Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Travailler plus pour gagner plus ? Informer pour répliquer

le 02 October 2007

Le décret d'application de l'article 1 de la loi TEPA (exonérations cotisations sociales et défiscalisation des heures supplémentaires) vient de paraître.

Sommaire I.- Heures supplémentaires (...) II.- Heures supplémentaires III. Promouvoir le programme

Il confirme ce qui avait été annoncé. Pour les entreprises : 0,50 € de réduction des cotisations de sécurité sociale par heure supplémentaire, portée à 1,50 € dans les entreprises de 20 salariés et moins. Pour les salariés : selon un système complexe, exonération de toute cotisation sociale sur les heures supplémentaires et défiscalisation.

Sachant que dans les petites entreprises les majorations pour heures supplémentaires repassent de 10 à 25 %. On peut assez facilement envisager les effets de ce dispositif.

I.- Heures supplémentaires nouvelles, objectif central clamé pendant la campagne électorale.

On est très loin - contrainte budgétaire oblige - de ce qui avait été annoncé par le candidat Sarkosy « vous - les chefs d'entreprises - ne paierez pas de charges sur les heures supplémentaires !! » . En effet, dans les entreprises de plus de 20 salariés, le coût global d'une heure supplémentaire passe, au niveau du Smic, de 12,66 € à 12,16 € ; pour un salaire de 12 € de l'heure, de 21 € à 20,50 €. Dans les entreprises de 20 salariés et moins le coût horaire de l'heure supplémentaire passe, au niveau du Smic, de 11,14 € à 11,16 € ; pour un salaire de 12 € de l'heure, de 18,48 € à 19,50 €. ( calculs effectués en considérant un taux moyen de charges patronales de 20 % au niveau du Smic et de 40 % au niveau de 12 € de l'heure)

L'incitation est très faible. Dans les petites entreprises les heures supplémentaires seront même plus chères qu'avant, surtout pour celles qui paient des salaires moyens ou élevés. C'est en tablant sur un faible coût des heures supplémentaires qu'on avait annoncé que les salariés pourraient « travailler plus pour gagner plus ». A défaut d'incitation financière les chefs d'entreprises n'ont aucune raison de modifier leurs pratiques. Or, c'est l'employeur, et non le salarié, qui décide de l'exécution des heures supplémentaires. De plus la conjoncture économique ne devrait pas, dans le court terme en tout cas, provoquer une demande de travail supplémentaire.

Dans ces conditions la plupart des entreprises qui sont à 35 heures devraient s'y maintenir, celles qui bénéficient d'un accord d'annualisation continueront à l'utiliser, ainsi que celles qui pratiquent la récupération des heures supplémentaires au lieu de leur paiement.. Sans compter les petits ou gros vols quotidiens de temps de travail non payés, dans le commerce, la restauration, les transports…., les nombreuses heures de travail non payées des cadres et autres salariés hautement qualifiés au forfait dans les grandes entreprises ou encore les tentatives d'augmenter la durée du travail, avec chantage à l'emploi, sans augmentation de salaire. On ne voit pas pourquoi les patrons concernés paieraient 20 € des heures actuellement gratuites ou qui pourrait le devenir. « Travailler plus pour gagner plus ». Sans doute Sarkosy avait-il omis de préciser qu'il pensait en réalité au gain supplémentaire pour les actionnaires généré par l'accroissement du travail gratuit, source de tout profit capitaliste.

Les salariés qui ont été bernés et ont voté Sarkosy dans l'espoir de se voir payer des heures supplémentaires nouvelles vont en tout cas devoir attendre longtemps.

II.- Heures supplémentaires actuellement déclarées et payées

ont concernés essentiellement les salariés employés dans des entreprises qui sont restées à 39 heures après les lois de réduction du temps de travail. Quatre millions au moins de travailleurs sont concernés, surtout dans les petites entreprises. Preuve, au passage, que contrairement à ce que la droite rabâche, les 35 heures n'ont jamais été obligatoires, malheureusement.

Ces millions de salariés effectuent 4 heures supplémentaires par semaine. Ils vont donc bénéficier dès la paye d'octobre des exonérations de cotisations sociales précisées par le décret.

Dans les entreprises de 20 salariés et moins cela va se traduire par une augmentation de salaire net non négligeable : par exemple 56,49 € par mois pour un travailleur payé au Smic ou 84,34 € pour un travailleur au taux horaire médian de 12 €. Dans les deux cas l'augmentation de salaire net est de pratiquement 5 %.

Les courtisans du nouveau monarque ne vont pas manquer de claironner ce résultat dès la fin octobre. Ils vont dénoncer la manière simpliste dont on présente à gauche « le paquet fiscal » comme étant un cadeau de 15 milliards réservé uniquement aux riches. En l'occurrence ils auront en partie raison puisque sur ces 15 milliards il y en a 5 à 6 qui vont aller directement à ces salariés restés à 39 heures qui ne comprendraient pas qu'on les considère comme riches.

