Au cours du quatrième trimestre 2010 et depuis ce début d’année, le débat de politique économique est centré sur les questions fiscales et une réforme de la fiscalité.
Ce débat n’arrive pas par hasard. Il intervient après l’important conflit social sur la retraite qui a notamment porté sur les moyens de financement de la branche vieillesse de la protection sociale avec les résultats que l’on connaît : les salariés n’ont pas pu faire bouger les lignes du projet régressif du gouvernement.
Une similitude entre le débat sur les retraites et la campagne engagée sur une réforme de la fiscalité est à relever. Ces questions sont
propulsées sur le devant de la scène économique et politique avec d’autant plus de virulence que la crise de 2008 est passée par là. Une crise dont les causes sont les suivantes :
‒ accumulation financière colossale, conséquence notamment de la prédominance du Dollar et du développement des nouvelles technologies posant de nouvelles exigences de rentabilité ;
‒ compression de la demande ayant débouché sur un développement massif du crédit pour compenser les bas salaires jusqu’à l’explosion de ce système au niveau de la sphère immobilière avec l’épisode des subprimes.
De cette situation est née la grave crise financière de 2008, suivie d’une profonde crise économique et sociale, poussant à une importante intervention des pouvoirs publics caractérisée par une injection massive d’argent public pour sauver le secteur bancaire et relancer certains grands secteurs industriels comme l’automobile. La conséquence prévisible a été une forte augmentation de la dette publique et le besoin d’accroître encore la part de richesses créées affectée aux prélèvements financiers, cela au détriment des prélèvements publics et sociaux précipitant ainsi l’en- semble des budgets publics et sociaux dans une cure d’austérité sans précédent.
En ce sens, la politique fiscale conduite depuis plus de vingt ans a totalement participé de cette logique de recherche de rentabilité du capital et de la dérive financière de l’économie. Ces choix ont directement contribué à créer les conditions d’un enfoncement dans une crise systémique dont le dépassement exige la construction d’une alternative réelle sur la base de propositions de transformations radicales, efficaces et crédibles.
L’incessante contre-réforme fiscale
Au début des années 1990, à la faveur de la publication du 9e rapport du Conseil des Impôts, divers articles étaient publiés dont un avait pour titre : « Le temps des réformes fiscales est revenu ». Finalement nous ne sommes à ce jour pas encore sortis de cette ère « réformatrice » qui comme pour d’autres domaines, puise ses fondements dans les concepts de la révolution conservatrice chère à Mme Thatcher et à M. Reagan.
À véritablement observer l’évolution de la fiscalité, du rôle et de la place de l’impôt, un tournant significatif a été amorcé dès la fin de l’année 1983, à partir du moment où nous sommes entrés dans le temps de la première rigueur.
Diverses évolutions de la législation fiscale ont jalonné ces 30 années passées. Quelques repères
=Remise en cause des ordonnances de 1945 qui permettaient aux agents des services des contributions indirectes d’intervenir en matière de contrôle économique suivie d’une fusion entre certains services de la Direction générale des Impôts et de la Direction générale des Douanes (marché unique européen) ;
Puis, diverses réformes se sont succédé concernant :
=Réduction du taux de l’impôt sur les sociétés, ramené au final à 33,33 % voire à 19 % pour certaines entreprises, et qui en réel pour les grandes entreprises se situe entre 13 % et 14 % ;
=Réduction du taux sommital de l’impôt sur le revenu ;
=Instauration du plafonnement de la taxe professionnelle ;
=Suppression de l’IGF qui a certes connu une renaissance quelque temps plus tard sous la forme de l’ISF ;
=Suppression de la part salaires de la taxe professionnelle ;
=Restructuration profonde du barème de l’IR impliquant la disparition de la moitié de ses tranches, avec une réduction conséquente du taux de la tranche sommitale (40 % passé en 2011 à 41 %) ;
=Intégration de l’abattement de 20 %, qui en signifie dans les faits, la disparition ;
=Disparition de la base EBM (équipement et biens immobiliers) de la TP pour passer à un nouveau type de fiscalité locale des entreprises la plupart du temps très favorable ;
=Suppression de toute imposition des plus-values réalisées à plus de 2 ans sur les cessions de part sociales d’entreprises ;
=Assouplissement du régime du report des déficits ;
=Assouplissement du régime des amortissements
(dérogatoires) ;
=Développement des crédits d’impôts ;
=Fiscalité de groupe ;
=Instauration de zones à fiscalité privilégiée ;
=Mise en place du crédit d’impôt sur les dividendes servis (ex avoir fiscal).
