Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Pouvoir d’achat : augmenter les salaires

La droite, avec les nouvelles annonces faites par Sarkozy, et le PS, avec son nouveau programme, font assaut de démagogie auprès des salariés et de leurs familles, en vue de l’élection présidentielle, en rivalisant sur le terrain de la redistribution.

En réalité, les uns et les autres sont tenus par un ancrage commun au Traité de Lisbonne et aux  choix du Conseil européen des 24 et 25 mars à Bruxelles qui a décidé du « pacte de l’euro+ ». Ce dernier prétend interdire toute hausse générale des salaires et entend maintenir chaque augmentation consentie sous la barre des gains de productivité du travail. Il appelle à une discipline particulièrement rigoureuse des salaires et traitements dans la Fonction publique.

Aussi retrouve-t-on, tant dans la politique de Sarkozy que dans le programme du PS, quatre constante : – Pas de coup de pouce au SMIC ; – Pas d’augmentation générale des salaires, pensions, retraites, minima sociaux ; – Freinage systématique de la masse salariale dans la fonction publique ; – Poursuite de la baisse des cotisations sociales patronales.

Tout cela ne fait que confirmer à quel point les discours sur la redistribution  des richesses sont pure démagogie s’ils ne sont appuyés sur une ferme volonté de changer les critères des crédits bancaires et des aides publiques, incitant les entreprises à réorienter leur gestion pour accroître la valeur ajoutée disponible pour les salariés et les populations, contre les prélèvements financiers du capital, avec la croissance de l’emploi, de tous les salaires, des qualifications  et des prélèvements nécessaires à une expansion  des services publics. Tout cela exige des pouvoirs des salariés sur l’utilisation des financements dans les entreprises.

Une dégradation salariale qui continue

Ces annonces pré-présidentielles sont des parades visant à faire croire que l’on veut répondre à la situation actuelle marquée par la dégradation  des salaires et par les luttes qui se multiplient sur cette question.

Ainsi, le salaire moyen par tête progresserait un peu moins rapidement que l’inflation à l’horizon de mi- 2011 (1)) et les salaires réels stagneraient  au premier trimestre. Alors que le salaire réel par tête dans les sociétés non financières a diminué de 1 % en 2009 et de 0,8 % en 2010, il pourrait reculer à nouveau de 0,3 % au moins en 2011.

Cela entraînera un freinage du pouvoir d’achat  des salariés comme de la consommation : D’une hausse de 0,9 % au quatrième trimestre 2010, cette dernière passerait à une hausse de 0,5 % au premier trimestre 2011, puis à une baisse de 0,1 % le trimestre suivant.

Cela frappera de plein fouet les familles les plus modestes dont les dépenses contraintes pré-engagées (logement, assurance, électricité, gaz, télécommunications.), qui représentaient déjà les trois quarts des revenus des 20 % des ménages les plus pauvres en 2006, continuent de s’alourdir. C’est dans ces familles que se comptent -entre 1 et 1,9 millions de personnes exerçant un emploi mais disposant d’un niveau de vie inférieur au seuil de  pauvreté Si l’on compte l’ensemble des personnes, conjoints et enfants compris, c’est entre 1,9 et 3,7 millions de personnes qui vivent dans un ménage pauvre dont le chef de famille dispose d’un emploi toujours en tenant compte de l’ensemble des ressources (3).

Il n’est  donc pas étonnant dans ces conditions que 8 millions de français (13 % de la population) vivent sous le seuil de pauvreté (2).

Au-delà des salariés les plus pauvres, c’est la majorité des salariés qui est touchée par les bas salaires : 50 % des Français gagnent moins de 1580 euros net par mois (18 990 euros/an). En France, 70 % des salaires mensuels nets de tous prélèvements sont inférieurs à 2074 €.

Pourtant alors que les gains de productivité du travail dans les entreprises auront été de 0,6 % en 2010 et seraient sans doute supérieurs en 2011, le patronat refuse toute négociation générale sur les salaires.

Cette dégradation salariale et ce blocage patronal sont les ingrédients de la montée du mécontentement, des luttes et de la grande défiance à l’égard de tout ceux qui cautionnent les politiques  d’austérité en France et en Europe.

Surenchères de démagogie

C’est dans ce contexte que Nicolas Sarkozy promet une soi-disant prime aux salariés dans les seules grandes entreprises où il y aura « une forte augmentation   des dividendes » et dans les petites « si ça va mieux ». Et une loi rendra obligatoire des négociations en ce sens, même si, comme l’indique l’expérience des vingt dernières années, les augmentations  de dividendes marchent de pair avec la pression contre la masse salariale, l’emploi, dans les grandes entreprises et, plus encore, chez leurs milliers de sous-traitants. Une chose est sûre : pour inciter, prétend-on, les entreprises à jouer ce jeu-là on leur promet de nouvelles exonérations de cotisations sociales… de quoi alourdir le déficit de la Sécu et de tirer un peu plus vers le bas tous les salaires !

Cette démagogie tente de faire passer la pilule de la fuite en avant dans les politiques d’austérité décidées par Sarkozy et Merkel au dernier Conseil européen des 24 et 25 mars avec le pacte de l’euro + qui prétend interdire toute hausse générale des salaires et contenir chaque augmentation sous la barre des gains de productivité. Cela mène la France dans le mur : Selon des prévisions  officielles, en effet, la croissance française serait amputée en 2011 et 2010 de 1 % du fait de la politique nationale d’austérité et de 0,4 % supplémentaire du fait de la politique d’austérité dans les autres pays européens.

