Parmi ces questions, il en est une particulièrement emblématique des choix de politique économique d’un pays : la fiscalité. Même si elle n’en est pas le seul vecteur, loin de là, dans une société dont le mode de développement est la financiarisation de tous les domaines de la vie, elle joue un rôle important et non seulement dans le domaine de la répartition des richesses. Nous y reviendrons.
Retour de l’ISF, besoin de services publics en état de marche et nouveaux sont deux questions qui, avec les salaires, ressortent en tête des revendications des gilets jaunes. Il faut par ailleurs se souvenir que le détonateur du mouvement des gilets jaunes a été la taxe sur les carburants (taxe carbone). Or aujourd’hui, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres a quasiment disparu du discours revendicatif des GJ. Plusieurs explications à cela.
Vouloir commencer à traiter une telle question suppose de retenir trois dimensions principales.
La fiscalité est le carburant des services publics
Les recettes fiscales nettes, soit 280 Mds sur 291 Mds de recettes totales nettes représentent le premier poste de rentrées budgétaires de l’État sur un budget global de 390 Mds. On mesure l’impact de l’évolution de telles recettes sur le financement des services publics, c’est-à-dire sur leur fonctionnement : dépenses de personnels et dépenses de fonctionnement courant des services. On comprend dès lors que la fiscalité peut constituer une arme redoutable de restructuration de l’ensemble de l’appareil d’État et de son organisation territoriale au service de la réduction de la dépense publique. On en a un exemple grandeur nature avec les attaques portées depuis plusieurs années contre les finances des collectivités territoriales, lieux par excellence d’implantation et expression de la continuité des services publics ; de la suppression de la Taxe professionnelle en passant par la baisse de la Dotation globale de fonctionnement jusqu’à la suppression programmée de la Taxe d’habitation.
Au niveau de l’État, les suppressions massives d’emplois publics, au départ au motif de modernisation de la Fonction publique (plan Rocard de 1990), sont depuis la fin des années quatre-vingt la conséquence d’une telle évolution qu’il faut également situer dans la contrainte globale imposée par les traités européens. Le coup de massue est ainsi double. Il s’agit d’une part d’alléger la fiscalité des entreprises, du capital et de la fortune pour laisser un maximum d’argent frais, fruit de la création de richesses, à la disposition du rendement du capital et en augmenter ainsi le coût au détriment des dépenses utiles au développement des capacités humaines. De l’autre il s’agit à partir de ce postulat de l’allégement de la fiscalité sur le capital et la fortune, de respecter les critères des traités européens (Maastricht, Lisbonne, le TSCG et le MES) qui enserrent les dépenses publiques dans le carcan de la réduction du déficit public. Voilà comment s’expliquent essentiellement les politiques de suppressions de l’emploi public qui, après s’être bornées à tout juste remplacer les départs à la retraite, se sont transformées en des coupes de plus en plus visibles à partir de Sarkozy en passant par Hollande, jusqu’à la nouvelle cure de 120 000 suppressions emplois au menu du quinquennat de Macron.
Fiscalité, une double fonction : répartir la richesse et inciter à son utilisation pour un autre modèle de production et de société
La fiscalité a pour rôle d’atténuer les inégalités sociales, notamment par l’offre de services publics qu’elle permet de proposer à la population, quelle que soit la situation économique de chacun.e. C’est de ce point de vue un régulateur social considérable et un outil important de la solidarité nationale. Mais elle permet également par un système d’imposition particulier qui gagnerait à être étendu et renforcé, la progressivité, de faire en sorte que la participation au pot commun des recettes fiscales soit proportionnée à la capacité contributive de chaque contribuable, donc d’une certaine manière à réduire l’écart de revenus. Cela dit, la fiscalité ne peut se substituer à la politique salariale à qui il revient de rétablir des grilles de rémunération reconstruisant une échelle des salaires dans des proportions correctes. C’est pourquoi par exemple un impôt sur le revenu totalement confiscatoire ne peut représenter une solution pérenne pour régler la question des hautes et très hautes rémunérations.
Mais la fiscalité, et on l’oublie trop souvent pour ne retenir que son rôle de répartition, a aussi une fonction incitative qui peut s’avérer, à bien des égards, décisive. Je ne prendrai que deux exemples.
