Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Du nouveau dans les relations entre syndicalisme, bataille d’idées et parti politique révolutionnaire

Le 14 septembre dernier, à la fête de l’Humanité, un débat très suivi réunissait au stand de la fédération de Paris du PCF Igor Zamichiei, secrétaire de la fédération et responsable du Projet à l’exécutif national du parti, Valérie Lesage, secrétaire de l’Union régionale Île-de-France de la CGT et André Chassaigne, chef de file du groupe des députés communistes et président du groupe Gauche démocratique et républicaine de l’Assemblée nationale. Nous publions leurs interventions car elles font partie d’une série de signes qui témoignent, dans le contexte de la préparation du congrès extraordinaire du PCF, de la possibilité d’une nouvelle cohérence entre luttes syndicales, batailles d’idées pour des perspectives de transformation révolutionnaire de la société et action du Parti communiste dans les institutions.

André Chassaigne 

C’est en « jouant notre basket » que nous pourrons créer des rassemblements pour peser sur le cours des choses.

Les difficultés actuelles du travail parlementaire doivent être replacées dans la perspective d’une volonté politique, extrêmement affirmée de la part du pouvoir, d’affaiblir la voix parlementaire. Cela passe par des moyens très divers : d’abord, la façon de travailler où on réduit le rôle des députés à ce qui devrait être, pour le pouvoir, celui de simples exécutants. On a affaire à l’Assemblée nationale, avec cette nouvelle majorité, à des députés qui sont en fait les porte-voix de l’exécutif, qui ne remplissent absolument pas la fonction parlementaire, où la fabrication de la loi se résume à décliner ce qui a été décidé par le président de la République. C’est pourquoi, dans le débat de la motion de censure, j’avais utilisé une expression pour définir les députés de la majorité « En Marche », où je les ai décrits comme « de simples digéreurs, intestins silencieux de la bouche élyséenne ». Ils sont là pour recracher ce qu’on leur demande d’avaler à partir de l’Élysée. Il est bien évident que derrière l’anecdote se profile une volonté de faire évoluer la Constitution pour affaiblir considérablement le pouvoir législatif, pour que la riposte populaire ne puisse plus être portée par des parlementaires en lien avec leur territoire, avec la population, avec les luttes sociales.

On voudrait nous limiter à une discussion générale, à porter un discours, faisant certes valoir nos perspectives politiques ou notre analyse d’un texte qui nous est proposé, mais surtout à porter atteinte au droit d’amendement, au travail parlementaire. C’est pourquoi, dans le cadre de cette réforme constitutionnelle, une bagarre que nous menons, portée par le parti dans son ensemble, est celle d’un référendum. Il faut que ce soit au peuple de France de pouvoir trancher sur l’évolution de la Constitution et sur les coups qui sont portés, notamment au pouvoir législatif. Si je cite l’exemple du référendum, c’est pour bien montrer que l’action des élus et des parlementaires en elle-même ne pèsera jamais s’il n’y pas derrière, bien évidemment, la mobilisation d’une organisation politique comme le Parti communiste français – on a besoin d’une organisation politique qui ait sa place dans le paysage politique parce qu’il y a des enjeux énormes aujourd’hui – et des actions collectives pour mobiliser le peuple : c’est l’objet de la grande bataille que nous voulons mener sur le référendum.

La chance de disposer d’un groupe communiste à l’Assemblée

On a la chance, depuis un an, de disposer à l’Assemblée d’un groupe parlementaire avec 11 députés communistes. Constituer ce groupe était pour moi et pour d’autres un enjeu extrêmement important. On avait besoin qu’il y ait une voix du PCF à l’Assemblée nationale, et pour cela il fallait composer un groupe parlementaire avec en son sein une composante exclusivement constituée de députés communistes, de façon à pouvoir parler comme communistes quand nous montons à la tribune – ce que l’on ne pouvait pas faire avant, et ce qui affaiblissait notre discours. J’ai utilisé, pour l’expliquer à l’université d’été du Parti communiste, une citation d’Aragon. Il est vrai qu’au début, quand on a constitué ce groupe, ça pouvait faire sourire. D’autres auraient voulu qu’on soit englobés dans un groupe sous l’autorité d’autres, en estimant que notre composante aurait pu vivoter au sein d’un groupe beaucoup plus important qui aurait représenté la « gauche radicale ». C’est ce qui m’avait fait reprendre ces deux vers d’Aragon : « on sourira de nous d’avoir aimé la flamme/au point d’en devenir nous-mêmes l’aliment ». Je pense qu’en constituant ce groupe nous avons été l’aliment d’une flamme, celle du Parti communiste français.

