Mettre les services publics au cœur du projet européen.
L’objectif vaut pour l’ensemble des services publics et pour la Fonction publique à trois versants, État, territoriale et hospitalière.
Il est possible de l’atteindre en créant un « Fonds de développement économique, social et environnemental pour les services publics en Europe ». Et en annonçant d’emblée qu’il faudra pour cela créer un rapport de force dans les entreprises et les services publics, et dans les institutions européennes. Avec une proposition phare : « Réorienter le crédit délivré par la BCE dans chaque État de l’Union européenne ».
L’objectif audacieux prend en compte les préoccupations et revendications sociales, environnementales et économiques, ainsi que le développement équilibré des territoires.
En effet, sur le terrain, les luttes et les débats butent sur la possibilité du développement des services publics et de la Fonction publique, et à chaque fois, sur le financement.
Les propositions PCF énoncées ici sont de nature à débloquer la situation, sachant qu’elles sont applicables immédiatement, sans condition de changement des traités qui sont bien entendu à changer profondément comme nous le proposons par ailleurs.
Et dans cette perspective audacieuse, le préalable d’abandon définitif du projet de loi Darmanin-Dussopt devient une évidence. Ce projet de loi s’oppose aux aspirations sociales et environnementales exprimées dans les luttes récentes.
Le 19 mars dernier, des dizaines de milliers de salarié-e-s et retraité-e-s manifestaient dans la rue et dans tout le pays. Privé et public, l’ensemble des services publics et les trois versants de la Fonction publique.
Les principales revendications : salaires, pouvoir d’achat, emploi, reconnaissance des qualifications, retraite.
Un sondage Odoxa France Inter/Nouvel Observateur indique que 73 % de la population soutenaient le mouvement de grève du 19 mars et que par ailleurs 88 % des fonctionnaires estimaient la grève et le mouvement justifiés.
Nous ne ferons pas notre analyse à l’aulne des seuls sondages. Mais nous pouvons dire en revanche que le pouvoir macronien entend passer en force sans tenir compte de l’opinion, des luttes diverses, des grèves et des manifestations.
Les manifestations des 15 et 16 mars associant les jeunes lycéens et étudiants alertaient à nouveau sur la nécessité de prendre des mesures immédiates sur l’environnement.
Ce même samedi, les manifestations Gilets jaunes commencées en octobre se poursuivaient pour la 18e semaine.
Les revendications : pouvoir d’achat, accès et proximité des services publics, en priorité école, transports publics, accès aux soins, Poste, administrations, contre la désertification des zones rurales avec maintien et retour de différents artisans et commerces de proximité.
Au début du mouvement Gilets jaunes, les médias apportaient chaque semaine un sondage sur la popularité du mouvement et les revendications. Ces sondages nous indiquaient des soutiens de l’ordre de 70 % à ce mouvement inédit. Un mouvement qui continue de mobiliser à la fois une partie des populations les plus démunies et une partie des petits salaires et des petites retraites.
Depuis les années 1980, le patronat, les experts aux ordres et les gouvernements successifs nous ont conditionnés pour nous faire confondre casse des services publics, casse des filières industrielles, détricotage des garanties du Code du travail avec le vocable de « modernisation ».
Car le remodelage des lieux et des formes de pouvoir au sommet, sans même l’amorce d’un débat sur le fond avec les principaux intéressés et les élus de la nation, devient la règle de fonctionnement du gouvernement.
Le processus s’est ainsi accéléré, malgré les luttes et les revendications des salariés du public et du privé.
Il en fut de même avec les différentes réformes déstructurantes des régimes de retraite, particulièrement depuis 1993, 1995, 2003… En effet, la baisse continue du taux de remplacement alliée à l’augmentation de l’âge légal de départ crée un fort sentiment d’insécurité – sentiment justifié – parmi les agents en activité, qu’ils soient en début ou en fin de carrière. Une machine à broyer les salariés qui annihile l’initiative, l’enthousiasme, les valeurs de solidarité au travail, tout cela à cause d’une dégradation des conditions de travail, d’une qualification non reconnue et de sombres perspectives de carrière, comme actif puis pour la retraite.
