Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Conjuguer urgences sociales et mise en accusation du capital

Le Parti communiste français a lancé une grande campagne pour l’augmentation des salaires, et plus généralement du pouvoir d’achat. Cette question est au cœur des mobilisations actuelles dans les entreprises, le secteur des services, du commerce, où se développent les luttes en ce moment, et est au centre des revendications des gilets jaunes. L’exigence de justice sociale et fiscale est le moteur de ce mouvement général en cours.

L’accueil est plutôt bon et nous sommes un peu « portés » par le climat social national. Nous avons une occasion réelle de montrer en quoi les injustices sociales ne sont pas le résultat du hasard, mais le fruit d’une logique économique et de choix en faveur du capital.

Les oreilles se tendent quand, à l’occasion des initiatives que nous avons tenues, les mots salaires, retraites, pouvoir d’achat, sont prononcés. Il y a une grande réceptivité appuyée sur une exigence sociale très forte. Il s’agit d’un mouvement avec un fort contenu de classe, mais avec une conscience de classe qui reste encore à faire progresser. C’est ce qui se joue dans nos interventions quotidiennes auprès des travailleurs, quel que soient leur situation et rapport au travail.

Beaucoup de gens, de salariés, de retraités, expriment le caractère d’urgence à voir augmenter leurs revenus. C’est le cas dans les quelques endroits où j’ai pu personnellement y participer.

Il va donc falloir à la fois en tenir compte, mais aussi inscrire notre campagne dans la durée et la crédibiliser. Il y a une forte exigence de faire « payer les (très) riches » car la conscience des inégalités sociales dans notre pays a grandi. Mais ce n'est pas encore relié aux entreprises, au poids des prélèvements du capital qui pèsent sur la répartition de leur richesses, ni aux pouvoirs qui pèsent sur leur capacité de création de richesses nouvelles, et saines. Et ce nest pas encore assis sur des mesures concrètes ; le doute sur la faisabilité peut donc vite l’emporter et faire retomber la mobilisation si, d’aventure, le gouvernement et les moyens dont il dispose reprennent une campagne d’ampleur, par exemple sur la dette, sur le risque sur l’emploi, etc. Ce qu’ils sont déjà en train de faire en combattant l’idée d’augmentation du SMIC ou en la détournant de la revendication initiale, avec la prime d’activité. Les dernières annonces de Macron montrent qu’il n’entend pas renoncer à sa politique, mais au contraire qu’il entend s’appuyer sur les aspirations pour mieux les détourner et les utiliser à son profit. Il faut donc, parmi nos arguments, déployer notre proposition de sécurité demploi et de formation. En faisant un effort supplémentaire pour la rendre accessible dans ce qu’elle comporte comme garantie d’un revenu tout au long de la vie, d’une vie digne, qui rencontre l’exigence sociale du moment. Il s’agit d’une véritable proposition révolutionnaire qui s’attaque à la notion de marché du travail, et qui romprait avec le lien de subordination entre l’employeur et le salarié.

Crédibiliser nos propositions pour mettre Macron en échec

Il faut donc, à mon avis, conjuguer exigences et urgences sociales avec une campagne contre le coût du capital pour décortiquer et mettre en exergue les logiques politiques qui amènent le gouvernement, par exemple, à refuser tout coup de pouce au smic. Même si nous savons que cela serait largement insuffisant. L’un ne va pas sans l’autre, au risque de ne pas pouvoir crédibiliser nos propositions, et c’est, sans être devin, sur cette question que le gouvernement va porter le fer pour tenter de désamorcer ce qui monte dans le pays. Mettons en évidence le fait que les actionnaires du CAC 40 se sont vu verser un peu plus de 57 milliards d’euros de dividendes qui, pour une grande part, ont toutes les chances de se retrouver dans la spéculation financière. Google, pris les doigts dans le pot de confiture, planque 20 milliards d’euros d’optimisation fiscale, traduisez évasion fiscale. Autant de richesses créées soustraites au développement et à une nouvelle répartition des richesses. Il y a pourtant moyen d’amorcer une autre politique. À noter le silence total de nos médias, excepté le journal l’Humanité, sur ce qui se passe au Portugal, ce pays ayant d’ailleurs diminué sa dette de moitié (cf. l’Humanité) et plus récemment en Espagne qui vient de décider d’augmenter le Smic de 22 %. Le silence est déjà une partie de la bataille politique engagée. Notre campagne s’insère donc, presque naturellement, dans notre campagne des européennes, avec notre liste conduite par Ian Brossat.

