Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Dossier : Affrontement généralisé ou coopération et paix : quels enjeux ?

Angoisse du changement climatique, scandale de la fermeture de l’Europe face aux migrants, crainte de l’escalade commerciale entre les États-Unis et leurs partenaires, colère contre l’Europe du dumping social et de la précarité, conscience que l’exubérance boursière n’est pas une bonne nouvelle car elle annonce des catastrophes financières et économiques… les heures ensoleillées de l’été ont été hantées par le sentiment diffus des menaces liées à la mondialisation capitaliste. Face au désarroi qui guette, ce dossier s’efforce de donner des éléments de décodage et des leviers pour permettre un ressaisissement populaire.

Chacun prend une conscience plus vive des révolutions qui travaillent les opérations du système économique : révolution écologique (l’humanité a le pouvoir de rendre invivable son propre environnement) mais aussi révolution monétaire (la confiance dans la monnaie, déconnectée de toute marchandise concrète comme l’or, repose sur l’action des banques centrales). Les révolutions démographique, migratoire, militaire mettent au défi les relations que les êtres humains entretiennent entre eux. Les potentialités de la révolution informationnelle pour maîtriser ces bouleversements de la civilisation sont dévoyées vers l’accumulation du capital des multinationales et des financiers. L’ébranlement des institutions politiques, financières, culturelles qui assuraient jusqu’ici l’hégémonie mondiale du capital et qui peinent maintenant à canaliser la colère des peuples, fait place, des deux côtés de l’Atlantique, aux dérives autoritaires et nationalistes.

La contre-offensive de Trump pour répondre aux mises en cause de l’hégémonie américaine, la montée des nationalismes en Europe, tournent le dos aux réponses qu’il faudrait apporter aux menaces qui pèsent sur la civilisation1. Ce que les luttes politiques et idéologiques pourraient faire mûrir dans la crise systémique, c’est un dépassement radical du capitalisme et du libéralisme, jusqu’à l’invention d’une nouvelle civilisation, pour développer les capacités de chaque habitant de la planète, dans une « intercréativité » scientifique, culturelle, politique.  On peut appeler cela le communisme.

Autre maîtrise du formidable pouvoir de l’argent et du développement des technologies informationnelles, BCE, FMI, dollar, autres traités économiques internationaux, mutualisations internationales démocratiques jusqu’à des partages pour les êtres humains et la nature, biens communs et services publics mis au cœur d’une autre mondialisation sont les sujets de ce dossier.

C’est en effet une entreprise politique, dans laquelle l’émancipation de l’humanité a un adversaire : le capital, sous la forme concrète que donne à sa domination la tyrannie des marchés financiers, personnalisée par l’« hydre mondiale » des trente grandes banques systémiques identifiées par le FMI. Les forces capables de renverser cette domination existent dans les luttes sociales, dans le mouvement de libération des peuples, dans l’affirmation des droits des individus face aux multiples formes de discriminations prétendant nier l’unité du genre humain qui s’affirme pourtant tous les jours sous nos yeux.

Un des principaux obstacles concrets à surmonter est la construction européenne actuelle et son cœur politique : la Banque centrale européenne et sa politique au service des marchés financiers. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays.  La construction européenne conçue sous l’empire de la mondialisation capitaliste, avec la velléité d’en partager les bénéfices avec l’impérialisme américain, Trump traite ses gouvernements comme des alliés faibles et lâches qu’on peut écraser et humilier à plaisir. Elle contribue aujourd’hui à bloquer les forces qui permettraient de dépasser l’état de choses existant.

Or, ces forces ont besoin d’une tout autre Europe, qui pourrait prendre la forme politique d’une confédération de peuples et d’États librement associés ‒ contre le fédéralisme et contre les nationalismes. Pour sortir du carcan de l’austérité budgétaire et de la dictature des marchés. Pour que la puissance monétaire de la BCE, et les milliers de milliards d’euros qu’elle crée tous les jours, servent à encourager des projets voulus et proposés par les citoyens, pour les services publics, l’emploi, la recherche, l’environnement. Pour avoir la force d’ouvrir ses frontières à la libre circulation des êtres humains tout en coopérant intensément à un codéveloppement avec ses voisins du Sud et de l’Est. Pour tendre la main au mouvement des peuples émergents et en développement et imposer, face au dollar, à Wall Street et aux GAFAM, une autre mondialisation.

Pour changer le monde, il faut changer l’Europe. C’est autour de cette idée que s’organisent les contributions, très diverses, qui composent ce dossier. 

Sommaire du dossier :

Pour une autre globalisation ! Une perspective marxiste et au-delà par Frédéric Boccara

- Lutter contre la mondialisation libérale est aussi lutter  pour une autre Europe et pour la reconquête industrielle par Nasser Mansouri-Guilani

- Importations alimentaires : arme de destruction massive d’une agriculture européenne durable par Julien Brugerolles

Le point de la situation du Brésil  à mi-année 2018 par Valter Pomar 

Mondialisation : mais que font les banques centrales ? par Denis Durand

 

 

1. Sur l’état de la mondialisation capitaliste et de ses contradictions, et sur la place qu’y tient la crise de la construction européenne, on se reportera avec fruit à l’article d’Yves Dimicoli dans notre précédent numéro, « Services publics : un atout maître pour changer l’Europe et le monde », Économie et politique, n° 766-767, mai-juin 2018.

 

 

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