Ces précisions valent une analyse approfondie, car jusqu’à ces dernières années les fonctionnaires se sentaient, se croyaient sinon « privilégiés », du moins « protégés » en comparaison des autres salariés du privé. Un récent sondage Viavoice à la demande de l’Ugict-CGT indique une dégradation de vie au travail ces dernières années. En effet, «… 67% des techniciens et professions intermédiaires considèrent que leur rémunération est en décalage avec leur implication… »
Et la colère qui monte est en augmentation par rapport aux années précédentes et est nettement plus marquée dans la Fonction publique, où justement l’austérité salariale est largement dénoncée : 79 % des fonctionnaires de catégories B considèrent que leur rémunération est en décalage avec leur implication »… Sont dénoncés dans ce même sondage un temps de travail qui explose, avec pour 34 % des agents interrogés des heures supplémentaires non payées et un management qui empêche de bien travailler. L’évaluation individuelle est aussi très critiquée. 67 % des sondés estiment que cette dernière est construite sur de « mauvais critères ».
Le gouvernement pratique d’un postulat dangereux consistant à accentuer encore jusqu’à l’explosion un processus de diverses mesures qui produit déjà l’inefficacité vis-à-vis des missions à assurer, le mécontentement et la colère des usagers et des agents.
Au total les effectifs de la Fonction publique (trois versants confondus) sont en baisse, chiffres accentués si on les rapporte à l’augmentation de la population. Malgré cela il faut recruter pour maintenir les besoins dus aux départs en retraite.
Ce recrutement ne se fait pas sans difficulté et l’on parle d’absence d’attractivité du métier dans plusieurs secteurs. D’ailleurs les démissions des primo arrivants se multiplient particulièrement dans les secteurs de la santé ou de l’éducation.
Il serait vain d’imaginer que la dégradation progressive des conditions de travail, d’emploi et de rémunération n’ait pas d’effet sur l’image et l’attractivité des métiers de la Fonction publique.
Dans la Fonction publique et secteur par secteur, école, universités, recherche, formation professionnelle publique, secteur hospitalier, territoriale, justice, les réformes se succèdent et s’accélèrent concernant dans un même mouvement la structure des établissements, la décentralisation, la déconcentration, le management, les garanties statutaires et de carrière des agents. Le désengagement public et la sous-traitance au secteur privé font partie du processus et des choix du gouvernement.
La culture de service public et de la Fonction publique, la notion de mission à accomplir, l’égalité de traitement, le salarié missionné et titularisé avec des droits statutaires, mais aussi avec des responsabilités au simple titre d’agent public (et pas seulement au titre de la responsabilité hiérarchique) est mise à mal.
Car le fonctionnaire est engagé après vérification de sa qualification et de ses capacités à exercer la mission dans un cadre législatif et réglementaire. Il ne signe pas de contrat de travail, mais il est lié à l’employeur par les lois et règlements afférents à son statut1.
Bien différent d’un « privilège » clamé à toutes les sauces par les détracteurs des services publics, il s’agit d’un engagement et d’une responsabilisation tout au long de la carrière de l’agent. Ainsi le droit commun de l’emploi dans la Fonction publique est le « fonctionnariat » en lieu et place du contrat de travail signé par les deux parties.
La destruction progressive du statut de fonctionnaire et son remplacement par la contractualisation courte ou indéterminée lié au management actuellement développé dans la FP ne trompe personne. Pour le gouvernement, il s’agit d’obtenir des salariés dociles à tous les niveaux dans les activités d’exécution, intermédiaires, d’expertise et de direction. La culture Fonction publique des « fonctionnaires citoyens » issue de 1946, prenant l’initiative et la parole pour améliorer le service, est donc en danger.
Alors que, dans un contexte totalement nouveau avec la révolution informationnelle qui percute les modes d’organisation du travail, il serait possible de favoriser l’horizontalité des échanges dans les collectifs de travail, le gouvernement avec son projet de loi va durcir inévitablement le mode d’encadrement avec plus de verticalité.