Le premier concerne la fiscalité des personnes. La politique fiscale familiale dont le choix fait en son temps d’instauration du quotient familial, est tout à fait explicite de la volonté de développer une politique offensive en faveur des familles et des naissances. D’ailleurs aujourd’hui l’affaissement du taux de natalité, outre l’instabilité croissante de la situation économique, politique et sociale ne devrait-il pas aussi être observé à l’aune des attaques portées contre la politique familiale et son financement au cours de ces dernières années ?
L’autre cas se rapporte à la fiscalité des entreprises et particulièrement aux politiques d’encouragement à l’investissement. On pourra utilement citer en ce domaine six axes d’intervention :
– Les modifications du régime de déductibilité de la TVA sur l’investissement.
– Les modifications du taux d’imposition du bénéfice des sociétés.
– Les bonifications d’intérêt.
– Le changement des règles d’amortissement.
– La mise en place des déductions fiscales pour investissement.
– Le report indéfini des déficits.
Ces différentes mesures affectent directement l’investissement par leur impact sur le coût du capital (ou sur le coût relatif capital-travail) avec les conséquences sur les moyens d’autofinancement des entreprises. Si on peut mesurer toute la dimension néfaste de ces mesures sur l’emploi et sur l’investissement réel pour renouveler l’appareil productif, les entreprises et les actionnaires, eux, peuvent en mesurer l’effet positif pour l’amélioration de la rentabilité de leurs placements financiers.
On remarquera ainsi l’effet économique conséquent de la politique fiscale et des dispositifs fiscaux qu’elle préconise avec une fonction incitative déterminante dans l’utilisation des richesses qui se créent à l’entreprise. D’où la nécessité d’une réforme fiscale en profondeur à ce niveau avec l’objectif d’une incitation qui se situe aux antipodes des visées actuellement poursuivies.
La fiscalité, levier inséparable d’une autre politique du crédit et des banques
La fiscalité, carburant des services publics, la fiscalité outil de répartition des richesses et d’incitation à une autre façon de les utiliser et au final de les produire, oui tout cela est avéré. Mais chacun sait que la fiscalité ce sont des taux ou des modalités d’imposition à appliquer à une base. Et si le taux a un effet certain sur le montant d’impôt récolté, si les modalités d’imposition de la base (exonération, réduction…) ont aussi un impact non négligeable sur celui-ci, un élément est absolument déterminant : c’est le volume de la base imposable. Et comment concevoir l’entretien et l’accroissement de cette base sans consentir des investissements massifs et coûteux dans l’outil de travail mais aussi dans la formation (machines, locaux, technologies informationnelles, recherche…). Et cet argent, on le trouve auprès des banques avec le moyen considérable que représente leur capacité à proposer du crédit. Mais il s’agit, pour être efficace, que ce crédit bancaire soit assorti de critères sélectifs permettant que ses taux soient d’autant plus abaissés qu’il servira à financer des investissements qui, au final, participeront à développer l’emploi, la formation et à s’inscrire dans une politique de haute qualité environnementale. Ainsi ce crédit contribuera à développer la base d’imposition non seulement des entreprises (nouvelle création de richesses) mais aussi des personnes (qualifications, salaires) et se traduira au final par l’accroissement de l’ensemble des recettes fiscales.
Dans la construction de cette nouvelle politique du crédit, une fiscalité incitative à un autre mode de production de la richesse a un rôle irremplaçable. Car elle permettra par une modulation de l’impôt sur les sociétés (imposition des bénéfices des entreprises) d’empêcher que la richesse nouvellement créée grâce à l’apport du crédit, n’aille à l’augmentation du coût du capital (dividendes, opérations de restructuration, placements financiers). Pour être pleinement opérationnelles cette nouvelle politique fiscale comme cette nouvelle politique du crédit devront être placées sous le contrôle des personnels des services fiscaux et des services bancaires mais aussi sous celui des salariés munis de nouveaux droits d’intervention dans les gestions. C’est le sens des propositions de fiscalité des entreprises qui sont exposées ci-après. Il est caractéristique d’observer à quel point dans une conception renouvelée du développement de l’appareil productif national, fiscalité et politique bancaire sont deux vecteurs qui se renforcent mutuellement. Un offre le terreau pour créer plus de richesses, l’autre vient assurer leur bonne utilisation, ce qui entre autres, suppose une évolution considérable des missions de gestion et de contrôle de l’impôt par les services de l’actuelle DGFIP, en lien par exemple avec les comités d’entreprises dont il faut revoir le rôle et le fonctionnement particulièrement après les coups de boutoirs des dernières lois travail.
