Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Des convergences revendicatives pour la Fonction publique, des propositions audacieuses de financement

Dès son avènement, le gouvernement Macron a affiché son intention de s’attaquer au statut des fonctionnaires. Il le fait par des déclarations et plus encore par des actes concrets. Les forces existent pour déjouer cette entreprise et pour imposer une conception moderne des services publics et de la Fonction publique.

Une nouvelle fois, les feux convergent contre la Fonction publique. Les multiples attaques envers des secteurs clefs des fonctions publiques territoriale, d’État, hospitalière et leurs missions respectives, contre les effectifs et contre les statuts provoquent des luttes sectorielles et générales, des oppositions, et font la une des journaux. Sont évoquées la suppression de 120 000 emplois dans la Fonction publique et une réduction drastique des dépenses publiques. Si les secteurs dits en tension sont particulièrement touchés, aucun service ou secteur n’est épargné par la réduction des moyens matériels et humains affectés à la Fonction publique.

Depuis des années, les ministères successifs développent des discours empruntés au « New public management » et à une gouvernance englobant la culture du risque avec des salariés « agiles ». Efficience, performance, réduction des coûts reviennent dans les discours. Qu’en est-il ? Qu’y a-t-il de nouveau par rapport aux attaques des quinquennats précédents ?

Cette fois, l’enjeu est, dans la Fonction publique, de passer de la norme d’emploi de fonctionnaire avec réglementation statutaire à la norme du contrat individuel.

C’est la même stratégie que pour les salariés du privé, avec les lois récentes qui affaiblissent les droits et protections des salariés. L’objectif du pouvoir est de faire admettre que les statuts et le Code du travail sont des freins à l’efficacité économique et seraient responsables du chômage, masquant ainsi leur choix de classe : répondre aux exigences des grands actionnaires et des marchés financiers.

Cependant, ils font face à une résistance importante en France. Car si aujourd’hui, sur 5,5 millions d’agents, la Fonction publique comprend près d’un million d’agents contractuels « non titulaires », la norme de l’emploi de la Fonction publique reste dans les faits et dans les têtes le fonctionnaire. Ainsi, la revendication syndicale, de même que l’aspiration générale, vont vers des mesures de résorption de la précarité, en opposition totale avec la contractualisation comme mode de recrutement.

La politique d’Emmanuel Macron contre les services publics et la Fonction publique

Il ne fait aucun doute que pour Macron il s’agit de gagner la bataille idéologique envers l’opinion publique. Il s’attaque en même temps à 5,5 millions d’agents et à 20 % de la population active. Il s’attaque aussi aux populations qui apprécient le plus souvent les services publics et leurs agents.

Aussi, la stratégie du pouvoir est la division, la culture des oppositions, le discrédit du service public à partir des dégradations de la qualité du service rendu générées par les politiques successives. C’est pourquoi l’unité des personnels est indispensable pour faire front commun dans les trois versants de la Fonction publique ; idem avec les populations, les usagers du service public. Aussi le contenu de cette unité à construire entre salariés du privé et les fonctionnaires devrait aussi se réaliser autour du besoin ressenti par tous d’une nouvelle gestion de l’emploi, une sécurité de l’emploi et de la formation pour tous.

Macron s’attaque à la Fonction publique territoriale de façon prioritaire pour renvoyer les différentes collectivités à des responsabilités, jusque dans la gestion des personnels, qu’elles ne peuvent assurer faute de moyens. Les collectivités sont mises en concurrence comme employeurs, et contraintes aux baisses d’effectifs partout, par manque de moyens. Le mécanisme pervers de contractualisation issu de la loi de finances 2018 ne fait qu’aggraver la situation. Quant à la Fonction publique de l’État, l’Élysée tire toutes les ficelles et là aussi cherche la division et la concurrence entre ministères, au mépris des missions.