Quand l’emploi est en jeu, quand la prime est en jeu, ce mode de management qui se prétend moderne fait la promotion d’une forme d’encadrement hiérarchique traditionnel et formaté, le plus vertical et soumis, qui réduit la créativité et l’expression libre de l’ensemble des équipes et des agents et menace la bonne conduite des missions.
Le projet de loi dit de « transformation de la Fonction publique » reprend les annonces de février 20081 et a fait l’unanimité contre lui au conseil commun de la Fonction publique. Ce projet a fait l’objet d’un boycott de la quasi-totalité des organisations syndicales le 6 mars et d’un vote contre unanime des neuf organisations syndicales le 15 mars. Les employeurs territoriaux se sont abstenus et les employeurs hospitaliers se sont prononcés pour le texte.
Il a été validé au conseil des ministres du 27 mars 2019 sans aucun changement de fond.
Le secrétaire d’État en charge de la Fonction publique, Olivier Dussopt, veut rendre la Fonction publique « plus agile et plus véloce » selon ses propres termes.
Mais l’objectif de suppressions de 120 000 postes de fonctionnaires d’ici 2022 est maintenu. Il est fait référence à 50 000 suppressions pour l’État et 70 000 pour la territoriale. Des suppressions sont aussi envisagées dans la Fonction publique hospitalière, suppressions qui s’additionnent aux 120 000 déjà citées.
Les grandes lignes de ce projet de loi sont contenues dans cinq titres :
– Promouvoir un dialogue social plus stratégique.
– Transformer et simplifier le cadre des ressources humaines.
– Simplifier et garantir la transparence et l’équité du cadre de gestion.
– Favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles.
– Renforcer l’égalité professionnelle.
Dans ce projet de loi, le gouvernement s’attaque à la démocratie sociale et aux instances représentatives des personnels. Il s’agit, à l’instar du CSE (Comité social économique) mis en place dans le privé, de regrouper les instances pour réduire les possibles interventions des représentants salariés et pour réduire leurs moyens globaux.
Les Comités techniques (actuellement avenir de l’établissement, choix de gestion, créations, suppressions d’emplois, etc.) et les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont fusionnés.
Les CAP (commissions administratives paritaires) sont vidées de leurs contenus. La transparence systématique des évolutions de carrière, mutations, promotions, avancements, de tous les agents disparaît. Seuls les recours explicites des agents seraient examinés.
Il est évident qu’il s’agit ici d’un changement de paradigme avec, à la clef, la primauté du management, de l’individualisation des carrières, du mérite et du choix de l’agent par le chef de service. Le gouvernement parle de « transparence », tandis qu’il supprime les instances de contrôle systématique des carrières et, de fait, les moyens attribués pour ce faire aux élus du personnel.
Le projet de loi favorise la voie du recrutement par contrat en lieu et place des fonctionnaires.
Le dispositif élargit la possibilité de recruter à temps incomplet inférieur à 50 % et favorise aussi le contrat de projet pour une durée déterminée.
Le projet de loi prévoit d’élargir la rémunération individualisée aux contractuels et un intéressement pour les fonctionnaires avec valorisation de la notion de mérite individuel.
Par ce même texte le gouvernement veut supprimer les accords locaux plus favorables aux agents. C’est la négation de tout dialogue social et finalement le pendant de « l’inversion de la hiérarchie des normes » dans le privé.
Tout cet arsenal préfigure l’accompagnement des suppressions d’emplois d’ici 2022, la réduction de l’emploi de fonctionnaires, les ruptures « conventionnelles », et les possibles restructurations de services avec départs dits « volontaires ».
Une partie de ces changements fondamentaux proposés dans le projet de loi a été préparée insidieusement « en douceur » depuis déjà une dizaine d’années par le gouvernement et la DGAFP (Direction générale de l’administration de la Fonction publique agissant en DRH groupe pour les trois versants FP) comme en témoignent la mise en place des « Bourses de l’emploi Fonction publique » et la création des « Répertoires des métiers » dans les trois versants de la Fonction publique.
Avec ce dispositif accessible aujourd’hui en ligne et tout prêt pour être opérationnel à grande échelle, le « métier » se substitue au « grade ou cadre d’emploi » et le concept de statut particulier de fonctionnaire disparaît progressivement au profit des recrutements sous contrat.