Enfin assurer le fonctionnement des services publics est une dimension centrale de l’utilisation des recettes fiscales, comme on l’a vu. Mais dans le contexte actuel où depuis des années est à l’œuvre une véritable désagrégation des services publics et de leur maillage territorial, où montent de nouveaux besoins de maîtrise sociale, publique et environnementale (eau, énergie, transports, santé, éducation-formation, mais aussi petite enfance, aide à la personne…), il y a des besoins d’investissements colossaux auxquels le simple produit de la fiscalité ne peut permettre de répondre sauf à pratiquer des taux qui mettraient l’ensemble de la population exsangue. D’où à nouveau le besoin de recourir au crédit bancaire, à un crédit à taux très bas, voire zéro, pour financer de tels investissements dont l’entretien et le fonctionnement seraient ensuite assurés par les budgets publics donc pour l’essentiel par les recettes fiscales et parmi elles, par la fiscalité des entreprises, entreprises dont le développement a par ailleurs largement partie liée avec l’expansion des services publics. Ceci dévoile une autre facette d’une nouvelle cohérence du couple fiscalité-banque dont l’action combinée permettrait d’utiliser efficacement les masses énormes d’argent accumulé pour satisfaire les besoins de développement des potentiels humains, au lieu qu’elles ne cherchent à se rentabiliser sur les marchés et dans de hasardeuses opérations financières, engendrant un gaspillage considérable et une propagation de la misère. Voilà en quoi une réforme fiscale réellement progressiste ne peut être dissociée d’une autre politique des banques, particulièrement de la BCE, mettant l’euro au service des solidarités humaines.
Revenons-en au détonateur du mouvement des gilets jaunes, la taxe carbone, qui plus fondamentalement renvoie à l’augmentation du poids des taxes mises à la charge des citoyens avec un impact d’autant plus lourd que ceux qui les supportent appartiennent aux couches sociales moyennes et modestes.
Pourquoi donc une telle revendication semble avoir disparu ? Une première tentative d’explication fera ressortir trois causes essentielles.
Un flou savamment entretenu
La première tient à une connaissance et à une information très superficielles du montant du produit des taxes sur la consommation dans les recettes fiscales du pays soit en 2018, 180 Mds sur 280 Mds (TVA 157 Mds, TICPE 13,6 Mds et une multitude d’autres taxes pour au moins 10 Mds, auxquelles il faut ajouter les taxes ou les parts de taxe alimentant directement le budget d’autres collectivités ou opérateurs). Aux fins de précision, on retiendra que le total des taxes prélevées au titre de la fiscalité écologique se monte aujourd’hui à 70 Mds d’euros (voir tableauci-après).
Une profonde bataille idéologique
La seconde est le fruit d’une intense bataille idéologique qui, d’une part au prétexte de défense de l’environnement, tend à faire accepter sur fond d’une culpabilisation incessante du consommateur, tout ce qui est assorti du label d’une contribution à la lutte contre le dérèglement climatique. D’autre part, participant de cette même bataille idéologique, une confusion est savamment entretenue entre les termes « impôt et taxe » avec, à la rescousse, l’utilisation de plus en plus courante du terme taxe dans son acception anglo-saxonne désignant tout à la fois ce que nous appelons en France impôts et taxes. Un impôt suppose un mode de calcul précis, entrant dans la complexité des situations des contribuables potentiels et proposant un traitement adapté (voir notamment le calcul de l’IR ou de l’IS), alors que les taxes c’est un taux appliqué à une base unique, le montant du produit consommé.
