Conformément à la conception macronienne de la démocratie, le gouvernement poursuit sa tâche de démantèlement du groupe Alstom, au mépris des salariés et des parlementaires. Le 28 mai 2018, le ministre de l’Économie a donné son autorisation à Siemens au titre du décret sur les investissement étrangers.
Cette autorisation permet à Siemens de poursuivre tranquillement son travail d’absorption. Le futur Conseil d’administration de l’entité combinée a été présenté : comme prévu, il sera composé de 11 membres dont six (Président inclus) désignés par Siemens ; quatre administrateurs indépendants ainsi que le Directeur général compléteront le Conseil. Siemens a prévu de proposer la nomination de Roland Busch, membre du Directoire de Siemens AG, au poste de Président du Conseil d’administration de l’entité combinée. Notons au passage que Roland Busch était également devenu membre du conseil d’administration d’Atos après le rachat de la branche informatique de Siemens qu’avait piloté un associé-gérant de la banque Rothschild : Emmanuel Macron. Il aura donc ses entrées au sommet de l’État.
De leur côté, les dirigeants d’Alstom poursuivent leur plan de démantèlement au profit de leurs actionnaires et notamment du premier d’entre eux : le groupe Bouygues. On se souvient que l’accord avec Siemens prévoyait le versement d’une “prime de contrôle” de 4 € par action payés par la trésorerie d’Alstom, suivi d’un dividende exceptionnel de 4 € par action, financé par la vente de la participation détenue par Alstom dans les co-entreprises avec GE créées lors de la vente de d’Alstom Énergie.
Pour satisfaire leur actionnaire de référence, Bouygues, qui, dans l’opération, toucherait un chèque de l’ordre de 500 M€, les dirigeants d’Alstom se sont empressés de négocier avec GE la cession de leur participation dans les trois co-entreprises. Rappelons que ces trois co-entreprises avaient été créées lors de la vente d’Alstom Énergie pour qu’Alstom reste présent dans trois activités stratégiques : les smart grids, les turbines hydrauliques (avec la co-entreprise Hydro) et les turbines du nucléaire. Un accord, dont la teneur n’a pas été révélée, a été annoncé en mai 2018. La vente devrait être effective au début du mois d’octobre 2018.
Si elle se faisait, cette vente constituerait à la fois une perte de savoir-faire technologique considérable et un abandon de souveraineté nationale dans le secteur de l’énergie. Car ces trois filiales sont détentrices du savoir-faire et surtout de brevets essentiels pour notre indépendance énergétique. En particulier, c’est une de ces co-entreprises qui est détentrice des contrats de maintenance du parc nucléaire d’EDF et la commission d’enquête a révélé que depuis le rachat par GE, les relations avec EDF s’étaient dégradées en raison de problèmes de prix et de qualité des prestations de maintenance.
Les risques sont encore plus importants à l’exportation.
Comme le souligne Loïk Le Floch Prigent sur son blog : « Nous avons une politique énergétique autonome mais elle est désormais dépendante de l’attitude de General Electric, compagnie américaine qui va devoir choisir entre l’obéissance aveugle aux règles de son pays ou l’accompagnement en France et à l’étranger des intérêts français et européens -les turbo-alternateurs « nucléaires », c’est-à-dire les matériels appelés « Arabelle » conçus et fabriqués par les Français équipent plus de la moitié des centrales nucléaires mondiales. Les constructeurs de centrales nouvelles sont majoritairement aujourd’hui les Chinois et les russes. Quelle peut-être la réponse de General Electric à une demande de Rosatom (le Russe) d’acquérir un matériel Arabelle ? Regardons avec attention les accords General Electric-Alstom bénis par les pouvoirs publics français, la réponse n’est pas évidente.
Le département hydraulique d’Alstom est en fusion avec un dégraissage de moitié de l’effectif mondial. Mais c’est une compétence française d’excellence et des équipements de « premier mondial ». Les pays concernés par une augmentation de cette « énergie renouvelable » sont en priorité l’Iran, la Russie et les pays de l’Est ex-soviétiques.
General Electric n’est pas dans la meilleure position… politique… pour soutenir ces activités et recherche des candidats. Si ces candidats sont chinois, que faisons-nous ? Si ce sont les concurrents allemands ou autrichiens qui arrivent, quelle sera notre réponse ? »
Mais comme l’a révélé la commission d’enquête parlementaire, la question ne semble préoccuper ni Macron ni Le Maire. Ce dernier fait d’ailleurs une grande confiance à l’américain. « S’agissant de GE, j’ai l’impression que vous en faites le grand méchant loup… C’est un peu trop facile de faire peur aux gens en leur disant : « Attention, GE vous menace, c’est le grand méchant loup ! », a-t-il répondu aux parlementaires.
Il y a pourtant lieu de s’inquiéter. Le groupe qui a changé de patron sous la pression de la bourse l’été dernier a subi des pertes records en 2017. Il cherche par tous les moyens à réduire ses coûts. Pour cela, il continue d’élaguer son portefeuille activités, avec l’objectif de se séparer d’activités représentant au moins 20 milliards de dollars, dans le cadre d’un plan de restructuration sur trois ans. Il n’est donc pas exclus que GE ne vende ces activités au plus offrant. À qui sera dévolue la maintenance et le développement des activités nucléaires françaises ? Qui récupérera les brevets des turbines nucléaires, hydrauliques ou éoliennes ?