On l’a fait certes dans un contexte vraiment difficile, d’un recul électoral sans précédent, avec une forme de blessure de voir « où on en était rendus ». Mais on a considéré que cette blessure, il fallait la transformer en espoir, en idéal, en désir – pour citer à nouveau Aragon. Qu’on redonne du goût à notre combat, au travail des députés communistes, et qu’on soit avec d’autres un levier du renouveau de notre parti, que la spirale de l’effacement s’arrête et que l’on pèse de nouveau dans le paysage politique français. Parce que je pense, et je ne suis pas le seul, qu’on a besoin d’un PCF fort au regard des enjeux nationaux, des enjeux européens, des enjeux de la planète. Et pour cela, l’organisation politique qui est la nôtre est absolument indispensable, à nous de la faire vivre.

C’est en quelque sorte ce que nous avons ressenti comme le refus de la dépossession du mot communiste. Entre nous, les 11 députés communistes, nous avons des analyses différentes sur le devenir du parti, des sensibilités différentes, des vécus, des expériences différents mais ce que je peux dire c’est que pas une fois les différences d’analyse n’ont été un obstacle à notre combat. Ce qui est primordial, c’est la fraternité et quand on est communiste on est capable d’avoir des divergences et de construire ensemble. Je crois que ce qu’on a fait au sein du groupe, on est capables de le faire à une autre échelle.

La compréhension du capital est indispensable pour notre politique

Bien évidemment, cette démarche doit s’accompagner d’une analyse politique de fond. Il ne s’agit pas de s’attaquer seulement à un pouvoir auquel on pourrait donner des noms par raccourci, en disant que notre adversaire c’est uniquement l’« oligarchie ». Mais non, derrière tout ça, il y a l’analyse que l’on doit faire d’un pouvoir politique, la prise en compte du pouvoir de l’argent. Et quand par exemple on analyse le budget qui va être proposé pour 2019, c’est la concrétisation de choix politique ultralibéraux. Quand on nous dit qu’il faut réduire les dépenses publiques, ce n’est pas l’oligarchie en elle-même qui veut réduire les dépenses publiques, c’est tout simplement parce qu’on utilise le déficit de la France comme un instrument, sans dire qu’il fait que chaque année on va payer 43 milliards d’euros qui vont aux marchés financiers, sans même se poser la question de l’origine de ces emprunts et de leur légitimité. Il y a dernière tout cela une analyse politique à faire. Quand on veut alimenter les multinationales, quand on supprime l’impôt sur la fortune, quand on développe le CICE, quand on balance l’argent à fonds perdu, cet argent il faut bien le trouver quelque part. On le trouve dans la réduction des dépenses publiques et on le trouve en allant faire les poches des plus humbles, et en particulier des retraités avec l’augmentation de la CSG. Donner du sens, pas seulement au niveau d’une analyse parlementaire ni s’attacher sur des chiffres, c’est essayer de donner les clés de la compréhension. Le meilleur outil pour cela, c’est la lutte, c’est l’action, c’est le mouvement – mais dans la durée, pas quelque chose de court-termiste. La compréhension du capital est indispensable pour notre politique. Pour cela il faut des actions, mais il ne faut pas les abandonner au bout de trois mois. Il faut les maintenir très longtemps si on veut faire évoluer les consciences, créer le rapport de forces. Sinon on ne changera jamais le système.