À noter que dans l’actualité récente le patronat est largement épargné et le MEDEF bien silencieux. Il semble faire le dos rond en attendant que l’orage social se calme et reste tapi dans l’ombre. Mais où sont donc passés les représentants du MEDEF ?

Il faut sans doute intégrer quelques remarques qui me semblent pertinentes émanant des initiatives que nous avons déjà tenues, qui sont de nature à renforcer notre campagne sur le pouvoir d’achat.

Dans les initiatives qui se sont déjà déroulées, ce qui semble devoir être renforcé, c’est un objectif clair qui va au-delà de « il faut augmenter les salaires » ou « vivre mieux » (comment, avec quels moyens, et quand). Il serait judicieux de nous appuyer aussi sur la proposition de prélèvement à la source pour les multinationales. De l’alimenter de toutes nos propositions de taxation du capital et des propositions économiques pour une autre utilisation de l’argent qui permettraient de changer de logique. Cela concerne en particulier la bataille, qui peut être très populaire, pour une nouvelle orientation des crédits bancaire. Au lieu du CICE qui pousse aux bas salaires, il faudrait un programme de crédits sélectifs à taux zéro, avec une bonification spéciale pour les PME, pour faire levier sur les choix des entreprises en matière d’investissements, d’embauches, de formation, de recherche. La Banque centrale européenne subventionne par des taux de refinancement négatifs les crédits bancaires aux entreprises : exigeons que ce soit réservé aux projets qui sécurisent l’emploi, la formation, la création de richesses dans les territoires, l’écologie ! La question de la taxation des grandes entreprises revient beaucoup dans les discussions que nous avons avec les gens. Il y a une opportunité pour faire grandir exigences sociales immédiates, crédibilisation de nos propositions transformatrices de fond, et élévation de la conscience de classe. Il nous faut persister à parler du salaire net ET du salaire brut, à défaut nous prêterions le flanc à la campagne de destruction de la Sécurité sociale en cours, en laissant penser que nous entérinerions nous-mêmes la fin des cotisations sociales.

Nous devons redoubler nos efforts pour que cette campagne grandisse dans les entreprises en nous appuyant sur les lieux de travail ou nous existons encore, mais aussi d’accélérer notre rencontre avec les syndicalistes car je crois qu’elle répond vraiment à leur attente et priorité. Pour l’essentiel, l’issue du mouvement en cours va dépendre pour une large part de ce qui va se passer dans les entreprises. Nous devons donc alimenter le débat de nos propositions concrètes.

Notre pétition rencontre un écho certain et nous proposons d’en faire un temps fort autour du 15 février en ciblant les lieux institutionnels et le MEDEF ou elles seront remises.

Le patronat et le MEDEF sont un peu trop tranquilles, y compris dans nos expressions publiques. Nous devons éclairer sur leurs responsabilités réelles et les intérêts de classe qu’ils défendent. Car il s’agit bien de cela !

Nous devons donc poursuivre ce travail politique de fourmi, qui associe exigences sociales et politiques, et mise en accusation de la logique du capital, donc de son coût parasitaire pour nos vies. C’est le noyau du combat politique et idéologique du moment. Les points que nous aurons marqués dans cette campagne seront autant d’atouts pour l’avenir et pour les prochaines échéances électorales

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