Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Comptabilité et nouveaux critères de gestion

La gestion actuelle repose sur l’optimisation du profit pour les entreprises en fonction des demandes des investisseurs en termes de retour sur investissements, à savoir récupérer les mises investies et le profit attenant.

La comptabilité ne fait que retracer les flux financiers qui transitent par l’entreprise selon le schéma défini par Marx, soit (voir graphe).

  

 

En réalité, la comptabilité retrace les mouvements qui affectent la vie quotidienne de l’entité à travers des flux (compte de résultat) et des stocks de capital (bilan), comme le résume le processus économique ci-dessus.

 

Le A de départ représente le capital avancé pour permettre l’initialisation du processus économique, il est apporté par :

– les propriétaires de l’entité (capital social, ou autre),

– les organismes financiers (emprunts, concours bancaires courants, etc.).

Le M de départ correspond aux éléments nécessaires au processus de production de l’activité :

– les outils nécessaires à l’activité (immobilisations) ou capital fixe ;

– les consommations intermédiaires (matières, composants, services nécessaires à l’activité), ou capital circulant ;

– l’emploi au travers de la rémunération du travail (salaires, cotisations sociales, fiscales locales, etc.).

Le M’ d’arrivé correspond aux produits ou services réalisés dans le processus de production et ayant une valeur d’usage pour les clients.

Le A’ d’arrivé correspond aux ventes réalisées par l’entité auprès de ses clients, c’est la valeur d’échange des produits.

L’écart entre A’ d’arrivé et A de départ correspond au profit réalisé par une entreprise particulière.

Les normes comptables et la présentation des états financiers sont donc établies pour les besoins des propriétaires du capital et mesurer la rentabilité de ceux-ci ; ils s’appuient donc sur les informations financières données par la comptabilité et synthétisées dans les comptes sociaux (bilan, compte de résultat et annexe).

Une batterie de critères est établie à partir de l’information en fonction de ces besoins, dont le critère central repose sur le taux de profit (résultat opérationnel/capital investi). Pour contester cette approche par la seule rentabilité, Paul Boccara a élaboré des critères de gestion alternatifs à partir des mêmes informations financières, mais mettant la création de valeur ajoutée au centre de l’analyse, à partir d’un critère synthétique VA/C.

L’époque où les nouveaux critères de gestion ont été élaborés correspond au changement de plan comptable en France (1982), devenu depuis la norme CRC 2014-03 (référentiel comptable applicable actuellement), mais celle-ci ne s’applique qu’aux comptes sociaux des entreprises, et non aux comptes consolidés pour les groupes (CRC99-02), et normes françaises, IFRS à l’international (entreprises cotées sur un marché financier européen), ou US GAAP pour les entreprises cotées aux états-Unis.

Nous allons donc dans un premier temps traiter les éléments issus de la comptabilité française, ensuite nous partirons des comptes en IFRS.

Les comptes en normes françaises

Pour permettre de déterminer des éléments nécessaires au calcul des critères de gestion élaboré par les travaux de Paul Boccara, nous pouvons partir des comptes sociaux établis par les entreprises en vue de payer l’impôt (liasse fiscale normalisée par l’État) ou de leur publication.

Ainsi, en France, il définit un plan comptable classant l’information selon la nature des différents éléments et de leur finalité pour l’établissement des comptes sociaux, selon la classification du tableau page suivante.

À partir de cette classification, sont établis le compte de résultat et le bilan, la fonction de ces deux états donne une information sur le fonctionnement de l’entreprise :

– Le compte de résultat regroupe l’ensemble des charges et produits réalisés au cours d’un exercice comptable (12 mois généralement), ce que l’on appelle les flux au sein de l’entreprise.

– Le bilan est un inventaire du patrimoine de l’entreprise à la date de clôture de l’exercice comptable (des stocks de capitaux).

À partir des états déterminés par la norme comptable, nous pouvons calculer la valeur ajoutée et le capital avancé (ou investi).