La notion de stratégie telle que nous la concevons, nous parlementaires communistes, j’en ai personnellement retenu trois mots. On a un objectif, être le plus efficaces possible contre la politique libérale. On n’a jamais vécu une politique aussi à droite. Il existe des alternatives politiques qu’il faut travailler, expliquer. Un principe pour l’ensemble du Parti communiste et des progressistes : il faut que nous soyons nous-mêmes. Qu’on arrête d’être tétanisés par ce que peuvent penser les autres et leurs façons de faire. Nous avons notre analyse, nous devons peser dans la société, « Jouons notre basket » et c’est à partir de là qu’on pourra créer des rassemblements qui permettront de peser sur le cours des choses. Troisième idée, c’est une pratique : chaque fois qu’on le peut, créer des convergences. Pas des associations d’appareils mais faire la clarté dans les différences, sans gommer les différences. Depuis un an, c’est ce que nous avons fait chaque fois que nous l’avons pu. On a saisi sept fois le Conseil constitutionnel : il fallait les signatures des socialistes, des Insoumis, on les a eues. Pour la motion de censure, le travail que nous avons fait nous a permis de déposer une motion de censure commune entre les trois groupes de gauche, qui nous ont confié la première place pour nous exprimer au nom des trois groupes parlementaires. Tout cela ne vient pas d’une instrumentalisation politique mais d’une pratique qui n’est pas un repli sur soi, ni une pratique de boutiquier. Ce qui nous intéresse, c’est le peuple, l’efficacité de notre action politique. C’est de pouvoir peser sur le cours des choses. Si demain on veut bousculer l’organisation de notre pays, le système politique, l’organisation du monde, on ne le fera pas tout seuls, on le fera avec d’autres, on le fera sur la base de la clarté, on le fera en étant respecté et en étant respectueux des autres.

Valérie Lesage 

Le vrai danger social, c’est la cohérence des politiques menées depuis des décennies, qui détruit les conquis sociaux.

Car il s’agit bien d’une avalanche de mesures et de lois délibérément conçue dans un état d’esprit de « guerre éclair » à faire subir au monde du travail, que Fillon ne s’était pas caché de vouloir mener et que Macron, en homme de la finance et en président des riches, poursuit, accélère ouvertement, sans complexe et avec tout le mépris que nous lui connaissons !

Si l’on met bout à bout l’ensemble des lois et projets de loi voulus par ce gouvernement, on voit bien, il me semble, que Macron, son gouvernement et sa majorité de députés godillots, jugent la période propice à faire basculer dans le néant l’ensemble des conquêtes sociales !

Et ils s’appuient pour cela sur toutes les lois régressives imposées depuis trente ans, et particulièrement ces trois derniers quinquennats, de 2002 à 2017, qui ont vu s’accélérer et s’intensifier les politiques d’austérité et de remodelage social réactionnaire. Quelques exemples : loi Rebsamen, Pacte de solidarité et de croissance, loi Sécuritaire, loi El Khomri, loi Travail, les lois santé successives…

La politique de Macron sape les piliers sociaux de la société française

Nous le voyons bien, les services publics, le droit du travail, la Sécurité sociale, ces trois piliers de la société française qui ont donné une portée concrète aux valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de solidarité, sont minés, sapés, dynamités sous l’effet de bombes à retardement que sont respectivement :

– les directives européennes de mise en concurrence des services publics avec la complicité active de chaque État membre, la France notamment ;

– les lois de dérégulation du droit du travail et les dernières en date, les lois El Khomri et les ordonnances Macron ;

– toutes les lois qui, à la suite du plan Juppé, ont poursuivi inlassablement l’extinction de la démocratie sociale et la remise en cause de la cotisation sociale pour faire monter la fiscalisation comme mode de financement, détruire le système actuel issu du Programme national de la Résistance et assis sur la solidarité.

Macron estime que la structuration de nos droits sociaux a été suffisamment massacrée pour qu’il puisse faire effondrer toute l’architecture des progrès sociaux conquis depuis un siècle, et particulièrement ceux gagnés à partir de la Libération en 1945. (Cf. Denis Kessler.)

Le gouvernement poursuit donc son objectif en cette rentrée : dans l’agenda social, plusieurs dossiers qui, selon ce que nous pourrons faire reculer et gagner ou pas, changeront concrètement et durablement la vie des salariés, des fonctionnaires, des retraités, des privés d’emploi et plus largement des populations.