Le parallèle avec les différents secteurs publics et avec le transport SNCF s’impose. Le pouvoir, de concert avec le patronat et les médias dominants, attaque de front le coût de la dépense publique et les statuts des personnels. Le premier serait exorbitant et le second un privilège, la résurgence d’un passé définitivement révolu, un frein à la compétition économique. Dans la Fonction publique ont déjà été imposées la RGPP (révision générale des politiques publiques) sous Sarkozy puis la MAP (modernisation de l’action publique) sous Hollande. Chaque fois les mêmes objectifs : réduction des effectifs, réduire sans le dire les services rendus.

Chaque attaque contre la Fonction publique et les autres services publics est menée sur deux fronts : une offensive concrète contre les effectifs, contre les statuts, avec réduction du champ d’intervention et de la qualité des services rendus et des missions. Et une attaque idéologique visant le dénigrement de toute activité à structure publique. Il en résulte une contradiction marquée dans différents sondages d’opinion. Les citoyens et usagers restent très attachés à leurs services publics, transports publics, santé, école, formation, administrations et services. Ils sont contre les privatisations. Mais, interrogés sur la dépense publique, ils sont sensibles au discours dominant. Ils affirment que celle-ci devrait être réduite et que les statuts des personnels sont des « privilèges » non justifiés.

Pourtant, une tendance lourde, contradictoire avec les discours libéraux, reste un énorme besoin de services publics avec des besoins actuels à développer, petite enfance, éducation, formation, recherche, social, santé, sécurité, logement, transport… et besoins nouveaux, environnemental, dépendance, maîtrise publique, contrôles de niveau national, européen et mondial1. Dans les services, les personnels restent attachés à leurs missions, cherchant à répondre aux besoins des citoyens, attachés à la culture du lien social. C’est un point commun fort des trois Fonctions publiques. Mais, confrontés aux restrictions, aux méthodes managériales délétères, face aux attaques ils sont parfois désemparés, déstabilisés avec tous les risques de repli. Le développement de la polyvalence au détriment des spécialisations nécessaires aggrave la situation.

Dans ces conditions, la réponse aux besoins des usagers devient difficile. Les cas les plus visibles et connus viennent du secteur santé avec les Ehpad ou les services d’urgence. La multiplication des suicides dans les hôpitaux est un symptôme démonstratif. On y parle clairement de gestion de la pénurie. Les rapports sociaux deviennent tendus et nous sous-estimerions la gravité de la situation globale en ne prenant en compte comme critère conflictuel que les luttes et les journées de grève. Celles-ci sont d’ailleurs marquées par une montée de l’unanimité syndicale contre les nouvelles méthodes de gestion, contre les pénuries de moyens et contre la dégradation des conditions de travail, contre la non-réponse aux missions et contre la non-reconnaissance des qualifications des agents dans les grilles de rémunérations avec, fait historique, un blocage jamais égalé dans le temps de la valeur du point d’indice.

Sujets ou citoyens ?

Il y a un fort ressentiment contre des réformes décidées « d’en haut » sans association des personnels et de leurs organisations syndicales. Les grossières méthodes de direction participative par objectifs, initiées dans le privé il y a déjà plusieurs décennies, appliquées à la hussarde dans la Fonction publique, génèrent un malaise profond mais aussi une controverse grandissante. Chacun est à même de vérifier que sans les moyens matériels et humains, sans recherche de réponse aux besoins actuels et nouveaux des populations, les améliorations de la Fonction publique ne seront pas au rendez-vous par les seules micro décisions locales, par des techniques de new management, par la mobilité érigée en dogme et par la polyvalence accrue.

Un des enjeux récurrents depuis la création du statut des fonctionnaires de 1946 se résume dans une même question : les fonctionnaires sont-ils, doivent t-ils être des sujets ou des citoyens dans l’exercice de leurs missions? Cette question recoupe et se confond en France avec tous les affrontements de classe de l’après-seconde guerre mondiale, depuis le premier statut de 1946 et depuis plus de 70 ans2.