Le compte de résultat synthétique fait ressortir les principaux indicateurs suivants :

 

Produits d’exploitation

- Charges d’exploitation

Résultat d’exploitation

Produits financiers

- Charges financières

Résultat financier

Résultat courant avant impôt

(Résultat d’exploitation plus résultat financier)

Produits exceptionnels

- Charges exceptionnelles

Résultat exceptionnel

- Participation

+ ou -Impôt sur les bénéfices

Résultat net

 

 

Comme on peut le constater, cette présentation a pour but de présenter la formation du résultat, information principale pour qui veut analyser la rentabilité de l’entreprise.

 

COMPTES DE BILAN

COMPTES DE GESTION

Classe 1

Classe 2

Classe 3

Classe 4

Classe 5

Classe 6

Classe 7

Comptes de capitaux

Comptes d’immobilisations

Comptes de stocks

Comptes de tiers

Comptes financiers

Comptes de charges

Comptes de produits

Capitaux propres

Incorporelles

Matières premières

Fournisseurs

Valeurs mobilières de placement

Achats

Ventes (chiffre d’affaires)

Provisions pour risques et charges

Corporelles

Autres approvisionne-ments

Clients

Banques et établissements financiers

Services extérieurs

Production stockée

Emprunts et dettes assimilées

Financières

En cours de production

Personnel

Instruments de trésorerie

Autres services extérieurs

Production immobilisée

 

Amortissements

Produits finis

Organismes sociaux

Caisse

Impôts et taxes d’exploitation

Subventions d’exploitation

 

Dépréciations

Marchandises

état et autres collectivités

Dépréciations des comptes financiers

Charges de personnel

Autres produits de gestion courante

 

 

 

Groupe et associés

 

Autres charges de gestion courante

Produits financiers

 

 

 

Débiteurs et créditeurs divers

 

Charges financières

Produits exceptionnels

 

 

 

Comptes de régularisation

 

Charges exceptionnelles

Reprises de provisions

 

 

 

Dépréciations des comptes de tiers

 

Dotations aux amortissements dépréciations et provisions

Transferts de charges

 

 

 

 

 

Participation des salariés

 

 

 

 

 

 

Impôt sur les bénéfices

 

 

Capital fixe

Capital circulant

 

 

 

 

La valeur ajoutée

La valeur ajoutée se calcule à partir de la formule suivante :

 

Production

Consommations intermédiaires

Valeur Ajoutée

Chiffre d’affaires

Achats

 

Production immobilisée

Services extérieurs

 

Production stockée

Autres services extérieurs

 

Production totale

 

Production totale moins les consommations intermédiaires

 

Le chiffre d’affaires correspond aux ventes réalisées de l’entreprise auxquelles on ajoute la production immobilisée (coûts de recherche immobilisés ou production faite par l’entreprise pour elle-même) et la production stockée (variation des stocks de produits finis et d’en cours de production entre le début et la clôture de l’exercice), cet ensemble représente la production totale de l’entreprise.

Nous pouvons ajouter à ces produits certains transferts de charges correspondant aux produits liés soit à des remboursements de coûts ou des prestations intra groupe.

Les consommations intermédiaires correspondent à l’ensemble des achats réalisés auprès des fournisseurs sous forme de matières composantes ou services.

Mais il faut ici attirer l’attention du lecteur sur le fait que le calcul de cette valeur ajoutée est comptable et ne reflète pas la valeur ajoutée économique réelle créée par l’entreprise.

Pour cela, il faut savoir que les consommations intermédiaires comprennent des coûts qui relèvent de la rémunération du travail (les intérimaires) qui participe à la création de la valeur, le financement du capital fixe (crédit-bail ou location financière) ; dans les groupes les sociétés de base se voient facturer des prestations (management fees) qui sont souvent comptabilisées en sous-traitance administrative ou en honoraires.

Ces informations ne sont pas directement lisibles dans les états de synthèses, il faut partir du détail des comptes, à l’exception des crédits baux dont une information est communiquée dans l’annexe des comptes sociaux.

L’analyse de valeur ajoutée peut être abordée à partir du taux de valeur ajoutée, soit VA/Production exprimé en % ; son évolution dans le temps permet de s’interroger sur la formation de la valeur ajoutée elle-même.