Mais dans le même temps, la TVA, la TIPP, la fiscalité locale des ménages ont été renforcées. Il a même été créé de nouveaux prélèvements, CSG, CRDS, dont l’extension du champ d’application aux revenus du capital ne trompe personne, sauf qu’elle pénalise du- rement les petits détenteurs.
L’administration fiscale dans le cyclone Parallèlement et c’est un point que l’on passe trop sou- vent sous silence, il convient de souligner à quel point l’organisation même des services fiscaux, le contenu de la gestion et du contrôle de l’impôt ont été modifiés au cours de cette même période jusqu’à en être totalement chamboulés.
Et cela n’est pas neutre. À chaque étape de restructuration, ce sont les missions qui ont été mises sur le gril étant petit à petit vidées de leur substance, qu’il s’agisse des missions de contrôle ou de gestion. Pour mieux faire accepter ces restructurations le leitmotiv accompagnant la présentation des réformes était et demeure encore aujourd’hui un meilleur service public et une meilleure prise en compte des intérêts des contribuables. Sauf qu’il n’est pas dit desquels. Depuis, on a pu identifier les heureux bénéficiaires.
La réforme de la fiscalité et l’évolution du rôle et de la place de l’impôt dans notre société tiennent autant à l’évolution de la législation fiscale qu’à la restructuration des services fiscaux eux-mêmes. Processus épaulé par l’introduction massive de la bureautique dont la conception intègre comme donnée prioritaire une organisation régressive du travail dans l’objectif d’accroître la rentabilité. Ainsi les secteurs les plus touchés ont été ceux de la fiscalité des entreprises et de la fiscalité personnelle (dossiers des contribuables importants), ce dernier ayant dans les faits, été totalement rayé de la carte.
En lien avec cette évolution des structures de gestion des dossiers fiscaux, le contrôle de ces mêmes catégories de contribuables s’est profondément modifié. Des lois AICARDI, aux 20 mesures de Nicolas Sarkozy de
2005 pour améliorer les relations avec les contribuables en passant par la volonté de généraliser le rescrit, la certification des brigades de vérification sur le mode ISO, l’instauration de la garantie fiscale (blanc-seing donné par l’administration aux pratiques fiscales des entreprises – rapport Fouquet) jusqu’au contrôle dans les règles de l’art qui vise à transformer la procédure decontrôle fiscal en un audit de type commissaires aux comptes, tout est résumé.
Au final cet empilage de dispositifs législatifs et organisationnels a abouti à la plus importante fusion entre administrations financières, c’est-à-dire à la fusion entre la Direction Générale des Impôts et la Direction Générale de la Comptabilité Publique en une nouvelle Direction Générale des Finances Publiques qui consacre l’ensemble de ces évolutions et en prépare de nouvelles tout aussi sombres. Des services comme le cadastre, les domaines, les hypothèques mais aussi les brigades de recherche et de vérifications sont directement menacés.
Convergences européennes
À ce stade, on ne peut éviter de mettre en regard une telle évolution avec l’actuel modèle de la construction européenne. À chacune des étapes de l’édification de l’Union Européenne a correspondu l’engagement de profondes réformes au sein de l’administration fiscale, les gouvernants nationaux prenant prétexte de ces évolutions pour en soutenir le caractère inéluctable, omettant de préciser qu’ils en sont les premiers initia- teurs au sein des institutions européennes. Et comme toujours c’est le refrain de l’harmonisation qui sert de support idéologique. Cela a commencé avec la mise en place du marché unique en passant par Maastricht, Lisbonne jusqu’à aujourd’hui…
C’est bien au gré de cette construction européenne ultralibérale, arrimée au dogme de l’euro fort pour sans cesse mieux satisfaire le marché, que la législation fiscale et l’organisation de l’administration fiscale ont subi les évolutions que nous connaissons.