Ainsi, les recrutements de fonctionnaires avec « qualification validée requise en préalable de la titularisation dans le grade » et les notions de carrière disparaissent du même coup. Et nous passons dans le système dit de « la loi du marché de l’emploi ».
Pourtant on peut affirmer que les besoins de service public sont immenses en ce début de xxie siècle. Au niveau national et au niveau européen. L’heure devrait être aux coopérations et non aux coupes drastiques de l’emploi public.
Il est alors scandaleux et pour le moins paradoxal de voir ce gouvernement présenter son projet de loi sur la Fonction publique sans aucune réponse en lien avec le grand débat et les revendications des territoires, se rapportant justement à une demande de plus de service public et plus de Fonction publique de proximité.
D’un côté l’on casse la Fonction publique, on restructure avec moins de moyens, on développe la précarité de l’emploi public, et de l’autre on prétendra répondre aux revendications exprimées dans les mouvements sociaux récents !
Avec ce pouvoir, plutôt qu’associés, les citoyens sont pris à témoin de la situation et les choix gouvernementaux et orientations fondamentales ne sont jamais mis réellement en débat.
Au-delà des analyses spécifiques à chaque organisation syndicale et des choix de forme de lutte ces dernières condamnent le projet de loi, une condamnation à la fois sur le contenu et sur la méthode de passage en force.
La CGT déclare dans une adresse du 27 février aux syndiqué-e-s de la FP, et à propos de ce projet qu’elle qualifie d’emblée de « dévastateur » : « En prévoyant explicitement des restructurations et des fermetures de services, en multipliant les dispositifs pour organiser des mobilités contraintes tous azimuts, en ôtant aux commissions administratives paritaires leurs principales compétences notamment en matière de mutations et de promotions, en accroissant de façon quasi illimitée le recours au non-titulariat et à la précarité, en faisant de la part individuelle des salaires un élément déterminant de la rémunération, ce projet de loi constitue une attaque sans précédent et même un basculement du modèle social. »
La FSU évoque une « loi de destruction de la Fonction publique »… L’UNSA y voit une « rupture, un refus d’écoute et une opacification de la gestion des personnels »… et FO « un miroir de la loi travail »…
Ce projet de loi qui, rappelons-le, concerne les trois versants de la Fonction publique, vient déstructurer les statuts et les pratiques de concertation pour 20 % de la population active, 5,2 millions de salariés.
Ce texte mérite d’être appréhendé dans le temps long et dans le contexte de chaque secteur.
Les attaques contre le statut des fonctionnaires depuis 1946 jalonnent les 72 dernières années.
Le dogme de la réduction de la dépense publique est omniprésent.
La bataille idéologique contre la spécificité du modèle social Fonction publique sévit et laisse des traces dès la fin des années 1950 (loi du 19 octobre 1946 devenant l’ordonnance du 4 février 1959…).
Mais l’on retiendra dans l’accentuation des attaques, la RGPP (Révision générale des politiques publiques) de 2007 sous la présidence Sarkozy, un tournant très significatif, et aujourd’hui, ce nouveau projet de loi encore bien plus radicalement destructeur, à la fois des missions publiques et des garanties des agents.
La Fonction publique reste une construction historique issue de choix et de rapports de force. C’est ainsi qu’en 1982-1986, les lois Le Pors instituant une Fonction publique à 3 versants et un statut des fonctionnaires applicable selon des spécificités aux personnels des 3 versants a créé une temporisation bénéfique. Ces lois étaient accompagnées d’un plan de titularisation ayant eu pour effet une réduction massive du non-titulariat jusqu’à la fin de la décennie 1980.
Par ailleurs le gouvernement lance un projet de loi dans un contexte général dégradé :
En effet, les trois versants FP et tous les secteurs ou ministères subissent réforme sur réforme avec à chaque fois des restructurations de services, des surcharges de travail pour les agents, des mobilités imposées. Tout cela au nom d’une Fonction publique « agile », « mobile » avec un management toujours renouvelé en remplacement et au mépris des technicités et des qualifications individuelles et collectives. L’instabilité, la peur du lendemain au travail, l’individualisation des carrières vont à l’encontre du concept de fonctionnaire citoyen et de la qualité de la mission à assurer2.