Mais la Cour va oublier plusieurs choses :

D'abord cette augmentation n'est qu'un rattrapage pour ces salariés qui auraient dû bénéficier d'une augmentation de salaire de 11,43 % dès le vote de la loi Aubry II. Les députés communistes avaient en effet proposé l'augmentation de 11,43 % de tous les taux horaires, que les entreprises passent à 35 heures ou qu'elles restent à 39 heures. Jospin et Aubry épaulés par les députés de droite s'y sont, à l'époque, opposés. Avec pour résultat que les smicards, et ceux payés aux minima conventionnels, restés à 39 heures ont dû attendre 5 ans et plus pour être mis à niveau en taux horaire et que ceux dont les salaires réels sont supérieurs aux minima conventionnels sont encore aujourd'hui perdants. Par conséquent les 5 % de Sarkosy ne sont pas un cadeau mais une restitution partielle.

Ensuite ce ne sont pas les employeurs qui vont payer cette augmentation de salaires mais l'ensemble de la population, salariés et retraités, par la fiscalité, la diminution des prestations sociales, la baisse des effectifs des services publics, de nouvelle restrictions des droits à la retraite. Il s'agit donc d'une augmentation de salaire des salariés qui font des heures supplémentaires payée par ceux qui n'en font pas.

Puis les bénéficiaires vont devoir eux même passer à la caisse : ils paieront, comme les autres salariés, les taxes nouvelles et subiront eux aussi les reculs sociaux ; de plus ce « cadeau » ne manquera pas d'être invoqué pour limiter l'augmentation du Smic par le gouvernement et celle des salaires réels par les chefs d'entreprises. Les quelques dizaines d'euros mensuels risquent ainsi de fondre comme neige au soleil en un ou deux printemps.

Enfin les salaires dus aux heures supplémentaires ne sont jamais garantis. Si le chef d'entreprise décide de l'exécution des heures supplémentaires il peut tout aussi bien décider de les supprimer du jour au lendemain si la charge de travail diminue ou s'il estime possible d'intensifier le travail.

Les effets, sur l'emploi et sur le pouvoir d'achat global des salariés, de la mise en musique concrète du slogan favori de Sarkosy seront donc inférieurs à zéro.

Le slogan a du plomb dans l'aile. Sachant que c'est avant tout sur ce dispositif qu'il compte pour « aller chercher, au besoin avec les dents, le point de croissance qui nous manque » on peut se faire du souci pour la santé du Président.

III. Promouvoir le programme communiste contre la dictature financière

Et pourtant la croissance des richesses créées est indispensable pour assurer les immenses besoins de la société. Pas la croissance qui résulte de l'augmentation de la consommation de pétrole due aux villes construites à la campagne au bénéfice de la rente foncière et des promoteurs, mais la croissance des formations, des salaires, de la recherche, des logements de qualité, des transports en commun, de l'éducation, de la santé….

Le capitalisme, qui a fait le choix de la fuite en avant dans le profit financier, s'avère désormais incapable de satisfaire les besoins dans un pays développé comme la France. Sarkosy prétend que personne ne propose d'autre politique que la sienne. Il est mal renseigné. A son dernier congrès, sur la base des travaux des économistes communistes (notamment Paul Boccara, Yves Dimicoli, Denis Durand), le Parti communiste a adopté un projet novateur pour sécuriser l'emploi et la formation de tous, fondé sur les besoins des populations comme critères de gestion des entreprises, appelant des pouvoirs d'intervention et de décision nouveaux pour les citoyens et pour les salariés dans les entreprises à l'opposé des pleins pouvoirs des chefs d'entreprises, promouvant une conception radicalement différente du crédit afin de favoriser les investissements créateurs d'emploi contre la dictature des marchés financiers.

La crise financière et bancaire qui secoue actuellement la planète avec ses risques immenses sur l'économie réelle et donc sur les conditions d'existence des populations rend plus indispensable que jamais la recherche d'autres solutions que les recettes éculées du capitalisme, qu'il s'agisse du « bon vieux temps » des compromis des 30 glorieuses regretté par une certaine gauche ou des purges dans l'appareil de production - au besoin par la guerre - déclenchées par les intégristes du système pour se refaire une santé.

Il est de l'intérêt de tous, que les communistes examinent avec précision la portée de la politique de Sarkosy pour mieux y répliquer, approfondissent leurs propositions économiques, qu'ils les mettent en débat, qu'ils prennent des initiatives pour contribuer à des mobilisations populaires et à des rassemblements frontaux à gauche contre la dictature financière. Le congrès extraordinaire est, sur cette importante question, une excellente occasion de consacrer du temps à prendre des décisions utiles : prise en compte réelle par la direction du parti, programme de formation des militants, campagnes d'information, utilisation des compétences, interventions quand c'est possible dans les médias, organisations de débats contradictoires, interventions dans les institutions, dépôt de propositions de lois, accompagnements des luttes et pour les susciter.

Contribution de Sylvian Chicote