La confiance aveugle de Le Maire en GE est décidément mal placée. En France, GE, en dépit de ses engagements, n’a créé que 365 emplois en trois ans. Si l’on inclut les suppressions d’emploi à Grenoble, le solde est donc nul. GE avait pourtant promis de créer 1 000 emplois d’ici à la fin 2018. Cela n’a pas empêché Bruno Le Maire de répéter pendant des mois qu’il veillerait au respect des engagements pris par GE. Jusqu’au 14 juin 2018 où le PDG de GE lui-même a annoncé qu’il ne tiendrait pas ses engagements d’emploi. Un joli bras d’honneur qui en dit long sur l’estime dans laquelle le groupe américain tient le gouvernement français.
Seule réaction de Le Maire, son intention de faire payer la pénalité prévue. En effet, le non-respect de ses engagements est assorti d’une pénalité de 50 000 euros par emploi non créé. Dérisoire…
Il est donc vital, pour l’indépendance nationale, pour le maintien et le développement d’une filière industrielle en France et pour préserver l’emploi, de poursuivre la bataille pour empêcher l’absorption d’Alstom par Siemens.
Un pognon de dingue !Le bradage d’Alstom aura été une bonne affaire pour le groupe Bouygues. Tout a commencé avec le ministre de l’économie et des finances N. Sarkozy en 2006 qui, pour limiter la participation d’état, a fait rentrer son ami Bouygues dans le capital. Ce dernier avait pour ambition de mettre la main sur la filière nucléaire, en commençant par Alstom, et en finissant par Areva, qui se portait bien à l’époque. Bouygues a mis 2 milliards dans Alstom, pour 20 % du capital. Il en détient aujourd’hui 28,3 %. Voici le décompte des sommes récupérées ou à récupérer par Bouygues avec cette participation dans le capital d’Alstom : 377 millions de dividendes courants entre 2006 et 2016 ; 1 milliard en février 2016 de dividendes extraordinaires pour la vente d’Alstom énergie à GE ; au moins 495 millions en 2018 de dividendes extraordinaires (8 € par action) financés par la trésorerie d’Alstom et par le retrait des co-enteprises Alstom-GE. Cela fait 1,872 milliard de dividendes en 10 ans pour un investissement de 2 milliards. Soit un rendement annuel de plus de 7 %. Bouygues peut remercier son ami Sarkozy. Mais l’actionnaire principal sait aussi être généreux avec ceux qui l’ont bien servi. La revente de la branche Énergie d’Alstom à GE apportera à 21 dirigeants d’Alstom un bonus additionnel de 30 millions d’euros dont un peu plus de 4 millions d’euros pour le seul Patrick Kron. Certes, c’est seulement 1,6 % de son gain total, mais un bon pourboire tout de même… |
En bande organiséeComme à la chasse à courre, au sommet de l’État le dépeçage du gibier se fait entre amis. Ainsi, le dépeçage d’Alstom a été prémédité et méticuleusement exécuté par un petit groupe de compères, membres actifs des deux cénacles affairistes qui aujourd’hui règnent sur l’économie et la politique française : le groupe Bouygues et le banque Rothschild. À tout seigneur tout honneur, commençons par le premier d’entre eux, Emmanuel Macron. C’est lui qui, ministre de l’économie, a autorisé l’opération de rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electric le 5 novembre 2014. Mais, comme l’ont révélé la commission d’enquête parlementaire, Mediapart et Le Canard Enchaîné, il en avait déjà lui-même tracé les grandes lignes dès 2012, en s’inspirant du rapport A.T. Kearney qu’il avait commandé en tant que secrétaire général adjoint de l’Elysée. Emmanuel Macron a été associé-gérant de la banque Rothschild de 2008 à 2012. Il y avait notamment travaillé au rachat par Atos de la branche informatique de… Siemens. Selon ses propres mots, il y avait gagné “de quoi être à l’abri du besoin jusqu’à la fin de ses jours” Grâce à l’absorption d’Alstom par Siemens, Bouygues s’apprête à percevoir un dividende exceptionnel de près de 500 M€. Car quelques années auparavant, c’est le prédécesseur d’Emmanuel Macron, François Perol, alors secrétaire général adjoint de l’Elysée sous Sarkozy, qui avait négocié avec Bruxelles l’entrée de Bouygues au capital d’Alstom, à hauteur de près de 30 %. Avant d’être au secrétariat général de l’Elysée, François Perol était associé gérant à la Banque Rothschild de 2005 à 2007 Comme l’a souligné le président de la commission d’enquête parlementaire, la vente d’Alstom Energie à GE s’est faite au bénéfice essentiel de Bouygues et de GE. « Si cette fusion représente un projet industriel, c’est celui de GE qui réalise une opération de croissance externe. Côté Alstom, elle exprime le projet financier (légitime) de son actionnaire, et côté État, elle n’exprime qu’un laisser faire. » On imagine assez bien que la négociation n’a pas été très tendue. D’ailleurs elle a été bouclée en quatre mois. Et pour cause, les deux acteurs opérationnels de la vente d’Alstom Energie à General Electric, le PDG d’Alstom Patrick Kron et le PDG de GE France Clara Gaymard se connaissent bien. Ils se côtoient régulièrement dans les fauteuils… du Groupe Bouygues. Patrick Kron est administrateur du groupe Bouygues depuis 2006. Clara Gaymard, elle, a été nommée au Conseil d’Administration de Bouygues le 21 avril 2016 quelques mois après l’acquisition d’Alstom Energie. Soyons juste, le Groupe Bouygues s’efforce tout de même de renouveler périodiquement son conseil d’administration. Dernière nomination en date, en avril 2017, celle d’Alexandre de Rothschild, PDG de la banque Rothschild... |
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