– En septembre, l’Assurance chômage, avec la volonté affichée du gouvernement d’introduire une dégressivité des allocations chômage, et une nouvelle fois de passer par-dessus la négociation paritaire, organisations syndicales des salariés et patronat, avec cette volonté d’étatiser l’assurance chômage, la Sécurité sociale en transformant la cotisation sociale en impôt tout en dédouanant le patronat.

– En septembre et octobre, santé au travail et qualité de vie au travail, après la casse de la médecine du travail, l’aggravation des conditions de travail et la perte de sens donné au travail, de nouvelles dégradations seront à l’ordre du jour sous couvert de modernisme.

– En débat, PLFSS et plan santé également dans cette période.

– En novembre, services publics avec CAP 2022, là aussi une casse programmée des services publics, éloignement des citoyens, couplée avec l’absence de réponse aux besoins de la population sous couvert de modernité.

– Et bien entendu le dossier retraite, avec une volonté affichée de changer de système, avec la perspective du vote de la loi au premier semestre 2019.

Pour nous syndicalistes, nous aurons à porter le fer sur ces dossiers à enjeux nationaux, dans un contexte de négociations et de mise en place des CSE, d’élections (Fonction publique, RATP, SNCF…), et de luttes dans les entreprises pour l’emploi, les conditions de travail et les salaires, pour contrer la poursuite annoncée de la casse de l’emploi, avec les suppressions prévues et à venir, les ruptures conventionnelles collectives…

Une bataille de reconquête de la Sécurité sociale est lancée. La retraite sera en son cœur, pour contrer les velléités patronales et gouvernementales.

Celle sur le le coût du capital et la nécessité des 32 heures, d’augmenter les salaires, traitements, pensions et minima sociaux.

La CGT porte bien entendu de nombreuses propositions, revendications sur tous ces dossiers, et mènera les campagnes nécessaires pour la prise de conscience et l’organisation de ripostes tout en restant à l’offensive.

Des journées d’action, de grève, de manifestation sont déjà inscrites dans notre calendrier syndical : le 18 septembre chez les cheminots, le 3 octobre chez les retraités, le 4 octobre dans la santé et l’action sociale, et le 9 octobre la journée nationale interprofessionnelle d’actions, de grèves et de manifestations, journée unitaire CGT, FO Solidaires avec les organisations de jeunesses UNEF, UNL, Fidl. À Paris, la manifestation s’élancera à 14 heures de Montparnasse. La matinée sera destinée aux actions locales, dans les entreprises et les services avec des dépôts de cahiers revendicatifs élaborés avec les salariés.

Notre responsabilité, aujourd’hui comme hier, est grande, celle de toute la CGT est engagée, comme celle de toutes les forces progressistes.

Nous avons besoin de réfléchir et de construire un processus permettant d’élever le rapport de forces pour l’amener à ce qui nous semble nécessaire, la multiplication des grèves massives, leur reconduction pour obtenir le blocage de l’économie, et faire plier le gouvernement et le patronat.

Repartir à la bataille des idées

Nous devons redonner confiance en la lutte collective, donner des perspectives au monde du travail, repartir mieux que nous l’avons fait ces derniers temps à la bataille des idées.

Pour cela, nous « alimentons » nos syndicats en argumentaires, journées d’études, documents pour qu’ils se réapproprient ou s’approprient nos analyses et nos propositions.

La guerre de classe menée par le gouvernement et le patronat avec le Medef comme moteur, doit nous amener à nous réinterroger sur nos stratégies et leurs mises en œuvre.

Mais nous sommes lucides sur le fait que seuls, même si notre responsabilité est grande, nous n’y arriverons pas. L’apport des politiques est indispensable, comme celui des associations ainsi que l’unité syndicale, que nous réussissons à préserver en Île-de-France, mais qui nationalement est quelquefois plus difficile.

Si nous sommes exigeants avec nous-mêmes, nous le sommes envers les partis de gauche.