De larges coins déjà enfoncés
La troisième tentative d’explication qui tient largement de la seconde, est que depuis plusieurs années les pouvoirs successifs, sans naturellement l’annoncer à grand renfort de communication, se sont attelés à transformer méticuleusement et en profondeur la structure des prélèvements fiscaux dans notre pays. L’objectif est toujours le même : faire baisser le poids des prélèvements fiscaux sur les plus riches, sur les entreprises et le capital, et faire supporter une partie de ce manque à gagner par un accroissement du poids des prélèvements fiscaux sur les couches populaires. Le reste de la compensation étant réalisée par la baisse de l’offre de services publics.
Le moyen utilisé pour parvenir à ce transfert de recettes fiscales est l’accroissement des taxes sur la consommation que ce soit à un titre ou à un autre. Au-delà, et les deux vont de pair, leur objectif est la mise en place d’une sorte de flat taxe payée par tous, qui permettrait à la fois d’alimenter le budget de l’État, celui d’une protection sociale minimum et celui des collectivités territoriales. C’est ce qui se travaille en profondeur derrière l’installation du prélèvement à la source qui, outre l’aspect technique du recouvrement, revêt une dimension structurante de la base sur laquelle il s’opère. En matière d’Impôt sur le revenu, le prélèvement à la source s’accorde en effet très mal de l’existence du quotient familial. Diverses tentatives et campagnes ont déjà été menées pour en finir avec cette bizarrerie nationale mais le but ultime n’a pas encore pu être atteint. Les dernières déclarations gouvernementales quant aux niches fiscales de l’IR, au prétexte de s’attaquer aux inégalités, ont pour fond idéologique cette volonté d’en finir avec le quotient familial qui est indirectement présent dans tous les discours sur les niches fiscales. Mais pour l’heure l’état de la société ne permet pas encore de dire clairement les choses. Enfin il faut avoir conscience que ce prélèvement à la source est aussi le cheval de Troie rêvé pour remettre en selle l’idée d’une fusion IR/CSG, fusion qui par l’entremise de la CSG permettrait d’atteindre l’objectif d’assujettissement de chaque contribuable à cette flat taxe, pourvu qu’il perçoive le moindre revenu.
L’urgence d’une alternative
Enfin, si la bataille contre la taxe carbone a cédé du terrain c’est parce qu’est montée d’autre part et fort justement la question des salaires. Ressortent massivement du « Grand Débat », les difficultés de plus en plus grandes pour les familles populaires de boucler les fins de mois, mettant donc au cœur des enjeux la rémunération du travail. Cette question fondamentale met en effet en avant l’impossibilité pour les gens de faire face au poids des prélèvements fiscaux. Et s’il est juste de dire qu’avec de meilleures rémunérations, il serait plus facile d’acquitter l’impôt, il ne faut pas pour autant oublier de traiter la problématique de la structure des prélèvements fiscaux qui est un marqueur profond du type de société dans lequel on s’engage à vivre.
C’est en clair ce qui se joue en profondeur en matière de réforme de la fiscalité aujourd’hui. Un léger rappel historique nous permettra de constater que cette orientation ne date pas d’hier. Elle a été prise dès le début des années quatre-vingt-dix dans une important rapport du Conseil des Impôts de 1991. Depuis, les pouvoirs qui se sont succédé se sont tous attachés à faire entrer dans les faits l’orientation qui y était proposée. Le constat qu’on peut faire bientôt trente ans après, est que pour le moins, un vrai chemin a été parcouru et réalisé. La déduction à en tirer est qu’après une large phase de contre-révolution, le temps d’une alternative crédible et transformatrice, d’une véritable révolution de la fiscalité est venu. C’est le sens dans lequel s’inscrivent les propositions qui suivent. Bien que présentées sous forme synthétique, elles ont pour objectif de fixer le cadre de cette transformation. Le sens global de cette réforme est d’accroître la place des prélèvements progressifs et de faire reculer simultanément les prélèvements proportionnels. Mais elle devrait aussi s’incarner dans une réforme structurelle de la fiscalité des entreprises (impôt sur les sociétés et fiscalité locale) en mettant l’accent sur sa double dimension, incitative et responsabilisante.
Fiscalité directe
Un impôt sur le revenu à refondre (IR)
Serait proposé un impôt sur le revenu universel, soumettant de façon identique les revenus du travail et du capital à l’imposition progressive. Le crédit d’impôt de 40 % que procure l’imposition des revenus de capitaux mobiliers ainsi que les abattements pratiqués sur les plus-values financières, seraient profondément revisités. S’agissant des plus-values immobilières, des modalités d’imposition spécifique relatives notamment à l’habitation principale seraient retenues.