Naturellement ce qui était recherché, c’est-à-dire l’allègement de la pression fiscale sur les entreprises et les contribuables les plus aisés a fini par produire ses effets. En 7 ans, l’effet cumulé des diverses réformes fiscales aura provoqué un manque à gagner de 60 mil- liards d’euros. Sur ces vingt-cinq dernières années, la perte de recettes fiscales peut être évaluée entre 140 à
150 milliards. Ce qui toute comparaison hâtive gardée est malgré tout à mettre en regard des 152 milliards de déficit affichés au titre de l’année 2010.
Comment dès lors ne pas rapprocher ce constat des difficultés croissantes qui frappent l’ensemble des budgets publics et qui mettent en cause le fonctionnement même des administrations et des services publics que ce soit au plan national ou local ?
Comment ne pas remarquer les conséquences directes d’une telle situation sur la prise en compte des besoins sociaux et le déficit de réponse à la demande croissante de la population en matière de formation, d’éducation, de culture, de sport, d’accès aux informations et de démarches administratives. Ce tarissement des recettes publiques contribue à assécher l’ensemble des budgets publics portant gravement atteinte aux fondements même de notre solidarité nationale et plongeant l’ensemble du pays dans difficultés majeures. Car la présence du service public c’est aussi un point d’appui, un atout, une aide pour le développement des autres secteurs d’activités.
Cette dérive lente mais profonde des politiques publiques en France mais aussi dans toute l’Europe, dont le cœur est le choix fondamental de substituer aux prélèvements publics et sociaux sur la richesse créée, les prélèvements financiers a joué un grand rôle dans la situation de crise que nous connaissons et dans son approfondissement. Même s’il faut le souligner,
l’enracinement des structures de solidarité (secteur public et protection sociale) et les luttes qui se sont développées au cours de ces dernières années pour les défendre ont permis à la France de mieux supporter le choc, dans un premier temps au moins.
Nouvelle fuite en avant
Aucune leçon n’a été tirée de ce constat par la droite sarkozyste. Pire, les mêmes dispositifs que précédemment ont été reconduits, les mêmes critères de gestions sont appliqués et toujours avec plus de zèle. Ainsi cela n’a pas empêché le gouvernement de mener à bien sa réforme-suppression de la taxe professionnelle.
Cela n’a pas empêché le gouvernement de maintenir son projet de réforme des collectivités territoriales, cela n’a pas empêché le gouvernement d’annoncer à la fois le gel des dotations aux collectivités territoriales, le gel des salaires des fonctionnaires et le gel des dépenses de l’état, ce qui clairement signifie une baisse en volume de ces dotations. C’est que la crise s’approfondissant, le besoin de cash des marchés financiers se fait toujours plus important, et il faut les satisfaire. Les satisfaire, c’est continuer à tailler dans les dépenses publiques et sociales au profit de la rentabilité.
En finir avec l’ISF !
Mais la course folle à la libéralisation du capital et de la fortune ne s’arrête pas là. Voici qu’au motif de supprimer le bouclier fiscal, le gouvernement annonce que 300 000 ménages disposant d’un patrimoine compris entre 800 000 et 1,3 million Euros ne paieront plus d’ISF, les autres verront leur seuil minimum d’imposition relevé à 1 300 000 en compensation de la fin du bouclier fiscal pour 19 500 contribuables. Une politique digne du sapeur camembert. Les laudateurs du capitalisme ne sont jamais loin quand il s’agit de soutenir de tels choix. De M. Alain Minc qui trouve que c’est un mauvais impôt car trop confiscatoire vu le faible taux actuel de rentabilité du capital, il faut oser, au silence du parti socialiste. Un PS qui a en effet bien du mal à démontrer qu’il est un ardent défenseur de la disparition de cet impôt alors que sa réflexion pousse à une fusion avec les droits d’enregistrement ce qui reviendrait à porter un sérieux coup à l’ISF.
