Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Renégocier les traités pour réorienter la BCE et relancer les dépenses publiques

le 01 November 2005

Des moyens financiers pour une nouvelle croissance française et européenne : Première partie : Saisir autrement la monnaie et le crédit

I. Renégocier les traités pour réorienter la BCE et relancer les dépenses publiques utiles nécessaires à une nouvelle croissance riche en emplois et en qualifications en Europe

C'est nécessaire pour au moins trois raisons.

1. Les Français ont rejeté à une large majorité le projet de traité constitutionnel entendant graver dans le marbre les orientations actuelles de la BCE et les disciplines du Pacte de stabilité. Il faut respecter ce choix.

2. De partout grandit la protestation contre le dogmatisme monétariste de la BCE. En atteste le rejet par le Parlement européen, en juillet dernier, d'un rapport favorable à l'action de la BCE. Le Pacte de stabilité est aussi très contesté. Il est d'ailleurs transgressé par un nombre croissant de pays, tout en continuant de servir de norme pour imposer toujours plus de sacrifices en matière de dépenses publiques et sociales.

3. La situation de l'emploi et la croissance sont particulièrement mauvaises dans l'Union européenne et, plus encore, dans la zone euro. Celle-ci décroche de la croissance mondiale, alors que l'orientation maintenue de la politique monétaire de la BCE encourage tant et plus l'inflation et la spéculation des marchés financiers et immobiliers, ainsi que les sorties de capitaux vers les Etats-Unis et les pays émergents.

Tout cela indique l'absolue nécessité d'une transformation de la mission assignée à la BCE et à « l'Eurosystème » qu'elle chapeaute. Cela appelle aussi à une mise en cause radicale du pacte de stabilité en perspective d'un pacte de progrès social pour l'emploi, la formation, les nouvelles technologies.

A. REORIENTER LA BCE

La croissance de l'emploi en quantité et en qualité devrait devenir la première priorité de la BCE. La recherche d'une stabilité des prix serait conditionnée à cet objectif prioritaire et inclurait, outre les prix des biens et services, ceux des actifs financiers et immobiliers.

La BCE dispose de deux instruments puissants pour réguler la distribution du crédit par les banques dans chaque pays membre de l'Union européenne : Le taux d'intérêt auquel elle prête aux banques la monnaie dont elles ont besoin pour réaliser leurs opérations de crédit ; Les réserves qu'elle oblige les banques à constituer pour assurer leur activité (réserves obligatoires).

On peut jouer sur ces deux instruments pour réorienter la BCE.

a) Moduler les taux d'intérêt de la BCE pour soutenir l'emploi et la formation avec les investissements nécessaires.

Pour que la croissance de l'emploi en quantité et qualité soit effectivement la priorité, on peut rendre sélective la politique de taux d'intérêt de la BCE : en modulant les taux d'intérêt auquel, par le canal des banques centrales nationales ( par exemple la Banque de France ) elle prête de la monnaie aux banques ordinaires, dans chaque pays, pour faciliter ou rationner la distribution du crédit.

Cette opération, appelée « refinancement », pourrait être assortie d'un taux d'intérêt d'autant plus abaissé (jusqu'à devenir nul, voire négatif) que les crédits « refinancés » serviraient à des investissements programmant plus d'emploi et de formation.

Ce taux d'intérêt serait par contre relevé pour pénaliser le crédit servant à faire des opérations financières.

b) Moduler les « réserves obligatoires » imposées aux banques pour favoriser le crédit soutenant l'emploi et la formation

L'eurosystème dispose d'un autre instrument de régulation : les réserves obligatoires imposées aux banques sur leurs crédits pour en faciliter la distribution ou, au contraire, la décourager.

Ces réserves pourraient être imposées de façon modulée pour encourager les crédits d'autant plus qu'ils servent à financer les investissements programment plus d'emplois et de formation et à pénaliser ceux qui servent aux opérations financières et spéculatives.

c) Démocratiser et socialiser la BCE

Une modification du statut de la BCE (articles 108 et 110 des traités existants) est indispensable pour un partage de ses pouvoirs au service d'une sécurisation de l'emploi et de la formation commune à tous les européens.

Pour cela nous proposons :

1. De placer son action sous le contrôle du parlement européen et des parlements nationaux, en vue de contribuer à la réalisation d'objectifs chiffrés annuels de créations d'emplois à l'échelle de toute l'Union européenne et dans chaque pays membre.

2. D 'accorder plus d'autonomie à l'action des banques centrales nationales. Ainsi, l'enveloppe globale de crédits décidée chaque année pour toute l'Union, afin de réaliser des objectifs chiffrés d'emploi, pourrait être répartie dans les pays membres en fonction des objectifs quantifiés d'emploi que chacun se donnerait, sous le contrôle de son parlement national. Chaque banque centrale nationale aurait ainsi la responsabilité de gérer une enveloppe annuelle de « refinancements » établie en concertation avec la BCE sur la base d'objectifs chiffrés annuels de développement de l'emploi. Dans ce cadre commun, les banques centrales nationales pourraient alors pratiquer une sélectivité des taux différenciée d'un pays à l'autre selon ses besoins nationaux propres.

3. D 'ouvrir le « sanctuaire » du Conseil des gouverneurs de la BCE et du gouvernement de chaque Banque centrale nationale aux représentants des salariés et des citoyens.

B. ENGAGER UNE ACTION EUROPÉENNE POUR REMPLACER LE « PACTE DE STABILITÉ » PAR UN « PACTE DE PROGRÈS SOCIAL POUR L'EMPLOI ET LA CROISSANCE »

Il s'agit de mettre en cause radicalement le pacte de stabilité de l'euro pour le remplacer par un « pacte de progrès social pour l'emploi, les qualifications, les nouvelles technologies ».

Il faut en effet organiser une relance concertée des dépenses publiques et sociales de développement (santé, éducation, formation, recherche, logement social, culture, transports, infrastructures ...).

Ces dépenses sont indispensables pour relever le potentiel économique et humain de l'Union européenne, afin de réaliser des objectifs de création d'emplois, d'essor des qualifications et de progrès social pour tous.

Le financement accru de ces dépenses doit donc absolument échapper au calcul des déficits publics à maîtriser. Le supplément de croissance que permettront ces dépenses contribuera d'ailleurs à la réduction ultérieure des déficits et dettes publics.

Ce financement pourrait être assuré par l'émission de titres publics d'un type nouveau, susceptibles d'être acquis, en cas de besoin, par la BCE à un taux privilégié, dans le cadre de sa mission de soutien de l'emploi et de la croissance dans toute l'Union européenne.

Cela exige une modification des traités existants, notamment l'article 101 du traité européen actuellement en vigueur, qui prohibe l'acquisition directe de titres publics par le Système Européen de Banques Centrales (SEBC).