Le capital avancé

Le capital avancé correspond aux moyens investis dans le processus économique de l’entreprise, soit :

– les immobilisations (capital fixe) ;

– le besoin en fonds de roulement ce dernier se calculant de la façon suivante :

 

 

Comptes d’actif

Stocks

Créances clients

Autres créances

Comptes de passif

Dettes fournisseurs

Dettes fiscales et sociales

Autres dettes

 

Besoin en fonds de roulement

 

 

Mais il faut être attentif au fait que dans les sociétés appartenant à un groupe où la trésorerie est gérée de façon centrale, les autres créances et les autres dettes peuvent comporter des comptes courants d’associés ayant la fonction de trésorerie ou d’endettement selon le cas, il convient donc d’effectuer les retraitements nécessaires à partir des détails de comptes.

Le besoin en fonds de roulement correspond au capital circulant nécessaire au processus de production qui se matérialise par les stocks (de sécurité pour éviter les ruptures de production), les délais de paiement clients (consentis en fonction des rapports de force avec ceux-ci), déduction faite des crédits accordés par les fournisseurs (dans le cadre des rapports de force avec ceux-ci) et les décalages de paiements auprès des organismes sociaux et l’État.

Pour compléter ces éléments, on peut calculer la valeur ajoutée nette (VA – dotations aux amortissements issues du compte de résultat).

En effet, les dotations aux amortissements intégrées dans les charges d’exploitation correspondent aux amortissements économiques reflétant l’usage du capital fixe investi.

Pour calculer la VAdn (valeur ajoutée disponible nécessaire) il faut cumuler les salaires et cotisations sociales et les impôts et taxes d’exploitation et l’impôt sur les bénéfices.

Mais ici aussi, il faut savoir que les salaires intègrent l’intéressement (qui ne correspond pas à une rémunération liée à l’exécution du contrat de travail), voire les éléments liés aux stock-options ou attribution d’actions gratuites pouvant également y être intégrés. Il conviendrait également de réduire les indemnités versées à l’occasion des indemnités payées au titre des ruptures de contrat de travail (indemnités de licenciements, de rupture conventionnelle ou de départ à la retraite).

Ainsi, le rapport VA/C peut se calculer de deux manières :

– VA brute/capital avancé brut (avant déduction des amortissements) ;

– VA nette (VA brute moins les amortissements économiques)/C net (déduction faite des amortissements réalisés sur la durée d’amortissement).

Les normes internationales

En Europe, les normes IFRS ont été retenues pour la présentation des comptes consolidés des groupes.

Ces normes sont établies pour répondre au besoin des grands groupes internationaux afin de permettre un calcul de la rentabilité et de la liquidité de ceux-ci, l’accent est mis sur le tableau des flux de trésorerie et les notions tels que l’excédent brut d’exploitation (EBITDA) ou le résultat d’exploitation (EBIT), mais les états financiers sont très synthétiques et peuvent être présentés de deux façons :

– le compte de résultat par nature (comme en comptabilité française, mais sans résultat exceptionnel) ;

– le compte de résultat par fonction selon le schéma suivant :

 

Produits des activités ordinaires

- Coûts des ventes

Marge brute

+ Autres produits

- Coûts commerciaux

- Charges administratives

- Autres charges

Résultat avant impôt

 

 

Les différentes fonctions intègrent des consommations intermédiaires, des frais de personnel et des amortissements, ce qui ne permet pas de calculer la valeur ajoutée comme en normes françaises. Il faut aller chercher les informations dans l’annexe des comptes (pouvant compter plus de 100 pages).

Il en va de même pour les éléments du bilan, puisque celui-ci est présenté en valeurs nettes (déduction faite des amortissements et des dépréciations), ici aussi il faut aller chercher les informations dans l’annexe.

En conclusion l’information comptable disponible ne permet donc pas un calcul précis des données nécessaires aux différentes composantes des critères de gestion, pour cela, il faut opérer des retraitements, ces informations sont faciles à obtenir pour les IRP (CE ou CSE) lors de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise, surtout si celles-ci ont recours à un expert-comptable pour les assister (ce dernier a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes), encore faut-il que les élus soient exigeants sur l’information dont ils doivent disposer afin de ne pas dépendre d’un intervenant externe.

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