Nous ne pouvons être considérés, comme certains le font, comme de seuls faire-valoir, bons à être récupérés et vite jetés en cas de difficultés ou d’échec, et désignés comme coupables de l’avancée du gouvernement sur ces réformes destructrices de notre modèle social. Cela ne permet d’aucune façon l’unité du monde du travail, ni celle de toutes les forces progressistes. Cela ne permet pas de sortir d’un sentiment de tambouille politicienne.

Certains se sont servis de la colère, de la défiance envers le politique pour, non pas construire autre chose, d’autres schémas collectifs, mais un dégagisme populiste qui dessert toutes celles et ceux qui veulent mener le combat contre le capitalisme mondialisé.

Mes craintes sont que, si nous n’y sommes pas vigilants, cette colère se tourne vers le populisme d’extrême-droite.

Nous avons besoin de partis porteurs d’un projet émancipateur dépassant le système capitaliste

Nous avons besoin de partis qui portent le projet d’une société émancipatrice, de justice sociale, dépassant le système capitaliste, porteurs d’un projet clair qui réponde aux attentes du monde du travail et des enjeux environnementaux.

Besoin de partis qui de par leurs propres campagnes aident le plus grand nombre à décrypter la cohérence des politiques gouvernementales et leurs effets néfastes, à l’échelle de la France mais aussi de l’Europe et du reste du monde. Besoin de partis qui aident à faire grandir au-delà de la colère des fronts de luttes, en redonnant espoir.

Nous avons besoin de partis qui sachent se rassembler et rassembler sur l’important, pour contrer le gouvernement et offrir des alternatives aux politiques libérales.

La CGT et le Parti communiste ont une longue histoire commune. Nous avons gardé le respect, les relations qui permettent l’échange et le partage des analyses.

Un Parti communiste fort nous est nécessaire, l’histoire l’a démontré.

Il nous reste à réfléchir ensemble, dans nos périmètres respectifs, à ce que nous sommes en capacité de mettre en œuvre. En partant d’où nous en sommes collectivement pour enclencher un véritable processus de bataille des idées et construction de luttes revendicatives fortes et convergentes, dans un climat de répression syndicale très fort et une baisse de la confiance accordée par le monde du travail – ou du moins d’une partie – dans les organisations syndicales mais aussi dans les partis politiques.

Les débats croisés, nos débats internes, je l’espère, nous amèneront à travailler ensemble, solidairement sur ce qui nous rassemble, à la construction de la riposte.

Aujourd’hui, ces femmes, ces hommes, de tous âges, venant d’horizons tellement différents, et qui font cette fête de l’Humanité, sont la démonstration qu’une force est prête à se lever !

Igor Zamichiei 

Dire non ne suffit plus,
il faut pouvoir dire oui à un projet
pour transformer la société française

Si des choses ont déjà commencé à changer dans le pays, si la politique du gouvernement est déjà perçue comme de plus en plus injuste, c’est parce qu’on a des syndicalistes comme Valérie, des parlementaires qui se mobilisent jour et nuit avec les travailleurs et les catégories populaires pour changer cette société. Pierre Laurent, dans son discours aux personnalités invitées à la fête, a donné à voir des aspects du projet de société que porte le Parti communiste, j’y reviendrai. Il a eu une phrase qu’il n’a pas eu le temps de développer mais qui est au cœur de notre débat d’aujourd’hui. Il a dit : « le communisme est à l’ordre du jour si les forces humaines en trouvent le chemin ». C’est sur cette question que nous butons, c’est d’elle que nous devons débattre aujourd’hui : par quelles actions syndicales, par quelles actions politiques nous pouvons créer le mouvement d’émancipation humaine que nous voulons. Répondre à cette question nécessite d’aborder trois choses.

D’abord, comprendre la nature de l’offensive capitaliste. Interroger les obstacles et les atouts du mouvement social aujourd’hui. Et puis, André a appuyé là-dessus, hisser nos organisations politiques et nos organisations syndicales à la hauteur des défis.