Ce nouvel impôt sur le revenu serait construit à partir d’une augmentation du nombre de tranches passant de 5 à 10, une accélération de sa progressivité à partir de 40 000 euros de revenus annuels, le relèvement du taux sommital à 65 %. Cela irait de pair avec une réforme de la grille des salaires plafonnant leur montant supérieur à 15 fois le salaire médian, soit 300 000 euros.
Fusion IR/CSG : Ce nouvel IR ne serait pas fusionné avec la CSG qui devrait s’éteindre progressivement au fur et à mesure qu’entrerait en vigueur la réforme du financement de la protection sociale par des cotisations sociales prélevées sur la valeur ajoutée des entreprises.
Calcul de l’imposition due au titre de ce nouvel IR : Il serait fondé sur le principe du foyer fiscal intégrant notamment la notion de quotient familial c’est-à-dire la prise en compte d’un nombre de parts représentant le nombre de personnes « à charge » vivant sous le même toit.
Mode de Prélèvement : Ce nouvel impôt sur le revenu ne serait plus soumis à la retenue à la source. Il serait déclaré et payé par les contribuables exerçant ainsi dans le respect de leur vie privée, leur plein consentement à l’impôt. Il serait acquitté par prélèvement automatique mensuel au profit du trésor public. Les paiements au guichet seraient l’exception.
Réinstaller et transformer l’impôt sur la fortune (ISF)
Il s’agit de maintenir le caractère progressif qui présidait à son origine en lui donnant une nouvelle impulsion. Le seuil d’imposition se situerait à 800 000 euros, la progressivité de cet impôt s’établirait sur 5 tranches au lieu de 4 précédemment, le taux minimum serait de 0,7 % au lieu de 0,5 % précédemment et le taux supérieur serait de 2,5 % au lieu de 1,25 % précédemment. La fortune des assujettis à l’ISF était fin 2017 de 1 028 Mds d’euros.
Une innovation consisterait à intégrer au calcul de la base de l’ISF les biens professionnels des entreprises à moduler en fonction de l’effort de ces dernières en faveur de l’emploi et des salaires.
Droits de mutation à titre onéreux (DMTO)
Ce sont aussi des impôts de type progressif. Il s’agirait d’intégrer dans le calcul des DMTO la prise en compte de la situation économique de celui qui reçoit le bien. Il conviendrait également de moduler à la hausse la progressivité des taux de cet impôt à partir de la transmission d’un bien évalué à plus de 500 000 euros. La transmission et les cessions d’entreprises ainsi que les plus-values attachées relèveraient de l’impôt sur les sociétés.
La fiscalité indirecteISF
L’objectif est de réduire la part de fiscalité indirecte dans les recettes fiscales (65 % aujourd’hui).
TVA
L’instauration d’un taux zéro de TVA pour les produits de première nécessité (pain, eau, lait…) serait proposée ainsi qu’un taux de 5,5 % sur les produits de consommation courante (électricité, gaz, nourriture et habillement sauf produits de luxe auxquels un taux majoré serait appliqué). Le reste demeurerait au taux normal ramené dans un premier temps à 19 %.
TICPE
Le prélèvement de la TICPE ne pourrait s’opérer au-delà d’un prix plafond des hydrocarbures et autres consommations énergétiques, la TVA sur cette taxe serait supprimée.
La fiscalité locale
L’exigence d’une révision foncière jamais réellement pratiquée depuis 1970 et cela malgré les travaux réalisés dernièrement sur les locaux commerciaux, est d’une impérieuse nécessité. Cette révision devrait commencer par redéfinir les indices de calcul de la valeur locative puis harmoniser ceux-ci sur l’ensemble du territoire national. Il s’agirait ensuite de redéfinir les coefficients et les pondérations à appliquer. Ce travail ne peut être réalisé sans recourir à des personnels en nombre suffisant, formés et allant sur le terrain. Le résultat d’une telle révision serait sans aucun doute une augmentation importante des valeurs locatives. Devrait alors s’engager au niveau de chaque collectivité, en collaboration avec les représentants de l’État (Administration fiscale), les populations et l’ensemble des élus, une redéfinition des taux à appliquer pour établir l’imposition au titre des impôts locaux que sont la taxe foncière et la taxe d’habitation qui serait conservée.