Les agents toutes catégories confondues fonctionnaires ou contractuels subissent, concernant les salaires, une 7e année blanche (+ 0%) en 9 ans de 2011 à 2019.
Ainsi, l’augmentation générale de la valeur du point d’indice depuis 2006 stagne chaque année à +0,2 % ou +0,5 % ou bien se situe à 0 %.
Cette situation se traduit par d’énormes pertes de pouvoir d’achat allant jusqu’à 30 % du salaire mensuel, et au-delà selon les catégories d’agents et leurs anciennetés. Dans la Fonction publique, la désindexation des salaires remonte à 1982, avec comme triple conséquence la baisse du pouvoir d’achat, la baisse de la reconnaissance des qualifications des agents et un rétrécissement sans précédent de l’amplitude des grilles de rémunérations. Cette baisse de pouvoir d’achat est telle que les repositionnements de grilles et les mesures catégorielles comme les PPCR de 2017 (parcours professionnels, carrières et rémunérations, mesure par ailleurs critiquée et controversée) sont bien loin de rattraper les pertes subies par l’absence d’augmentation générale.
En termes de perte de pouvoir d’achat, il faut ajouter l’augmentation de la cotisation retraite, la hausse de la CSG mal compensée et le rétablissement du jour de carence.
Dans les ministères, dans la territoriale, dans la santé, les personnels sont confrontés à de multiples réformes régressives et toujours sans dialogue. Nous ne ferons pas ici la liste exhaustive.
Dans l’Éducation nationale, la réforme Blanquer apporte élitisme, réduction de moyens et encore plus de remise en cause de la formation initiale des enseignants…
Le gouvernement envisage une hausse importante des frais d’inscription pour les étudiants étrangers (est évoqué le chiffre de 2 770 € en licence). Cette mesure – sous couvert de renflouer les budgets autonomes des universités – est discriminatoire et préfigure une remise en cause de l’accès pour tous les étudiants au service public de l’enseignement supérieur avec le risque d’une généralisation de droits d’inscription coûteux pour tous…
À la direction des Finances ce sont plus de 35 000 postes supprimés en 10 ans ! Ce ne sont pas seulement les finances publiques qui sont touchées. C’est aussi la Répression des fraudes et la Douane qui sont cruciales dans la lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment…
Le plan Ma santé 2022 annonce la dégradation de l’offre de soins… Déjà la population et les personnels concernés sont vent debout contre la fermeture des maternités, pour plus d’offre de soins, pour augmenter les capacités d’accueil dans de bonnes conditions des EHPAD…
Les collectivités déjà particulièrement ciblées ces dernières années sont mises dans la contradiction d’assurer toujours plus de services publics avec moins de moyens de financement. Le CNFPT (Centre national de la Fonction publique territoriale) est dans l’œil du cyclone avec risque de privatisation à la clef…
Nos propositions
Il faut tout d’abord sortir la Fonction publique de l’enfermement dans le dogme de la réduction de la dépense contrainte, la limitation de déficit public, la théorisation du « poids » de la dette et l’organiser pour répondre aux besoins actuels et nouveaux.
Aussi, nous proposons, en opposition radicale et en contradiction avec les normes de réduction des dépenses publiques imposées par le « pacte de stabilité et de croissance », le traité de stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et l’ensemble des normes d’austérité budgétaires en vigueur dans la zone euro, la mise en place d’un Fonds de développement économique social et environnemental pour les services publics en Europe3.
Cette question n’est pas un tabou. Bien au contraire. Il n’est pas possible de continuer à défendre le service public, certes à juste titre, mais sans proposer les moyens crédibles de son financement et en laissant au gouvernement et au patronat le champ du discours et de la mise en œuvre de l’austérité au nom de la dette et des critères de convergences comme des « fatalités » sur lesquelles nous ne pourrions pas peser.
