dans ces 2 foyers. À cette inégalité, il faudrait ajouter le fait que les plus grands consommateurs de produits informatiques et de communication ‒ qui, eux, voient leurs prix baisser ‒ sont les ménages disposant des revenus les plus importants.
Ces inégalités sont ignorées par l’indice Insee de l’inflation qui raisonne sur un panier type et ne peut appréhender ces fortes variations.
L’inflation c’est l’augmentation des prix à la consommation et le taux de référence de l’inflation est celui de l’augmentation des prix sur une année. Cet indice est réalisé à partir du « panier de la ménagère » de l’INSEE.
Variation des prix à la consommation en France, en % Glissement sur 12 mois
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Source : INSEE
De nombreuses causes favorisent cette inflation :
‒ la spéculation qui augmente les prix des matières premières, de l’immobilier, des céréales et autres denrées matières premières alimentaires (café, cacao…) ;
‒ le gâchis de capitaux et notamment des investissements sans formation suffisante (le capital cherchera à compenser l’insuffisance d’efficacité en augmentant les prix, pour maintenir sa rentabilité (1)) ;
‒ les prélèvements financiers (dividendes et intérêts aux banques) qui augmentent souvent bien plus vite que les richesses créées dans les entreprises ;
‒ l’inflation importée comme on le voit avec l’énergie ou les matières premières, mais aussi avec des prélèvements de « domination », comme les royalties des groupes sur leurs sous-traitants.
Par contre, il y a d’autres éléments qui, eux, favorisent la baisse des prix : l’augmentation de la productivité du travail comme celle du capital, liée en premier lieu aux progrès techniques (ce qui d’ailleurs permet une augmentation des salaires sans favoriser l’inflation).
Lorsque la Banque centrale européenne ou les gouvernements placent l’inflation comme le premier risque auquel l’économie pourrait être confrontée, il s’agit surtout d’éviter que les capitaux placés voient leurs rapports rongés par l’augmentation des prix.
Mais, pour freiner cette inflation, on cache les facteurs d’inflation favorisant les revenus du capital (spéculation, dividendes, intérêts), mais on polarise sur le facteur salaire qui est le plus souvent présenté comme la cause, voire l’unique cause, sur laquelle on peut agir (voir le discours de Jean-Claude Trichet), et on évoque aussi le fait qu’il y aurait trop de monnaie dans l’économie. L’augmentation de la masse monétaire supérieure à la croissance du PIB favoriserait l’augmentation des prix.
D’où l’idée d’une double réponse avancée par les libéraux : baisser les coûts salariaux (notamment les cotisations sociales patronales) réduisant ainsi les ressources de la protection sociale et freiner de la croissance de la masse monétaire.
Pour peser sur les coûts salariaux, le capital cherche à maintenir un volant important de chômage qui, pour lui, représente une garantie anti-inflation.
Concernant la croissance de la masse monétaire, celle-ci pose le problème de l’utilisation plus ou moins efficace du crédit : si on utilise beaucoup de crédits, mais pour gâcher des capitaux faute d’un développement suffisant des capacités humaines en formation et qualification, cela provoque de l’inflation mais si, au contraire, on développe un crédit avec des taux d’intérêt modulé d’autant plus abaissé que l’on accroît l’emploi qualifié et la formation, cela permet l’accroissement des richesses réelles, sans inflation.
Au contraire, peser sur le crédit utile au développement des capacités humaines comme sur les revenus salariaux et sociaux conduit au freinage de la croissance, dont les effets sont bien plus graves car cela enclenche des cercles vicieux pouvant aller jusqu’à la déflation.
Or, une croissance maîtrisée des prix, ce n’est pas la mort c’est même plutôt bénéfique, car cela limite les prélèvements du capital sur les richesses et accroît donc la valeur ajoutée revenant aux salariés et à la population, ainsi que les moyens pour l’investissement.