La cotisation de taxe d’habitation établie à partir de cette nouvelle base serait modulée en fonction de critères reflétant la situation économique des foyers. Elle serait plafonnée à un pourcentage du montant des ressources du foyer fiscal.
NB : Un préalable est absolument nécessaire à tout projet de réforme véritable de la fiscalité locale, s’accorder sur les 4 principes suivants :
1- Maintien du caractère indiciaire de la fiscalité locale ;
2- Respect du principe d’autonomie fiscale des collectivités territoriales ;
3- Refus de la spécialisation de l’impôt ;
4- Mise en cause du principe des « taux liés ».
La fiscalité des entreprises
La fiscalité des bénéfices
Au cœur d’une réforme fiscale de progrès : changer l’Impôt sur les sociétés (IS) pour en accroître le rendement et l’efficacité économique
Il s’agirait, d’une part, de rendre l’IS progressif sur 5 tranches avec un taux minimum de 21 % et un taux sommital de 45 %. Cette progressivité serait établie à partir d’un mixte entre le chiffre d’affaires et le résultat déclarés, cela afin de tenir compte de la situation des TPE et PME au regard de l’IS comparativement aux grosses entreprises ainsi que de la valeur ajoutée créée. Il y a en effet des activités y compris dans la catégorie des TPE et PME, à haute valeur ajoutée et d’autres non.
D’autre part, l’impôt ainsi dû serait modulé selon l’utilisation des bénéfices en faveur d’investissements favorables à la création d’emplois, à la formation et au respect de l’environnement.
Enfin il conviendrait de soumettre à ce nouvel IS l’ensemble des revenus des entreprises, notamment leurs plus-values et leurs revenus financiers, ce qui supposerait par exemple d’en finir avec la niche Copé qui exonère de l’impôt sur les sociétés les plus-values encaissées par des personnes physiques ou morales, spécialement les holdings, en cas de vente de leurs filiales ou de titres de participation détenus depuis plus de deux ans (plus-values à long terme sur titres de participation).
Enfin il s’agirait de s’attaquer à ce qui mite dans une large mesure la base d’imposition à l’IS ; il s’agit par exemple du report indéfini des déficits, du régime des amortissements dérogatoires, du régime de la fiscalité de groupe et des « management fees » payés à la société mère (holding ou groupe industriel) en contrepartie de services administratifs rendus et d‘une implication dans la gestion et/ou la définition de la stratégie. Dans certains cas, il peut s’agir de dividendes déguisés, ce qui constitue alors un abus de bien social.
En finir avec le CIR et le CICE
Ces crédits d’impôt qui s’imputent sur le montant d’IS à payer par les entreprises doivent être supprimés. Inefficaces pour le développement de la recherche et la création d’emplois, ils ne sont aujourd’hui qu’un moyen détourné de distribuer à l’aveugle de l’argent public aux entreprises et de les désengager de leur responsabilité sociale, notamment en venant réduire leur participation au financement de la protection sociale. Le CICE pourrait être transformé en un moyen de bonification du crédit accordé par les banques aux entreprises et participer également à aider sous forme d’avances, les TPE, PME et PMI à faire face au coût d’une nécessaire hausse des salaires.
Quant au CIR, l’effort de recherche serait intégré au processus de modulation de l’IS selon que les investissements favorisent l’emploi, la formation et la défense de l’environnement, la recherche étant un des investissements structurant de la marche d’une entreprise.
Cet impôt sur les sociétés remodelé serait un point d’appui pour une intervention nouvelle des salariés dans la gestion de leur entreprise.
Enfin à titre d’exemple pour mesurer l’ampleur de l’érosion que subissent les recettes de l’IS tant par un mitage de leur base que par l’amputation de leur montant, il convient simplement d’observer les prévisions budgétaires pour 2019. En brut le montant d’IS est évalué à 66,7 Mds. En net il n’est plus que de 31,5 Mds. La différence c’est le CICE pour 20 Mds et les effets conjugués du régime de la fiscalité de groupe, du report des déficits et de l’application de régimes spécifiques comme les amortissements dérogatoires.