Il faut ainsi aller vers une profonde réforme de la fiscalité. Des mesures peuvent et doivent être prises pour le rétablissement de l’ISF, la suppression du CICE, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, la remise en cause des exonérations de cotisations salariales patronales, avec y compris la prise en compte de nos propositions PCF sur ces sujets. Mais les énormes besoins de financement du service public passent aussi et inévitablement par l’intermédiaire de la création monétaire de la BCE.
Le fonds que nous proposons permettrait le financement des services publics et de la Fonction publique, au niveau des pays membres de l’UE, au prorata de leur population. Le financement se ferait par l’intermédiaire de la création monétaire de la BCE. Même avec les traités actuels, cette proposition est juridiquement possible.
De nouveaux pouvoirs des agents de la Fonction publique et des citoyens
En même temps seraient introduits des pouvoirs démocratiques d’intervention des citoyens concernant l’utilisation de l’argent en matière sociale, en matière économique et en matière environnementale.
Cette démarche implique la mise en place de nouveaux droits d’intervention des agents et des populations dans les choix de la Fonction publique aux niveaux national, régional, départemental et local.
Tout cela, bien entendu, passe par un engagement fort des salariés dans les luttes à la fois par des axes revendicatifs d’amélioration de leurs conditions de travail, mais aussi par les moyens crédibles de répondre à leurs revendications en pesant sur l’intervention dans la gestion des entreprises, des services publics et sur le rôle de l’argent et des banques.
Au niveau de la Fonction publique nous proposons un plan pluriannuel avec des priorités pour sortir les secteurs de la Fonction publique en tension extrême, répondre aux besoins et mettre en place de nouveaux services publics en lien avec les nouveaux besoins.
Trois priorités cibles :
– Santé, petite enfance, aide à la personne, dépendance, protection sociale ;
– Éducation, enseignement, universités, recherche, sécurité ;
– Redensification de la Fonction publique dans les territoires à faible densité de population ainsi que dans les zones urbaines à très forte densité, correspondant aux populations actuellement les moins bien servies en matière de service public, en liaison avec un nouvel aménagement du territoire (réponses aux besoins sociaux, redynamisation, nouvelles normes environnementales).
Une autre donnée transversale à ces priorités mais aussi liée à la production, à l’industrie, à la transition écologique, au climat, à l’automatisation, au numérique et à l’intelligence artificielle devrait aussi faire l’objet d’une attention particulière. Il s’agit de la Dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD). Globalement, celle-ci stagne et place la France de plus en plus loin dans les classements mondiaux, affaiblissant à la fois le potentiel scientifique et industriel. Sans opposer bien sûr la recherche publique et celle des entreprises, pour ce qui concerne l’objet de notre article, la recherche publique, les EPST (Établissements publics à caractère scientifique et technologique) et les EPIC (Établissements publics à caractère industriel et commercial) devraient être développés prioritairement et cela concernerait à la fois l’augmentation des budgets de fonctionnement et des créations d’emplois publics, de chercheurs, ingénieurs, techniciens sur des fonctions scientifiques d’appui et de soutien.
Au-delà des cibles proposées, tous les secteurs sont à développer pour redonner du sens à la Fonction publique et à ses missions et redonner de l’espoir et des perspectives aux agents des trois versants de la Fonction publique.
L’engagement de la réponse aux besoins publics passe aussi par le rattrapage d’urgence des pertes de pouvoir d’achat (augmentation générale par réévaluation substantielle de la valeur du point d’indice) et une négociation des grilles pour reconnaître véritablement dans celles-ci la remarquable élévation des qualifications des agents qui s’amplifie avec l’arrivée de jeunes de plus en plus qualifiés et diplômés, et bien entendu, par un plan de créations d’emplois à pourvoir par des fonctionnaires.
Nous proposons au PCF de prendre à bras-le-corps le financement et le développement de la fonction publique en appui sur des choix transformateurs et sur les luttes créatrices des salariés et des populations.
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1. Économie et politique, n° 768 -769, juillet-août 2018.
2. Denis Durand, Financer l’expansion des services publics en Europe, coll. « Note », Fondation Gabriel Péri, 2018.
3. Frédéric Boccara, Yves Dimicoli, Denis Durand, Une autre Europe. Contre l’austérité, pour le progrès social, Le Temps des cerises, 2014.
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