« Un chef d’État actionnaire »

Les annonces gouvernementales en cette rentrée sont d’une violence extrême. Il y a une indécence sur les retraites : donner tout à ceux qui ont déjà et prendre à ceux qui ont si peu. Acharnement sur les retraités, sur les familles populaires, sur les locataires. Et puis, des réformes systémiques : après la loi Travail, c’est la future réforme des retraites qui va être un combat majeur de l’année qui est devant nous. Cette politique confirme le changement apporté par l’arrivée de Macron au pouvoir. On n’a plus seulement affaire à un président de la République au service des intérêts financiers. On n’a plus seulement affaire, comme dans les deux quinquennats précédents, à des présidents qui servaient les intérêts de la finance. On a au pouvoir maintenant un chef d’État actionnaire qui est là pour changer les structures économiques, sociales, démocratiques du pays. On l’a vu avec la loi Travail : elle inverse la hiérarchie des normes, c’est comme cela qu’on change la structure économique. La future réforme des retraites veut briser ce principe communiste, ce principe de solidarité : « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». Et que veut faire la réforme constitutionnelle sur laquelle a insisté André Chassaigne ? Elle veut profondément combattre tous les contre-pouvoirs qui existent encore dans notre société. Déjà affaiblir la démocratie parlementaire pour couper l’herbe sous le pied des quelques parlementaires comme André, des députés communistes qui se battent encore à l’Assemblée pour changer les choses, pour qu’il n’y ait plus que des députés godillots comme sont les députés « digéreurs » d’En marche qui mènent le pays à la catastrophe. Cette politique s’inscrit dans une reconfiguration de l’hégémonie capitaliste au plan mondial. Parce que la France n’est pas un cas isolé. Voyez l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, un autre homme d’affaires, à la tête de la première puissance mondiale. En fait, on est en train de vivre un véritable hold-up. Ce sont les capitalistes qui ont créé la plus grave crise économique et financière de ces dernières années, la crise de 2007-208. Ce sont eux qui aujourd’hui se parent des atours de la « nouvelle politique » pour essayer de renforcer leur pouvoir et, qu’ils s’affichent protectionnistes comme Trump ou mondialistes comme Emmanuel Macron, ils sont unis par les liens sacrés du marché. Et ce hold-up, il s’accompagne d’une offensive idéologique sans précédent. Une opération de maquillage qui vise à dissimuler cette alliance entre dirigeants néolibéraux et dirigeants d’extrême-droite. Dans cette alliance, on voit que ce sont les forces d’extrême-droite qui sont en train de prendre le dessus et de progresser partout dans le pays.

Et c’est pourquoi l’élection européenne va être un enjeu clé. Est-ce qu’on va laisser le Parlement européen aux forces d’extrême-droite ou est-ce qu’on va reconstruire une intervention au Parlement européen avec des forces communistes comme le PCF, avec des forces de gauche qui portent une autre politique de progrès social ? Je crois que c’est ça l’enjeu de l’élection et c’est pour ça qu’il va falloir, dans les mois qui viennent, être tous derrière la candidature de Ian Brossat pour le porter à la tête d’un mouvement politique dans le pays qui permette de transformer la société française. Et de répondre aux besoins des peuples européens. La question clé posée à toutes les forces du mouvement social dans ce contexte de mouvement identitaire est celle-ci : comment réhabiliter les enjeux de classe, jusqu’à ce qu’ils dominent les enjeux identitaires dans la tête de chaque travailleur, de chaque salarié ? C’est ça l’enjeu de notre combat politique.