La fiscalité locale
Le lien des entreprises aux territoires est fort. Elles bénéficient des infrastructures mises à leur disposition par les collectivités, elles ont une interaction avec les politiques environnementales locales, elles bénéficient des politiques locales sportives, de formation, de culture à destination, entre autres, de leurs salariés et de leur famille. C’est pourquoi les entreprises ont une responsabilité sociale et territoriale importante. Il s’agit d’en créer les conditions. à cette fin il serait proposé de créer, sorte de nouvelle taxe professionnelle, un impôt local sur le capital des entreprises. Sa base serait calculée sur la valeur de leurs biens immeubles, de leurs équipements et biens meubles, selon la méthode dite comptable qui deviendrait la règle pour toutes les catégories d’entreprises. Ce nouvel impôt serait complété par une contribution additionnelle au taux de 0,5 % sur les actifs financiers des entreprises non financières et financières (environ 11 000 Mds). Le produit de cette taxation opérée nationalement serait ensuite affecté aux communes en fonction de leur richesse.
La question fiscale pour être traitée efficacement, notamment dans sa triple dimension fraude, évasion et optimisation, ne peut se limiter à des propositions d’ordre national. La mondialisation exige de porter dans le même mouvement des propositions au niveau national, européen et mondial.
Lutte contre la fraude et l’évasion fiscale au plan européen
Il serait proposé de mettre en place un serpent fiscal européen instaurant des taux plafonds pour l’ensemble des impôts indirects (TVA, et autres taxes sur la consommation, notamment la fiscalité verte) et des taux planchers pour les impôts directs (Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés). Rappelons qu’existait un serpent monétaire qui aurait pu produire des effets intéressants si la volonté de soumettre les peuples à une monnaie unique pour soutenir la financiarisation de l’économie ne l’avait pas emporté. Rappelons également que les taux de TVA sont déjà encadrés au plan européen mais avec l’objectif inavoué d’augmenter le produit de cette fiscalité. Afin d’assurer le suivi et le fonctionnement de ce serpent fiscal, serait installée une commission de l’harmonisation fiscale européenne adossée au Parlement européen et déclinée au niveau de chaque parlement national. Elle serait composée à chaque niveau de députés, de représentants des salariés (organisations syndicales) et des citoyens (partis politiques et associations de consommateurs) ainsi que du patronat.
Cette commission disposerait au plan européen d’un outil d’incitation des États à développer sur leur territoire une fiscalité des entreprises, des revenus personnels, du capital et de la fortune. Il s’incarnerait dans une modulation des taux d’intérêts des prêts accordés aux États par le fonds européen social, solidaire et écologique que nous proposons pour financer le développement de leurs services publics. Plus le montant des recettes fiscales provenant des catégories d’impôts précitées serait significatif, plus le taux du crédit serait abaissé, jusqu’à des taux zéro voire inférieurs à zéro. Cette commission aurait par ailleurs pour mission de revoir l’ensemble des conventions fiscales passées entre les États européens avec pour objectif de permettre l’échange total d’informations et la transparence de toutes les transactions intra-européennes ainsi que de lutter contre l’installation des paradis fiscaux. En matière de contrôle fiscal sur le territoire de l’UE, cela devrait se traduire par la possibilité d’instaurer un véritable droit de suite entre les diverses administrations financières nationales afin qu’un réel suivi des contrôles engagés puisse s’exercer et déboucher sur des sanctions concrètes et effectivement mises en œuvre.