Le prix du lait est révélateur de « l’opacité » qui entoure les marges des grandes surfaces : en deux ans, de septembre 2007 à novembre 2009, le prix au producteur a baissé de 7 % alors que, dans le même temps, le prix de la brique de lait (marque distributeur) a augmenté de 11 % !
Sur une période d’observation plus longue : entre 1992 et 2009, le prix agricole du porc a baissé de 26 % alors que le prix en rayon a augmenté de 25 % ! Au cœur de la problématique : les marges que s’octroient les grandes surfaces.
Ce sont les consommateurs et les exploitants agricoles qui en subissent les conséquences. Tandis que la grande distribution, voire, dans une moindre mesure, les industriels de l’agro-alimentaire se partagent le gâteau. Pas étonnant qu’ils soient en tête du CAC 40 pour les profits.Carrefour : 0,43 Md € (+32 %), Danone : 1,57 Md (+37 %).
Une formidable pression patronale, appuyée sur des politiques ultralibérales et social-libérales, a abouti au recul massif de la « part des salaires dans la valeur ajoutée » ainsi qu’à une croissance financière folle (170 milliards de trésorerie dans les groupes du CAC 40, fin 2010). Pour cela le capital a utilisé le chômage, la précarité galopante et tous les moyens (2) que lui donnent ses pouvoirs. C’est pourquoi le développe- ment des luttes pour les salaires doit s’articuler à des propositions crédibles et rassembleuses visant à faire reculer le chômage et la précarité et à sécuriser l’emploi et la formation.
Actuellement, plus de 4,6 millions de salariés sont inscrits à Pôle emploi parce qu’ils sont soit au chômage (2,7 millions), soit dans un emploi à temps partiel contraint (1,3 millions), soit à la recherche d’un autre emploi (0,6 millions, catégorie D et E des demandeurs d’emploi inscrits à Pole emploi). Et au-delà, si nécessaire, le patronat n’hésite pas à mobiliser des centaines de milliers d’autres travailleurs, (femmes sorties du marché du travail, travailleurs immigrés) pour peser sur les salaires.
Les politiques ultralibérales et sociales- libérales pré- tendent que le coût du travail serait l’obstacle à la création d’emplois, tout en refusant de baisser les coûts matériels et financiers du capital, et donc considèrent qu’augmenter les salaires serait dangereux,
Or, l’augmentation générale des salaires est nécessaire, non seulement pour des raisons de justice sociale et de droit à une vie décente pour tous, mais pour des raisons d’efficacité productive, de soutien à la qualification, à la demande et à une nouvelle croissance.
C’est pourquoi le développement des luttes en France, en Europe pour les salaires doit s’articuler à des propo- sitions crédibles et rassembleuses visant la sécurisation de l’emploi, de la formation et des revenus.
Au lieu de la pression exercée sur les chômeurs pour accepter n’importe quel emploi ou des tentatives de division du salariat pour instaurer des travaux obligatoires pour les titulaires du RSA, il s’agit, au contraire, de promouvoir une amélioration des indemnités chômage, un retour à l’emploi avec une formation qualifiante et des services publics d’accompagnement (transports, santé, garde d’enfants).
En France, le MEDEF, L. Parisot en tête, fait l’apologie de la précarité, tandis que dans les instances de l’Union européenne, c’est la « flexsécurité » que l’on monte au pinacle. Mais de partout, c’est à l’exigence de sécurisation à laquelle les peuples aspirent. D’où les propositions du PCF contre la précarité prévoyant notamment un plan de conversion des emplois à temps partiels contraints et des emplois aidés en emplois à temps pleins (incluant un temps de formation) et contre l’explosion des CDD, l’application d’un plafond très bas, graduellement réduit, suivant les branches, pour aller très vite à 5 ou 3 %, tandis que le recours à l’intérim serait limité au remplacement d’absents et aux PME.