Le statut est une construction législative. Il est basé sur l’égalité de tous les agents face aux responsabilités qu’ils assument dans l’exercice de leurs missions. Il n’est pas construit sur le seul principe hiérarchique comme le montre l’article 28 : « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Il n’est dégagé d’aucune responsabilité qui lui incombe par la responsabilité propre de ses subordonnés. ». Cela induit une autre conception de la hiérarchie et confère à celle-ci un rôle original. Le fonctionnaire, de par son statut, n’est pas un sujet « exécutant » de l’ordre hiérarchique. Il est ainsi engagé dans l’exercice de sa mission. Il est citoyen avec l’esprit des missions à accomplir et avec l’esprit de carrière associée. Cette construction juridique de plus de 70 ans, renforcée notamment en 1983 par les lois Le Pors à l’occasion de son élargissement aux deux versants de la territoriale et de l’hospitalière, s’imprègne forcément d’une culture de la qualité du service rendu, de la mission et de l’égalité de traitement de tous les citoyens du territoire sans exception et sans discrimination.

Le fonctionnaire a aussi droit à une protection dans ses fonctions. C’est la suite logique de la notion de citoyen engagé dans sa mission qui implique protection si nécessaire comme l’indique l’article 11 : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales… ». La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leur fonction, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. »

Cette conception du rôle des fonctionnaires et de la hiérarchie portée par le statut est insupportable pour le pouvoir aujourd’hui. Alors, le gouvernement Macron attaque la Fonction publique par quatre chantiers, entendant bien peser à la fois sur les statuts et sur les modes de gestion.

Quelques rappels de la loi de juillet 1983, qui s’applique aux trois versants de la Fonction publique

Tenant compte des attaques sempiternelles et mensongères contre le « statut » il nous a paru nécessaire d’en rappeler ici quelques fondements.

Le fonctionnaire est dans une situation statutaire et réglementaire. Il est titulaire de son grade et non de son emploi. Le fonctionnaire ne signe pas de contrat d’embauche car en acceptant son premier poste il accepte de se conformer à tous les textes (lois et règlements) afférents à son grade.

« Le grade est distinct de l’emploi. »

« En cas de suppression d’emploi, le fonctionnaire est affecté dans un nouvel emploi dans les conditions prévues par les dispositions statutaires régissant la Fonction publique à laquelle il appartient. » (article 12)

« Le fonctionnaire est recruté par concours et diplôme minimum et ou spécifique requis selon chaque concours sauf dérogation » (article 16).

Il est ainsi titulaire de son grade après concours et stage de formation puis contrôle d’aptitude selon les modalités du statut particulier auquel il appartient.

Et comme l’indique l’article 12, les modalités spécifiques non évoquées ici de la suppression de l’emploi amènent différentes mesures allant de la réaffectation dans un emploi de même type (données géographiques allant dans certains cas jusqu’à l’ensemble du pays) à la reconversion avec nouvelle formation puis réaffectation sur nouvel emploi correspondant, voire à une phase de transition permettant l’accès à un emploi hors Fonction publique. Pour cette dernière situation, l’agent perd son statut et n’est plus fonctionnaire. Le refus par le fonctionnaire de toutes les propositions énumérées ici entraîne de fait une situation de démission avec perte du grade et arrêt de la rémunération afférente.

On le voit, aucune modalité statutaire (dans les lois ou les décrets) n’indique que la situation de fonctionnaire conférerait le droit à un salaire à vie. En revanche, nous retiendrons l’adaptabilité du statut et non sa « rigidité » puisqu’il a évolué des dizaines de fois depuis sa création3.

Les quatre chantiers Macron de démolition de la Fonction publique officiellement lancés depuis février 2018

Ils font l’objet de discours officiels apparemment variables, passant de l’autoritaire à la pseudo-concertation et à la modulation du contenu ou du calendrier mais avec un cap inchangé : privatisations et réductions de la dépense publique, qu’il s’agisse de la fonction publique ou plus largement de tous les services publics. Plus largement, on notera le parallèle pour les personnels privés ou publics avec la remise en cause des acquis sociaux, des garanties statutaires et réduction des droits à négociation et des droits des organisations représentatives du personnel.