Il ne faut en effet pas perdre de vue que la droite veut en finir avec l’ISF un des trois seuls impôts progressifs en vigueur en France (les deux autres étant l’impôt sur le revenu – lui aussi dans le collimateur – et ce qui reste de droits de succession).
Seulement, car il y a un seulement, tout n’est pas si simple dans le monde calfeutré du capitalisme. Nicolas Sarkozy et son gouvernement, en dignes représentants de ce système, ont la volonté de poursuivre leurs cadeaux au capital. Mais dans le même temps, ils ont conscience qu’ils ont besoin de recettes budgétaires supplémentaires et particulièrement fiscales. Les effets de la crise et le creusement de la dette publique pour renflouer les marchés financiers leur impose de trouver une nouvelle manne publique. Sauf qu’ils ne veulent pas en faire supporter le poids aux riches. La loi de finances 2011 avait déjà mis en exergue cette contrac- tion. Après quelque temps de relative baisse du taux des prélèvements obligatoires, ceux-ci repartent à la hausse. Ainsi 11 milliards supplémentaires seront prélevés en 2011 dont 6 Mds sur les ménages et 5 Mds sur les plus riches contribuables y compris les entreprises.
De la RGPP « plus »
Mais avec l’engagement pris par le gouvernement de revenir dans les clous du pacte de stabilité dés 2014, ces premières mesures risquent d’être un peu juste. D’où une volonté d’accélérer la RGPP en passant à sa seconde phase et la recherche de nouveaux prélèvements pour faire face à la contrainte budgétaire.
Ainsi ressortent toutes les recettes qui avaient été épiso- diquement présentées depuis le milieu des années 1990 auxquelles s’en ajoutent deux : la révision de l’imposition des revenus du patrimoine et la TVA sociale.
Au titre des revenus du patrimoine, la taxation de la plus-value réalisée sur la vente de la résidence prin- cipale a occupé le débat. À l’examen des faits, cette hypothèse était inacceptable. La vente de la résidence principale est suivie 9 fois sur 10 du rachat d’une autre résidence principale et cela se passe bien souvent suite à mobilité professionnelle. Faire une telle proposition pour contrebalancer la suppression de l’ISF relève de la malhonnêteté intellectuelle. Derrière cette proposi- tion qui vise comme le dit M. Fillon à imposer moins les stocks que les revenus du capital, il y a toute une opération qui est en train de se monter en matière de fiscalité du patrimoine au plan national mais aussi au- delà de nos propres frontières.
Remodelage d’ensemble
Le débat sur l’ISF est le bras armé d’un lourd dispositif visant à changer profondément de cap fiscal dans notre pays. Derrière les attaques contre l’ISF se dessine en effet un remodelage de l’ensemble de la fiscalité du patrimoine dans une période où de nombreux patri- moines vont changer de mains, se recomposer et cela, pas seulement à l’échelle nationale mais aussi au plan européen.
Derrière une question qui peut apparaître de pure technique fiscale ce sont de colossaux enjeux financiers et de pouvoirs qui se nouent. Pour Bercy comme pour Bruxelles, il s’agit en matière patrimoniale, de lever le maximum d’obstacles juridiques et fiscaux pour permettre aux fortunes de se recomposer avec, à la clé, d’énormes fusions- concentrations dans l’objectif vrai- semblable d’aboutir à une réduction du nombre de ses détenteurs. D’où les risques bien réels d’une nouvelle fiscalité du patrimoine qui débouche sur un dispositif qui pèsera relativement plus lourdement sur ce qu’on appellera les plus petits propriétaires qui, sous la pres- sion fiscale, pourraient être contraints de céder leur patrimoine. Un tel processus n’est-il pas d’une certaine manière déjà amorcé ? Des familles sont aujourd’hui conduites à se séparer de leur résidence secondaire, voire de leur résidence principale car elles ne peuvent plus assumer la charge fiscale de ces biens.
Puis ce fut au tour de M. Copé de nous ressortir la TVA sociale. Exit la fiscalité verte, place à la TVA sociale qui en est la version non déguisée. Ça ne coûte pas cher et çà peut rapporter gros tel est en substance l’argument avancé par le président de l’UMP. Sauf que la raison profonde va bien au-delà. Il s’agit de soustraire de plus en plus les entreprises aux cotisations sociales pour aller vers une fiscalisation de la protection sociale, disons de son niveau de base, le reste étant laissé au secteur assuranciel.
