Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Internet : le PCF en ligne.

le 14 décembre 2000

Les communistes se veulent une force de proposition sur la Toile. Jérôme Relinger, le Monsieur Internet du PCF, réagit à l'actualité à la veille des troisièmes Assises de l'Internet solidaire et non marchand. Entretien.

« Que ce soit les amendements Bloche, l'affaire Carl Lang, le site d'enchères d'objets nazis, la législation britannique autorisant les patrons à fouiller dans les mails de leurs employés ou la loi américaine ouvrant la voie au spaming, c'est-à-dire aux mails commerciaux qui envahissent nos boîtes aux lettres, on assiste à une judiciarisation très inquiétante de l'Internet. Plutôt que de multiplier les lois, on ferait mieux d'appliquer celles qui existent », martèle Jérôme Relinger, le Monsieur Internet du PCF, qui rappelle, dans le cas de l'affaire Yahoo, l'existence de la loi Gayssot contre les positions et informations racistes, antisémites, xénophobes et liberticides...

Alors que les communistes marient depuis des années « discours sur Internet et discours sur l'internet », avec à leur actif un « manifeste de l'Internet citoyen », le délégué national aux nouvelles technologies pointe du doigt « les dangers d'une censure privatisée servant les intérêts commerciaux ». Au nom d'un Net aussi aseptisé qu'une galerie marchande, certains se rejouent la Grande Peur virtuelle : « Si tout le monde parle de pédocriminalité, ce n'est pas à cause d'Internet. La Toile n'est pas le problème, c'est la pédophilie qui en est un », note-t-il. Ajoutant : « C'est comme la loi sur la société de l'information. Si elle ne se préoccupe que de l'information et laisse de côté la société, ce sera un coup d'épée dans l'eau. »

Se dessine un Net pas très net : « Les intérêts commerciaux et étatiques ne vont pas du tout dans le sens d'un Internet citoyen. » Ainsi, « les entreprises lancent les juristes à l'assaut du Net pour réintroduire de la pénurie dans un média caractérisé par l'abondance. Le Web est devenu un rêve de boutiquier. »

Évoquant la mainmise d'organismes à la légitimité discutable sur l'attribution des noms de domaine, Jérôme dénonce également la privatisation du mp3 (fichier son) : « Plutôt que de réaffirmer l'universalité et la gratuité des connaissances, on a trouvé là le moyen de faire un maximum de profits. Et seuls ceux qui casquent y auront accès. » La solution ? « On pourrait instaurer une taxe Tobin numérique sur les profits de la Net-économie pour les auteurs. »

Face au défi que représente Internet, « le politique n'y arrivera pas seul : il faut une collaboration active avec le mouvement social. Pour que le Web redevienne un outil de partage, de connaissance et de mémoire ». C'est clairement « une mission de service public que d'assurer, de garantir et de permettre l'existence de cette expression citoyenne », évoquant La Poste ou France Télécom comme maîtres d'ouvre. Un poil plus ambitieux qu'une simple adresse électronique gratuite, non ?

Pour le Monsieur Internet du PCF, « ce serait l'honneur de l'Europe que de poser les bases d'un tel espace public numérique ». Et cela donnerait une image un peu plus reluisante que celle donnée à Nice... Sans l'oublier, Jérôme n'est pas de ceux qui se focalisent sur la fracture numérique : « Ce n'est qu'une façon high-tech de penser les inégalités. S'il y a 500 millions d'internautes, il est vrai qu'il y a trois fois plus de personnes qui vivent sans électricité. Mais, parler de » fracture numérique « , c'est aussi vain que de croire qu'en installant des ordinateurs partout on va résorber la pauvreté ! »

Au-delà de cet « espace d'hébergement non marchand », une nouvelle étape s'ouvre sur le Web : « Le haut débit. Le trafic sur le Net triple chaque année. Il faut donc développer en Europe un vaste réseau de fibres optiques. » Le coût ? 50 milliards de francs. Rien à côté des 500 milliards de la norme UMTS.

Par ailleurs, « La Poste se retrouve aujourd'hui dans la même situation qu'il y a trente ans quand il a fallu installer un peu partout en France des cabines téléphoniques. Désormais, au nom de l'aménagement du territoire, ce sont des bornes interactives qu'il faut installer ». Par ailleurs, l'Éducation nationale « doit mettre en place une politique de formation pour lutter contre l'analphabétisme numérique ».

« Comprendre le monde, c'est pouvoir le changer » : cet axiome s'applique également au Net. Comme disait Paul Éluard, « on oublie nos propres métamorphoses. Ce qui a été l'objet de choix autrefois apparaît comme une fatalité. Les gosses pensent qu'un ordinateur, c'est Windows. Or, Internet, ce n'est pas que Bill Gates. En fait, le réseau ne doit pas grand-chose aux grands groupes capitalistes ». Et Jérôme de promouvoir les logiciels libres.

Alors que les Assises de l'Internet solidaire et non marchand se tiennent ce week-end, tout comme la ZeligConf, rencontre européenne des contre-cultures digitales, de nouvelles initiatives émergent. Prochainement, un portail progressiste autour de l'Humanité se mettra en place. Et Jérôme de conclure : « Les Encyclopédistes auraient été des partisans de l'Internet citoyen. Tout comme Jaurès. »

Sébastien Homer