Chantier 1 : dialogue social

En déclarant « vouloir simplifier et déconcentrer les instances représentatives » le gouvernement s’attaque au paritarisme, à la transparence de gestion des administrations et au droit de regard sur la gestion de carrière des personnels et le traitement égalitaire des ces dernières. Bien entendu, il limite encore les droits d’intervention des organisations syndicales dans les choix et organisations des services alors qu’il faudrait les développer. Il s’attaque aussi aux CHSCT (comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail) alors que ceux-ci viennent d’être améliorés dans la Fonction publique.

En méprisant les systèmes (notamment comités techniques et commissions paritaires) en place et les pratiques instaurées afférentes, des systèmes certes perfectibles, le pouvoir réduira encore cette forme de dialogue social alors qu’il faudrait créer de nouveaux droits pour les élus du personnel et les syndicats permettant l’intervention accrue dans les choix de gestion des services et dans le suivi et le contrôle des carrières des agents.

Chantier 2 : développement de l’emploi contractuel et suppression de 120 000 postes

Déjà un décret vient de sortir sans aucune concertation permettant les emplois contractuels de direction en lieu et place de fonctionnaires. La Fonction publique comprenant 1 million de « non-titulaires » il faut craindre pour le renouvellement de tous les emplois les plus précaires mais aussi pour les CDI actuels, et pour les fonctionnaires qui ne seraient pas épargnés dans un plan de 120 000 postes supprimés.

Les versants de la territoriale et de l’hospitalière sont en première ligne. Mais plusieurs grands secteurs stratégiques de la Fonction publique de l’État sont dans le collimateur comme cela a été annoncé avec la prévision de 20 000 suppressions d’ici 2022 au ministère de l’Action des comptes publics. Treize missions verraient leurs crédits baisser pour quinze en progression. Cette annonce ne tient absolument pas compte des énormes besoins, y compris dans des secteurs en légère progression.

Chantier 3 : rémunérations

Avec poursuite du gel de la valeur du point d’indice en 2019, accentuation de la rémunération au mérite et développement d’indicateurs de performance. Le blocage de la valeur du point d’indice supprime toute augmentation générale et entraîne une très forte baisse du pouvoir d’achat. Au-delà, cette absence d’augmentation générale accentue, dans les faits, la non-reconnaissance des qualifications dans la rémunération et fait sauter les repères fondamentaux de carrière chez les personnels, dans les discussions et revendications sur la finalité des grilles, des classifications, sur la qualification initiale et acquise, sur l’indice de début et fin de carrière, sur les avancements et les promotions.

Chantier 4 : transition professionnelle et mobilité

Depuis des années les ministères successifs s’évertuent à développer la mobilité dans la Fonction publique en interne et aussi en externe. En général le mouvement syndical et les personnels seraient favorables à la mobilité dans la mesure où elle serait assortie de mobilité choisie et de possibilité de progression de carrière et des projets professionnels.

Mais cette volonté de développer à tout crin la mobilité par des gouvernements successifs cache des contradictions et des intentions moins louables comme l’imposition d’une GPEEC (gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences) au service de dégraissages de secteurs dits en « restructuration » et d’une redistribution des moyens globaux, voire de mutations géographiques quasi imposées et assorties d’obligation de reconversions et changements de statut particuliers pour les titulaires.

Ils veulent aussi se servir de la mobilité externe par différentes mesures pour une « maîtrise des effectifs » et au détriment de la continuité des services, de la transmission des savoirs et savoir-faire dans les services. Alors que la mobilité pourrait être vécue comme facilitatrice d’évolution de carrière, on mesure à chaque phase de concertation une volonté perverse du pouvoir d’utiliser cette mobilité pour remettre en cause le statut et développer la forme d’emploi contractuelle.