Un immense effort de créativité politique sur les luttes et sur le projet

Alors, la première chose, c’est d’arrêter de commencer par la question des alliances électorales. Il faut arrêter de faire de notre rapport aux autres forces de gauche, la France insoumise en particulier, le point de départ de notre travail de rassemblement. Si on enferme le Parti communiste dans une alliance a priori avec telle ou telle force, avec la France insoumise, ou comme on a pu le faire un temps avec le PS, on ne sera pas en capacité de relever les défis du xxie siècle, on ne sera pas sur les deux seules questions qui nous permettront de créer un mouvement populaire dans le pays, qui sont les luttes et la construction d’un projet politique alternatif. Et nous ne réussirons un rassemblement victorieux que si nous le construisons à partir d’un immense effort de créativité politique sur les luttes et sur le projet. Et d’ailleurs, si on a réussi un début de rassemblement dans les premiers mouvements sociaux, face à la réforme de la SNCF par exemple, c’est parce qu’on avait des organisations syndicales, comme la fédération CGT des Cheminots par exemple, qui se battaient sur un projet de société, comme le projet Ensemble pour le fer et qu’on avait à l’Assemblée des députés, et tous les militants qui se mobilisaient dans la rue à leur côté, pour un authentique projet de société. Et maintenant, il faut poursuivre cette bataille-là. Elle va continuer de se mener ligne par ligne à tous les niveaux, et on peut encore la gagner dans les années à venir. Il faut qu’on pousse cette question des luttes et du projet politique que nous portons. Pourquoi est-ce que tant de luttes fondamentales échouent, du Printemps arabe il y a sept ou huit ans à la mobilisation contre la loi Travail, en passant par le mouvement des Indignés espagnols, les luttes environnementales, féministes… qui sont pourtant très puissantes ? Je crois qu’elles échouent pour deux raisons : pour la faiblesse du niveau de conscience de classe et parce qu’il y a un manque d’objectifs révolutionnaires partagés. C’est ça qu’il faut faire grandir aujourd’hui. Et le fait est, malheureusement, malgré tout le travestissement, que la grande majorité des luttes aujourd’hui sont des luttes de résistance. Nous devons réussir, forces syndicales et forces politiques, à les compléter par de nouvelles luttes offensives, des luttes positives sur un autre projet de société. Pour reprendre un mot de Naomi Klein, « dire non ne suffit plus, il faut pouvoir dire oui », oui à un nouveau projet de société, oui à un projet communiste pour transformer la société française. Cela demande deux choses : des campagnes qui réarment idéologiquement le mouvement populaire, qui permettent de se libérer de la pression de l’idéologie dominante, qui visent à unir les travailleurs qui ont des intérêts convergents mais qui sont aujourd’hui divisés par le capital qui vise à assurer ainsi sa domination. La question stratégique clé, c’est celle de l’unité du salariat. Celle de victoires idéologiques pour que chaque salarié ne fasse plus du poids de la dette, du coût du travail, de la mondialisation libérale autant de dogmes dominants qui sont aujourd’hui un horizon indépassable, mais qui, si nous arrivons à les faire sauter, permettront tous les espoirs et toutes les victoires possibles. Par exemple, nous avons besoin de campagnes de long terme, je pense à une campagne qu’on avait initiée et qu’il faudrait relancer en grand dans le pays : la campagne contre le coût du capital, la nécessité de s’attaquer aux dividendes et aux intérêts payés aux banques, faire de cette question une grande question politique dans le pays. Nous aurions besoin, pour unir les salariés, d’une grande campagne contre les discriminations qui touchent les femmes dans le monde du travail, les temps partiels subis, les carrières incomplètes, les bas salaires. Si on avait une campagne pour un grand projet féministe, ça contribuerait à unir le salariat, et je crois que c’est possible.