Fiscalité alternative ou fiscalité d’alternance
Mais là ne s’arrête pas le débat fiscal lancé tous azimuts. Le rapport Piketty vient à propos nous remettre en mé- moire l’avant-projet fiscal du PS dont une analyse a été faite dans un précédent numéro d’économie et politique et sur le lequel je ne reviendrai pas plus longuement sauf pour dénoncer le danger dont est porteur ce rapport soi- disant d’experts neutres que la presse a présenté comme des inventeurs d’une révolution fiscale.
Ce projet comporte certes des éléments de radicalité mais encore faut-il s’accorder sur leur sens réel. Tout y est : retenue à la source, principe de la déclaration séparée, fusion IR/CSG, remodelage de l’impôt sur le revenu en un impôt aux caractéristiques de la CSG et à proportionnalité plus simple, suppression du quotient familial et création d’un crédit d’impôt remboursable. Il n’y a guère que l’ISF qui trouve grâce aux yeux de ces auteurs.
On mesure à quel point ces propositions représenteraient un changement profond de logique de notre système fiscal. En arrière-plan de la proposition de déclaration séparée s’inscrit la fin du quotient familial, et avec lui, un risque de mise à mort de la politique familiale. L’aspiration au respect de chaque individu composant un foyer fiscal, au cas particulier de chaque membre d’un couple, est instrumentalisée aux fins de préparer une nouvelle casse des liens de solidarité cette fois-ci au sein du couple et vis-à-vis des enfants alors qu’aujourd’hui c’est de plus de solidarité dont la société a besoin mais à partir d’une meilleure prise en compte de la situation de chacune et de chacun. Plutôt que de vouloir briser ce lien, il serait plus efficace d’examiner comment on peut en étendre le principe à chaque foyer fiscal, c’est-à-dire à chaque ménage quels que soient les fondements juridiques, ou non d’ailleurs, sur lesquels il est bâti. Supprimer le quotient familial, c’est également travailler à faire disparaître un problème technique important qui bloque depuis des années la mise en place de la retenue à la source. Enfin, le remplacer par un crédit d’impôt ce n’est pas sérieux. Jamais le crédit d’impôt ne permettra d’asseoir l’ensemble des presta- tions sociales et familiales qui ont pour base de calcul le quotient familial.
La retenue à la source représente quant à elle la porte ouverte à l’impôt indolore que l’on pourra ainsi faire évoluer beaucoup plus aisément. La retenue à la source c’est le moyen rêvé pour finir le processus de fusion entre impôt sur le revenu et taxe d’habitation après la fusion déjà ancienne, des fichiers fiscaux appelé IR/ TH. Rappelons au passage que la retenue à la source fait de l’entreprise le collecteur d’impôt et la détentrice d’informations personnelles sur les contribuables. Enfin cette retenue n’est applicable qu’aux revenus salariaux ce qui introduit une nouvelle distorsion de traitement avec les autres catégories de contribuables. La retenue à la source articulée à la fusion IR/CSG c’est enfin le moyen de progresser vers une transformation fiscale.
des cotisations sociales, ce qui est l’objectif numéro un de la fusion IR/CSG. Rappelons que peu de monde échappe à la CSG, un moyen comme un autre d’élargir l’assiette de ce nouvel impôt aux plus modestes.
Peu de voix se sont élevées contre le rapport Piketty. Le parti socialiste, qui y retrouve une grande partie de ses propres thèses fiscales, comme Jean-Luc Mélenchon, dont les propositions fiscales se limitent au salaire maxi- mum, instauration d’une sorte d’impôt confiscatoire à partir d’un certain niveau de rémunération, et à des dispositifs fiscaux dits d’incitation écologique, ne se sont pas exprimés contre, au contraire. Au programme du PG figure la remise en cause du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt – Sarkozy est déjà passé par là – à côté de la suppression de niches anti-écologiques et de l’augmentation du malus auto. C’est ce qui a développé par Martine Billard au nom du Parti de Gauche.