Encore une fois notons l’éclairage d’une étude de l’INSEE, parue en 2000, rappelée récemment au ministère par la CGT lors d’une entrevue de concertation, et montrant que la Fonction publique n’est ni plus rigide ni plus souple que le privé. « Le taux de mobilité des agents de l’état et des Collectivités locales est du même ordre que les entreprises privées de plus de 500 salariés […] l’absence de mobilité dans la Fonction publique tient plus du mythe que de la réalité ». Même améliorable, le statut permet déjà cette mobilité prétendument souhaitée. Mais, de fait, là où la mobilité est jugée insuffisante, y compris par les personnels, cela est dû essentiellement au manque criant de moyens pour les transitions.

Face à cette offensive, nous pensons qu’il faut mettre en perspective des propositions visant à une modernisation profonde du statut des fonctionnaires, son articulation à une meilleure réponse aux besoins sociaux.

Nos propositions

Il faut tout d’abord sortir la Fonction publique de l’enfermement dans le dogme de la dépense contrainte, de la limitation de déficit public et du « poids » de la dette, et l’organiser pour répondre aux besoins actuels et nouveaux.

En juillet, le déficit public proposé par le gouvernement pour 2019 se situerait à 2,6 % du PIB avec un objectif de croissance de 1,9 %. Il faut prendre en compte dans cette annonce l’objectif de maintien de l’hypothèse de croissance à 2 % en 2018 alors même que l’INSEE au regard des chiffres constatés au début de l’année prévoit la croissance 2018 à la baisse vers 1,7 %. Ce type de constat relevé en juillet dans la presse nationale se prolonge par les discours d’austérité dans la préparation du prochain budget 2019. Ce n’est plus acceptable.

Un Fonds de développement économique social et environnemental pour les services publics

Aussi, nous proposons, en opposition radicale et en contradiction avec les normes de réduction des dépenses publiques imposées par le « pacte de stabilité et de croissance », le traité de stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et l’ensemble des normes d’austérité budgétaires en vigueur dans la zone euro, la mise en place d’un Fonds de développement économique social et environnemental pour les services publics en Europe. Cette question n’est pas un tabou. Au contraire. Il n’est pas possible de continuer à défendre le service public, certes à juste titre, mais sans proposer les moyens crédibles de son financement et en laissant au gouvernement et au patronat le champ du discours et de la mise en œuvre de l’austérité au nom de la dette et des critères de convergences comme des « fatalités » sur lesquelles nous ne pourrions pas peser.

Le financement du transport ferroviaire fait partie d’un volet revendicatif des luttes des cheminots et cette revendication a mis en difficulté le gouvernement et la direction de la SNCF. [Lancement d’un appel d’économistes avec la fédération CGT des cheminots pour libérer la SNCF de son endettement envers les marchés financiers en le remplaçant par un recours à la création monétaire de la BCE…]

De même, nous proposons au PCF de prendre à bras-le-corps le financement de la fonction publique.

L’engagement fort des salariés dans les luttes passe à la fois par des axes revendicatifs d’amélioration de leurs conditions de travail mais aussi par les moyens crédibles de répondre à leurs revendications en pesant sur l’intervention dans la gestion des entreprises, des services publics et sur le rôle de l’argent et des banques. Le fonds que nous proposons est décrit plus en détail dans différents numéros de la présente revue4. Il permettrait le financement des services publics et de la Fonction publique au niveau des pays membres de l’UE au prorata de leur population. Le financement se ferait par l’intermédiaire de la création monétaire de la BCE. Même avec les traités actuels, cette proposition est juridiquement possible.

De nouveaux pouvoirs des agents de la Fonction publique et des citoyens

En même temps seraient introduits des pouvoirs démocratiques d’intervention des citoyens concernant l’utilisation de l’argent en matière sociale, en matière économique et en matière environnementale. Cette démarche implique la mise en place de nouveaux droits d’intervention des agents et des populations dans les choix de la Fonction publique au niveau national, régional, départemental et local.

Au niveau de la Fonction publique, nous proposons un plan pluriannuel avec des priorités pour sortir les secteurs de la Fonction publique de l’état de tension extrême où ils se trouvent, répondre aux besoins et mettre en place de nouveaux services publics en lien avec les nouveaux besoins.

