Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Radicalité et crédibilité

Editorial

Après la récession de 2009, l’activité s’est ranimée dans les économies occidentales. La reprise présente néanmoins des signes de faiblesse et de fragilité, même aux États-Unis où le ralentissement de la croissance au premier trimestre (1,8 % seulement en rythme annuel) ne permet même pas de stabiliser le taux de chômage. De son côté, l’Europe reste une zone de faiblesse dans l’économie mondiale, écartelée entre deux pôles. D’un côté, l’Allemagne assoit sur ses excédents commerciaux une domination de plus en plus écrasante sur ses voisins. De l’autre, les pays de la « périphérie  » sont devenus la proie de la spéculation financière depuis que les dettes publiques ont pris le relais des dettes privées pour empêcher l’effondrement du système bancaire mondial. La reprise européenne est d’autant plus fragile que l’euro prétendument « fort » reste le jouet des soubresauts du dollar : les autorités américaines tirent tout le parti qu’elles peuvent de leur hégémonie monétaire.

Ces incertitudes reflètent, fondamentalement, de puissantes forces à l’œuvre, depuis plusieurs décennies maintenant, dans l’économie mondiale. La révolution informationnelle fait émerger le besoin de nouvelles logiques économiques – le partage des informations plutôt que l’accaparement  privé des marchandises et des moyens matériels de production – mais, sous l’empire des multinationales et des marchés financiers, les gains de productivité engendrés par les nouvelles technologies, au lieu de servir à développer les dépenses de formation et de recherche, sont utilisés contre les salaires et l’emploi. Partout dans le monde – y compris en Chine – des plans de relance et des politiques monétaires très expansionnistes ont tenté de contrecarrer ces tendances déflationnistes permanentes. Elles ne font en définitive qu’entretenir une suraccumulation de capitaux financiers à la recherche du maximum de rentabilité, et apparaissent impuissantes devant les convulsions de plus en plus violentes que cet état de crise produit.

Verrons-nous de nouveaux épisodes de ces convulsionsd’ici aux élections de 2012 ? Nul ne peut le prévoir avec certitude. Mais la crise – dans toutes ses dimensions, économiques et de civilisation – contribue puissamment à façonner le paysage politique à l’approche des échéances législatives et présidentielle.

La perte de confiance envers Nicolas Sarkozy et sa majorité est vertigineuse.  Affoler l’opinion avec la montée de la dette, affamer les services publics sous prétexte de réduire les déficits, promettre à nouveau la croissance pour demain en instaurant la loi de la jungle dans l’économie au nom de la « compétitivité » des entreprises ? Ces préceptes n’ont d’autres motivations que de satisfaire le « toujours plus pour la rentabilité et la finance, toujours moins pour les salaires et les services publics » qu’exigent  les marchés financiers. L’électorat populaire – y compris les employés et les ouvriers tentés par le vote Sarkozy en 2007 – a constaté leur nocivité.  Mais les propositions sont-elles beaucoup plus crédibles du côté du Parti socialiste  ? Elles se distinguent par une velléité de retour aux recettes étatistes de la social-démocratie,  avec comme proposition emblématique la constitution d’une « banque nationale d’investissement  » bien éloignée de ce que pourrait être un pôle financier public décentralisé, mobilisant les énergies pour réorienter le fonctionnement d’en- semble du système financier. Cela s’explique : à aucun moment le Parti socialiste ne conçoit l’intervention de l’État comme un moyen au service des luttes pour renverser la dictature des marchés financiers afin de développer les capacités humaines. Au contraire, dans son programme, tout reste subordonné à l’impératif de satisfaire à leurs exigences : la construction monétaire européenne actuelle, avec sa banque centrale indépendante et son affichage de discipline budgétaire, reste tabou, et rien n’est proposé pour changer l’orientation des crédits bancaires.

Les échecs successifs des politiques néolibérales et sociales-libérales conduisent  une grande partie de l’électorat populaire à l’abstention, voire à la tentation du vote Front national. La démagogie « sociale  » de Marine Le Pen fait écho à celle que les partis fascistes avaient déployée avant-guerre dans leur ascension vers le pouvoir, où ils avaient imposé par la violence les solutions à la crise voulues par le grand capital.

À l’inverse, des millions de nos concitoyens – ceux qui ont participé aux mobilisations sociales des dernières années, ou qui les ont activement approuvées – peuvent entendre qu’une convergence des luttes sociales et politiques, appuyée sur des avancées institutionnelles obtenues aux niveaux local, régional, national, européen, peut faire émerger la cohérence d’une alternative radicale au capitalisme financiarisé en crise. Conquérir partout de nouveaux pouvoirs pour les travailleurs et les citoyens afin de mobiliser les moyens financiers au service d’objectifs sociaux, démocratiques,  écologiques : le PCF a fait des propositions dans ce sens pour le  « programme partagé » du Front de gauche.

Il convient maintenant de les rendre réellement populaires, de les faire partager, de les soumettre à un large débat dans le pays, en appelant au développement des luttes. Si ce programme devient porteur de cette cohérence, s’il contribue au développement des luttes et à une mobilisation réellement populaire, si les forces qui composent le Front de gauche se donnent les moyens de la faire entendre, débattre et partager par notre peuple, alors l’espoir peut renaître.

 

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