Lutte contre la fraude et l’évasion fiscale au plan mondial
Au niveau mondial, serait proposée la création d’une nouvelle institution fiscale adossée à l’ONU. Elle intégrerait les missions fiscales de l’OCDE, le rôle politique décisionnel imparti au FMI et l’action incitative en matière d’écologie. Les objectifs prioritaires de cette institution seraient de localiser, de suivre et d’informer les États des lieux d’activités, des méthodes de production et des flux financiers intragroupes et inter États, particulièrement vers les paradis fiscaux. Elle aurait en outre pour fonction de définir et de proposer à tous les États qui voient s’échapper des opérations normalement imposables sur leur territoire au titre des bénéfices des entreprises, les éléments et les moyens d’établir une base concrète et objective d’imposition. À charge pour chaque État d’appliquer sa fiscalité des entreprises et des personnes avec à la clé des conséquences sur ses conditions d’accès au crédit, par exemple auprès du FMI, de la banque mondiale ou des banques zonales, comme la BCE en ce qui concerne l’UE. Cela permettrait dans les faits d’utiliser l’argent, l’euro mais aussi une nouvelle monnaie commune mondiale à la place du dollar hégémonique, en faveur de l’humain contre les marchés financiers.
Répondre aujourd’hui aux exigences sociales, économiques et écologiques passe par une relance de la dépense publique qui contrairement aux discours officiels déversés à longueur d’antennes, participerait à assainir l’ensemble de la sphère économique car utilisant l’argent pour investir dans le développement de l’homme et de tous ses potentiels. Il s’agit de promouvoir un mode de production de la richesse qui, à partir de critères de maîtrise sociale et environnementale, conduise à une répartition respectueuse des besoins de chacun. Les propositions ci-dessus constituent des moyens concrets, précis et radicaux pour atteindre cet objectif. C’est pourquoi elles réservent une attention toute particulière à une réforme de la fiscalité des entreprises, là où se crée une grande partie des richesses et où réside l’enjeu majeur de leur utilisation.
Affectation (En KF)
Taxes |
Etat |
Collectivités territoriales |
Afitif (4) |
Transition énergétique |
Autres |
TICPE * |
17 036 |
|
|
|
|
CSPE * (1) |
7 790 |
|
|
|
|
TICGN et TICC (gaz naturel et charbon) * |
2 853 |
|
|
|
|
TICFE * (2) |
7 884 |
|
|
|
|
TGAP * (3) |
700 |
|
|
|
|
Taxe spéciale sur certains véhicules routiers * |
185 |
|
|
|
|
Taxe sur installations nucléaires * |
577 |
|
|
|
|
TICPE * |
|
12 300 |
|
|
|
TICPE Afitif * (4) |
|
|
1 200 |
|
|
TICPE CAS |
|
|
|
7 200 |
|
Quotas carbone ANAH |
|
|
|
|
430 |
Redevance pollution AFB |
|
|
|
|
41 |
Redevances cynégétiques ONCFS |
|
|
|
|
46 |
Redevance agence de l’eau |
|
|
|
|
243 |
Redevance ANDRA (5) |
|
|
|
|
214 |
Taxe concessionnaires d’autoroutes |
|
|
528 |
|
|
Taxe hydraulique |
|
|
|
|
128 |
Taxe ISRN (6) |
|
|
|
|
63 |
|
|
|
|
|
|
Taxe sur les véhicules de sociétés CNAF |
662 |
|
|
|
|
Bonus Malus automobile |
570 |
|
|
|
|
Contribution d’acheminement CR IEG |
1 493 |
|
|
|
|
Taxe consommation finale d’électricité |
828 |
792 |
|
|
|
TEOM (8) |
|
5 493 |
|
|
|
Taxe espaces naturels sensibles |
|
|
|
|
14 |
Régime pétrolier outre mer |
333 |
|
|
|
|
Taxe agence de l’eau |
|
|
|
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2 133 |
1. CSPE : Contribution au Service Public de l’Électricité. Au départ pour financer le développement de l’électricité dans les DOM-TOM et compenser les manques à gagner des clients défaillants. (Montant très peu élevé). Aujourd’hui montant en augmentation continue pour permettre à EDF de racheter l’énergie produite par les installations d’énergie dites renouvelables (éoliennes, panneaux photovoltaïques). Un coût exorbitant à un tarif au KWh défiant toute concurrence auquel EDF n’a pas d’autres solutions que de s’y plier.
2. TICFE : Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité.
3. TGAP : Taxe générale sur les activités polluantes.
4. AFITIF : Agence de financement des infrastructures de transport de France.
5. Andra : Agence de gestion des déchets radioactifs.
6. ISRN : Institut de radioprotection et de sureté nucléaire.
7. Contribution CR IEG : Caisse des industries électriques et gazières.
8. TEOM : taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
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