Mettre en échec les tentatives de relance de la guerre entre les sexes ou entre les générations
Outre les sanctions appliquées aux discriminations à l’embauche dont sont victimes les femmes, les jeunes, les habitants des quartiers sensibles, des mesures positives doivent être prises en faveur de ces groupes discriminés. Notamment pour les jeunes, des contrats de sécurisation dès l’entrée des jeunes dans l’emploi, à temps plein, avec un salaire décent, un volet formation rémunérée suffisamment longue, avec un tutorat, si nécessaire et des aides concernant le logement doivent être institués en co-élaboration avec les syndicats et des associations de jeunes.
Une formation continue pour un retour à un emploi de qualité bien rémunéré
Il s’agirait, notamment, de viser 10 % du temps de travail en formation, c’est-à-dire 4 ans de la vie active, avec les soutiens et suivis personnalisés pour les salariés non qualifiés, de garantir le contenu qualifiant des formations et leurs débouchés dans l’emploi de qualité. Pour cela, les contributions financières des entreprises seront relevées et davantage mutualisées pour un meilleur accès de tous aux qualifications (notamment les chômeurs, les femmes et les salariés des PME).
Des créations massives d’emplois
Au lieu de multiplier les heures supplémentaires, il s’agirait d’accroître les salaires et d’étendre les 35 heures à toutes les entreprises nécessitant l’ouverture de nouveaux postes, ainsi que de s’engager vers des créations massives d’emplois à partir des recensements de besoins d’emplois et de formation dans chaque bassin d’emploi avec les acteurs de terrain (élus, syndicalistes, usagers), dans les entreprises comme dans les services publics. Des conférences régionales et une conférence nationale annuelles seraient organisées pour définir des objectifs chiffrés de création d’emplois et de formation, ainsi que du suivi de leurs réalisations avec l’appui d’un nouveau service public de sécurisation de l’emploi et de la formation.
Une réorientation de l’argent, notamment du crédit, du local au mondial
Des moyens financiers alternatifs avec des fonds régionaux pour l’emploi et la formation au niveau local, un pôle public financier national, une réorientation de la BCE et du FMI permettraient de faire reculer les gâchis de la spéculation et de promouvoir un autre finance- ment pour les entreprises (- fonds publics autrement utilisés et contrôlés démocratiquement,- crédits ban- caires pour des investissements à des taux d’intérêt très abaissés en fonction des créations d’emploi, ‒ utilisation des fonds des entreprises pour une efficacité sociale combinant élévation de la productivité et élévation des emplois qualifiés).
Des pouvoirs et des droits nouveaux d’intervention dans les entreprises et les banques
Il s’agirait de conquérir de nouveaux droits et pouvoirs des salariés, des CE, des syndicats, des chômeurs et de leurs associations, des citoyens et des élus, avec des pouvoirs réels d’intervention, de contre-proposition, de mobilisation des financements, de contrôle et d’évaluation des résultats, dans les entreprises, les services publics et les localités. <
(1) Mais cela le mettra en difficulté dans le cadre de la concurrence internationale, difficulté à laquelle il cherche toujours à répondre en supprimant des emplois.
(2) Utilisation capitaliste de la révolution informationnelle et de son potentiel d’accroissement de la productivité du travail pour réduire l’emploi et freiner les salaires tout en aggravant la souffrance au travail,- exacerbation de la concurrence entre les salariés sur le marché du travail comme dans les entreprises, – culpabilisation des travailleurs accusés de « booster » l’inflation et les coûts salariaux par leurs exigences salariales, – incitation à la baisse du coût du travail, notamment par le recours aux exonérations de cotisations sociales patronales encourageant au remplacement des emplois qualifiés et correctement rémunérés par des emplois à bas salaires, – utilisation du chômage massif des jeunes et des seniors et des discriminations de genre et d’origine pour déréglementer les contrats de travail et le droit social et pour multiplier les emplois précaires, à durée de plus en plus réduite, et l’intérim, – politiques d’austérité en Europe contre les salaires, – politiques d’intégration des salariés aux objectifs patronaux (gel ou freinage des salaires contre réduction du temps de travail du gouvernement Jospin, ou le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy), – remise en cause de la négociation de branche et interprofessionnelle au profit de celle d’entreprise.
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