Comme le hasard fait bien les choses, toute cette agitation fiscale intervient au moment où au plan européen il est question d’un pacte de compétitivité dont l’objectif est d’inscrire dans notre constitution comme en Alle- magne, un seuil limite de déficit public. Un rapport de quelque 150 pages du député UMP Chartier confirme que ce pacte serait prioritairement scellé entre la France et l’Allemagne. Cela est un véritable piège. Tout d’abord parce qu’il évite de parler des autres questions qui sont à l’origine de la situation de crise actuelle, notamment de l’utilisation de l’argent, du rôle des banques au premier rang desquelles, la BCE, et du crédit. Ensuite, parce qu’il concourt à engager une baisse significative des prélèvements publics et sociaux en France évalués de 3 points supérieurs à ceux de l’Allemagne sauf que comme d’habitude on compare des choses qui ne sont pas comparables. Le financement d’une partie de la protection sociale en Allemagne ne relève pas de pré- lèvements sociaux mais de cotisations à des assurances privées. Ces cotisations ne sont pas comptabilisées par l’OCDE dans la catégorie des prélèvements obligatoi res. Ce qui ramène au véritable objectif de ce rapport soit, inciter à une nouvelle diminution de la part du PIB français affectée aux financements publics et sociaux, revenant inévitablement à imposer une nouvelle cure d’austérité aux ménages.
Les points suivants ressortent
=L’imposition du travail et celle de la consommation sont jugées du même niveau dans les deux pays bien que l’impôt sur le revenu rapporte beaucoup moins en France qu’en Allemagne (taux sommital de 45 %). La solution préconisée par le rapport Chartier est la fusion IR/CSG moyen jugé intéressant pour combler partiellement l’écart.
=La fiscalité du capital est estimée plus élevée en France qu’en Allemagne. Les conclusions apparaissent dès lors d’une simplicité biblique pour le rapporteur comme pour le gouvernement : harmoniser par le bas ces prélèvements. Le même constat étant dressé pour l’imposition des hauts revenus, le même remède est préconisé.
En matière de droits de succession, le rapport relève une situation quasi identique.
=Le clou du rapport est le comparatif dressé en matière de charges sociales, comparatif qui, rappelons-le, n’in- tègre pas les mêmes éléments de comparaison. Selon le rapport, le poids des charges sociales serait beaucoup plus élevé en France 55 % contre 42 % en Allemagne, remarque faite que ce différentiel est largement atténué par les exonérations de cotisations sociales en France (25 Mds €en 2010).
=Mais en la matière, la véritable cible du rapporteur est le niveau des cotisations sociales patronales estimées beaucoup plus faibles en Allemagne. Leur harmonisation tendrait à réduire de presque 90 milliards d’euros la part patronale française. La voie s’ouvrirait ainsi très largement au secteur assurantiel. La Droite comme le Parti socialiste ayant une vision largement convergente en ce domaine, il est plus aisé de comprendre l’écho que reçoit le débat sur la TVA sociale, autre moyen de financer la protection sociale mais cette fois-ci par l’impôt et non sur la richesse créée.
=Du même coup, notre régime de retraite par répartition risque à nouveau d’être assez rapide- ment menacé, d’autant que la Droite et le Parti Socialiste proposent idéologiquement et concrè- tement des solutions assez voisines. Le rapport Piketty pourrait d’ailleurs fournir sur un plateau la solution consensuelle, soit un dispositif élaboré à partir du modèle par points à la suédoise.
=Enfin le rapporteur ,M. Chartier, préconise une série de mesures à faire avancer rapidement pour donner du corps au processus d’harmonisation fiscale franco-allemande. À ce titre on relèvera :
‒ Le lissage des écarts de richesses entre collectivités territoriales ce qui sous-tend des hausses massives d’impôts locaux, particulièrement en zone rurale ;
‒ L’accélération de la réforme des valeurs locatives ;
‒ Le rapprochement des fiscalités du patrimoine, induisant inévitablement de réviser l’ISF.
‒ Le rapprochement en matière de fiscalité des entreprises qui suppose une révision à la fois des taux et des bases de l’Impôt sur les Sociétés.
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