Trois cibles prioritaires :

‒ santé, petite enfance, aide à la personne, dépendance, protection sociale ;

‒ éducation, enseignement, universités, recherche, sécurité ;

‒ redensification de la Fonction publique dans les territoires à faible densité de population ainsi que dans les zones urbaines à très forte densité, correspondant aux populations actuellement les moins bien servies en matière de service public, en liaison avec un nouvel aménagement du territoire.

Au-delà des cibles proposées, tous les secteurs sont à développer pour redonner du sens à la Fonction publique et à ses missions et redonner de l’espoir et des perspectives aux agents des trois versants de la Fonction publique.

L’engagement de la réponse aux besoins publics passe aussi par le rattrapage d’urgence des pertes de pouvoir d’achat (réévaluation substantielle de la valeur du point d’indice et augmentation générale) et par une négociation des grilles pour reconnaître véritablement dans celles-ci la remarquable élévation des qualifications des agents à tous les niveaux.

Il s’agirait ainsi de lancer un plan de créations d’emplois à pourvoir par des fonctionnaires.

Nous inscrivons ces propositions en lien avec la proposition de loi Sécurité de l’emploi et de la formation (SEF) n° 4413 déposée en janvier 2017 par André Chassaigne et plusieurs de ses collègues.

Sans reprendre ici intégralement les propositions SEF nous insisterons sur un plan de titularisation des non-titulaires, sur des créations d’emplois et sur un développement de la formation massif, avec une modernisation et un financement des outils de formation des fonctionnaires.

La proposition SEF implique un développement de la formation professionnelle en lien avec Pôle emploi. Pour la Fonction publique, cela concerne particulièrement l’éducation nationale, il est nécessaire de répondre aux besoins des formations publiques initiales et continues de tous niveaux et de tous ordres, industrie, commerce, services (formation qualifiante, insertion et technologies de pointe).

Les communistes ont toutes les raisons d’accompagner, de soutenir et de participer aux luttes revendicatives. Mais il est nécessaire de créer de nouvelles relations avec les mouvements sociaux. Pour gagner la défense du service public et de la Fonction publique, gagner sur les justes revendications des agents fonctionnaires ou précaires, nous devons œuvrer à la jonction entre les entreprises de production et de services, les services publics et la Fonction publique en mettant au cœur des débats les moyens, les financements, le rôle de l’argent et des banques ainsi que la démocratie et l’intervention des travailleurs à tous ces niveaux. La montée des débats et des luttes devrait passer par l’appropriation de propositions transformatrices crédibles comme le Fonds de développement économique, social et environnemental et la Sécurité d’emploi et de formation.

Cela pose, pour toutes les composantes du mouvement social, la question de relier leurs luttes à la visée d’une alternative d’ensemble sans laquelle elles ne peuvent pas déboucher sur des victoires durables. zzz

 

1. Le Capital de Marx, son apport, son dépassement, Paul Boccara, 2012, Le temps des cerises, p. 157 : « Pour une expansion des services publics jusqu’à des biens communs publics de l’humanité… Leur liste comprendrait non seulement l’environnement, l’eau, l’alimentation, l’énergie, les transports, mais aussi la monnaie et la finance partagées… en ce qui concerne l’économie. »

2. Dans Les fonctionnaires sujets ou citoyens?, Éditions Sociales, 1979, René Bidouze retrace une histoire du syndicalisme fonctionnaire de 1947 à 1981.

3. Interview d’Anicet Le Pors dans La Gazette, 26 juin 2018 : «…La question n’est donc pas de savoir si le statut doit évoluer. S’il ne le faisait pas en fonction de l’évolution des besoins, des technologies et du contexte national et mondial, il se scléroserait et finirait par disparaître. Mais son évolution ne saurait s’inscrire dans la perspective bornée d’un libéralisme regardé comme un horizon indépassable. Nous sommes au contraire dans un monde d’interdépendances, d’interconnexions, de coopérations et de solidarité qui se concentrent en France, dans une idée enracinée dans notre histoire et notre culture : le service public. Là est la modernité. »

4. Denis Durand, Financer l’expansion des services 

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.