Celui qui se présentait en 2007 comme le candidat du pouvoir  d’achat essaye de reprendre pied dans le débat sur la redistribution alors que sa politique, si efficace pour les profits financiers  et les grandes fortunes, débouche sur le massacre de l’emploi, l’explosion de la précarité et des bas salaires, la pauvreté, l’abaissement de la France.

Le Président de la République, déjà en campagne pour 2012, cherche à rivaliser avec un PS dont le discours à gauche ne saurait faire oublier l’ancrage au traité de Lisbonne et le soutien à la BCE « indépendante » avec, à la clef, le refus de toute augmentation générale des salaires et l’omission de tout coup de pouce au SMIC, la promesse de tenir la croissance de la masse salariale dans la fonction publique très en dessous de la croissance économique et de maintenir le principe des exonérations de cotisations sociales patronales, le refus de toucher aux critères du crédit et aux relations banques/entreprises…

Changer la production de richesses pour mieux redistribuer

Depuis la publication du rapport Cotis sur le partage de la valeur ajoutée, il est de bon ton d’affirmer que la répartition salaire/profits est stable en France depuis des dizaines d’années, ce qui est totalement faux. Les origines du malaise salarial français ne seraient donc pas à rechercher du côté de cet antagonisme, exacerbé par la domination des capitaux financiers et de leurs exigences de revenus (intérêts et dividendes), mais du côté des inégalités entre salariés eux-mêmes.

Il est de bon ton depuis de reprendre, comme le fait le PS dans son programme,  l’idée d’un salaire maximal, toute chose restant égale par ailleurs.

En réalité, ce type de proposition, à elle toute seule, méconnaît l’essentiel, c’est à dire l’envolée des bénéfices nets des sociétés du CAC 40 (83 milliards d’euros en 2010), distribués à plus de 40 % sous forme de dividendes. Surtout, elle méconnaît l’ampleur des prélèvements financiers des intérêts versés aux banques et des dividendes payés aux actionnaires  par les entreprises qui atteignaient 326,2 milliards d’euros en 2009, dans les sociétés non financières, et absorbaient 34,11 % de la valeur ajoutée (richesses douvelles) produites.

Ce type de proposition méconnaît l’explosion des profits des principales banques françaises, alors que celles-ci, continuant de bénéficier de larges aides publiques (dont un taux de refinancement de 1 % auprès de la BCE), maintiennent le frein sur les crédits, au détriment des PME surtout et de l’investissement de capacité en France, mais pour le plus grand profit des opérations financières, de la spéculation et des délocalisations.

C’est dire le besoin d’une conférence nationale sur les salaires, l’emploi et les qualifications  pour créer les conditions  d’un essor de la grande masse des revenus du travail et de remplacement, concomitante d’un progrès de l’efficacité sociale des productions françaises appuyé sur une sécurisation de l’emploi, de la formation et du revenu de chacun-e, au lieu de la flexicurité.

Cela devrait se traduire tout de suite par une sensible augmentation du SMIC et des minima sociaux avec un salaire minimum porté à 1600 euros bruts par mois comme le revendique la CGT.

Simultanément une mobilisation nouvelle du crédit bancaire devrait être engagée avec :

La création d’un Fonds national de sécurisation de l’emploi, de la formation et des revenus, qui serait décentralisé dans chaque région. Ce Fonds devrait être doté par le redéploiement de tous les Fonds d’État créés depuis 2007-2008 pour soutenir l’activité, l’emploi et la sécurisation des parcours professionnels. Il devrait être alimenté aussi par le redéploiement des 30 milliards d’euros de fonds publics dévolus aux exonérations de cotisations sociales patronales, lesquelles seraient sup- primées. Cet argent public viserait à prendre d’autant plus en charge les intérêts versés aux banques par les entreprises sur leurs crédits pour les investissements matériels et de recherche que ceux-ci programmeraient plus d’emplois, de formations, de progrès écologiques et d’augmentation de la masse salariale.

Pour développer ce nouveau mécanisme de crédit, il faudrait créer un pôle bancaire et financier public, à partir de la CDC, des banques semi-publiques, mutualistes ou coopératives dans le respect de leurs statuts, et de banques nationalisées.

Simultanément, il s’agirait d’exiger une profonde réorientation de la construction européenne avec une réforme radicale de la BCE avec :

=Une modulation de sa politique  monétaire : le taux d’intérêt de son refinancement des crédits bancaires serait d’autant plus abaissé que ces crédits serviraient à financer des investissements plus créateurs d’emplois, de formation, de progrès écologiques et de masse sala- riale. Il serait par contre relevé jusqu’à devenir dissuasif pour les crédits finançant  des placements financiers, la spéculation,  les délocalisations ou des investissements visant à diminuer la masse salariale.

=Une création monétaire  nouvelle pour un essor  des services publics : Pour cela devrait être créé un Fonds pour un développement  social européen (FDSE), se substituant au Fonds de stabilisation financière européenne (FSFE). Il émettrait des titres publics rachetés directement  par la BCE, le produit de ces cessions étant alors réparti aux différents pays membres dans le but exclusif de développer les services publics sur leur territoire et en coopération  avec les pays partenaires. 

 

(1) A fortiori avec l’inflation actuelle des prix alimentaires, des loyers et des  tarifs des  services aux  personnes qui pèsent relativement beaucoup plus lourd sur les catégories modestes.

(2) Seuil de pauvreté calculé après avoir comptabilisé les prestations sociales (prime pour l’emploi, allocation  logement, etc.)  ou intégré des  revenus de leur conjoint.

(3) Même en utilisant la définition la plus restrictive on compte presque deux millions de personnes qui vivent avec moins de 800 euros par mois pour un adulte  seul,  alors  qu’elles  exercent un emploi ou que leurs parents sont dans ce cas.

 

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