Le deuxième enjeu clé, c’est de construire secteur par secteur de puissants fronts de luttes et de projets autour d’objectifs de transformation sociale. Et c’est là qu’intervient le travail de construction d’un projet politique alternatif. Il y a au fronton de ce stand une phrase qui pourrait, je crois, pour chacun de nous, être une sorte de maxime de notre action. Elle est d’Ambroise Croizat, il l’a prononcée dans un de ses derniers discours à l’Assemblée nationale. Il disait : « le progrès social est une création continue ». Eh bien moi, je crois que c’est à ce défi que nous sommes confrontés au xxie siècle. Dans les semaines et les mois à venir, il va y avoir un enjeu décisif, la réforme des retraites. Sommes-nous capables de faire lever un grand mouvement dans le pays pour opposer à la société d’insécurité sociale que crée Macron un grand mouvement pour une sécurité sociale du xxie siècle ? Je parle du développement de la Sécurité sociale actuelle, de toutes ses branches, avec la prise en charge des soins à 100 %, à un renforcement de la médecine du travail pour lutter contre toutes les formes de pénibilité, le burn out et tant d’autres, une nouvelle politique familiale. Mais je pense aussi à une nouvelle ambition de sécurité sociale qui touche à la sécurisation de tous les moments de la vie pour une nouvelle civilisation. Une allocation d’autonomie formation pour les jeunes, qui permettrait aux jeunes d’investir avec confiance l’avenir – à l’inverse de ce qu’ils sont en train de faire avec Parcoursup –, une sécurisation de l’emploi et de la formation, pour éradiquer le chômage et la précarité qui ne cessent de progresser, un service public de l’autonomie des personnes âgées – on va avoir deux millions de personnes dépendantes en 2050 quand on en a 1,2 million aujourd’hui, cette question ne sera pas résolue dans l’égalité par le privé. Eh bien, créons un mouvement à partir du mouvement des EHPAD pour une telle ambition de société. Montrons que le Parti communiste est une force qui relève les défis du xxie siècle, et que la force réactionnaire qui est très loin de ces enjeux, c’est En marche, ces « simples digéreurs » qu’André combat à l’Assemblée.

Un cap politique pour le Parti communiste

Je veux finir par dire un mot sur le Parti communiste. Je crois que nous devons renouer avec le temps long de l’action politique, c’est-à-dire sortir de ce « présentisme », de la seule réaction à l’actualité et du rythme infernal de la vie électorale. Renouer avec le temps long de la vie politique qui est à mon avis indispensable à la construction d’un horizon émancipateur. Parce que toute bataille idéologique – on parlait à l’instant de conscience de classe – est une bataille de longue durée, qui demande de la constance dans l’action politique. Renouer avec le temps long parce que l’intervention populaire, l’intervention de travailleurs dans les entreprises, de catégories populaires qui se sont éloignées durablement des urnes, ça demande du temps, de renouer de la confiance dans une action collective qui est aujourd’hui minée dans une société du « chacun pour soi ». Renouer avec le temps long de l’action politique, parce que nous sommes confrontés à des défis de civilisation qui ne se résoudront pas à l’échelle du quinquennat, on en a eu la démonstration avec la question écologique. Nous parlons de défis sur des décennies. C’était ma première remarque.

Si on a besoin d’être à l’offensive, mon sentiment est que trop souvent, ces dernières années, nous avons été sur la défensive. Nous avons été intimidés nous-mêmes par la violence de classe. Nous avons été étouffés par le rythme de l’action politique. Et trop souvent nous avons laissé d’autres parler à notre place. Mais le problème dans ce cas c’est que jamais les grandes transformations révolutionnaires que nous portons ne peuvent rencontrer l’aspiration au changement des Français. Donc on a besoin de reprendre l’offensive sur un projet communiste et sur une force communiste. Si on veut que cela change, il faut maintenant que les forces immenses de notre collectif militant retrouvent confiance. Nous devons reprendre notre place dans la société française pour que l’espoir reprenne sa place dans la société française. Si le PCF reprend sa place, alors, avec les syndicats dans une action complémentaire, on pourra relancer de grands mouvements dans le pays.

Enfin, il faut se fixer un cap politique. On ne peut pas fonctionner avec des échéances à six mois ou à un an. On a besoin d’un cap politique, pas pour l’année à venir mais pour les dix ou quinze prochaines années. Un cap politique qui réhabilite les enjeux de classe, qui réidentifie le Parti communiste dans la société française à une ambition crédible et radicale de changement, à des enjeux comme la production, le travail, l’écologie, le féminisme, qui développe notre action internationaliste ; un cap politique qui ne décrète pas le rassemblement, qui ne lance pas des appels au rassemblement de manière générale mais qui le construit dans les luttes, avec les travailleurs et les catégories populaires. Je sais que si nous sommes à la hauteur de ces enjeux nous pouvons le faire, relever les défis du xxie siècle, dans un mouvement d’émancipation humaine où les travailleurs retrouveront toute la dignité que ce système essaye de leur enlever. zzz

 

 

 

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