Le 17 avril dernier, le CESE a rendu, sous la signature de Didier Gardinal (ancien pésident de la CCI de la Région Midi Pyrénées) et de Jean Karl Deschamps (ex élu PS de la Manche et responsable de la Ligue de l’Enseignement et de Jeunesse au Plein Air), un avis pour une réforme globale de notre fiscalité locale. Selon un principe déjà éprouvé, cet avis obéit au schéma « comparaison internationale/état des lieux/perspectives et propositions », permettant ainsi de resservir l’argument éculé du « pourquoi ne faisons-nous pas comme les autres ? ».
Du point de vue du rapport, la France présente une double caractéristique : celle d’avoir une fiscalité locale propre relativement spécifique et celle d’être un pays moyennement décentralisé.
Notons cependant que cette considération provient de l’analyse des budgets régionaux, proches d’un point et demi de PIB en France et aux alentours des 15 ou 20 % dans les états à structure fédérale comme l’Allemagne, l’Espagne, le royaume fédéral de Belgique, la Confédération helvétique ou encore le Dominion du Canada.
Mais ces ressources sont souvent fondées sur le partage d’impositions nationales (la TVA par exemple) ou le vote d’un complément local de telles impositions (l’IR en Allemagne par exemple).
Ce qui n’empêche que le champ de la décision fiscale des assemblées élues, comme chacun le sait, s’est réduit en valeur relative, avec la réforme de la taxe professionnelle qui a réduit à la seule cotisation foncière des entreprises la recette fiscale fixée par décision locale.
Et que la taxe d’habitation, au fil des années à venir, va se trouver transformée en dotation.
De fait, l’évolution des choses risque fort de réduire plus encore la part des impôts fixés par les collectivités locales.
C’est-à-dire le taux de la CFE pour les structures intercommunales, les droits de mutation ou la TICPE encadrés pour la part départementale ou régionale concernée, etc, etc.
Toujours est-il que le rapport n’exclut pas qu’une partie de la réforme de la fiscalité locale passe par un nouveau partage de recettes fiscales, comme nous le voyons avec la TVA en Espagne.
Où ce partage produit, depuis la mise en œuvre de l’autonomie régionale, quelques tensions entre pouvoir central et pouvoirs régionaux (cf. Catalogne).
Pour changer de lexique, le rapport parle d’un véritable « mille feuilles » en matière de fiscalité locale.
Cela, puisqu’au-delà des fameuses « quatre vieilles », existent aussi d’autres recettes fiscales (droits de mutation, parts de TICPE).
Le montant est de 133 Mds d’euros et recoupe 81 Mds d’euros de contributions directes (22 Mds pour la TH, 32 Mds pour le foncier bâti, 1 Md pour le foncier non bâti et 27 Mds pour la CET dont 7 Mds pour la contribution foncière des entreprises et 17 Mds pour la CVAE) et 52 Mds de contributions indirectes.
Il y a dans cet ensemble 7 Mds d’euros de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (dont on se rappellera qu’elle est, en dernière instance, payée par les locataires et les propriétaires occupants de leur logement), 11 Mds d’euros au titre des droits de mutation, dont l’essentiel participe des budgets départementaux, 12 Mds de TICPE, 4 Mds de versement transport (le chiffre est d’ailleurs inexact), 7 Mds de TSCA (reversés aux départements au titre de la compensation des charges transférées).
Là-dessus, il y a des mesures d’allégement et de compensation et des dispositifs de péréquation.
Comme tout cela se passe dans un système tout de même assez fermé, tout cela n’est guère efficace.
Cela tient, selon le rapport, à l’absence de critères de définition unifiés de péréquation et de mesures de l’efficacité de cette péréquation.
Pour ma part, je pense que la réduction globale du rendement des impôts (notamment avec la réforme de la TP) et l’absence d’un outil de péréquation pertinent sont à la base de nos difficultés.
Mais venons-en aux préconisations du rapport du CESE (que n’a pas voté notre camarade Frédéric Boccara, au titre des personnalités qualifiées).
Le rapport du CESE s’appuie sur les réformes « institutionnelles » de la carte administrative du pays et notamment les lois NOTRe et MAPTAM pour justifier de préconiser qu’on favorise deux échelons locaux parmi d’autres.
à la surprise générale, ces deux échelons sont le cadre intercommunal, censé être pertinent notamment du point de vue du développement économique et le cadre régional, adapté à certaines décisions stratégiques.
Ce qui est attendu du renforcement de l’échelon intercommunal est de permettre, par le biais des économies d’échelle, de maîtriser la pression fiscale… (ben voyons).
Mais l’un des effets les plus certains est d’ériger les EPCI en collectivités locales à part entière…
Passons aux préconisations.
Si la première préconisation est de vouloir simplifier les impositions locales et la deuxième de lier la réforme des finances locales avec celles de l’État, la troisième pose un premier et sérieux problème.
à savoir que le rapport propose, dans certains cas, de partager des impôts d’État en sus des recettes fiscales locales.
Ainsi, la compétence « transition énergétique » des EPCI et la compétence « environnement » des Régions pourraient justifier le partage entre l’État et lesdites collectivités de la contribution climat énergie, autrement dit de la taxe carbone.
De même, la compétence sociale des départements pourrait conduire à leur attribuer une part de la CSG.
Et les compétences économiques des Régions justifieraient de leur accorder une part de la TVA supplémentaire, comme cela est déjà le cas…
Seul point positif, là-dedans, et cœur de la quatrième préconisation, le renforcement de la péréquation verticale (par partage d’impôts d’État) au détriment de la péréquation dite horizontale qui a tout de même montré ses limites.
Puisque la péréquation version manteau de Saint Martin, cela ne va tout même pas très loin au regard des objectifs affichés.
La Préconisation 5, qui envisage de renforcer le rôle de la conférence nationale des territoires dans le domaine des relations entre l’état et les collectivités locales, n’est pas du plus bel effet et la 6, sur le dialogue entre élus et habitants, procède de la clause de style.
Une bonne partie des problèmes posés était bien évidemment identifiée mais c’est la manière de les résoudre qui pose question.
Ne serait-ce que parce que la question récurrente de la pertinence absolue de certaines des compétences locales est toujours posée (c’est d’ailleurs pour cela qu’elle est récurrente).
Singulièrement dans le domaine social, au centre du rôle des départements, alors même que l’autonomie des personnes âgées devrait procéder de la solidarité nationale à travers la caisse d’assurance maladie et peut-être, un peu, de l’assurance vieillesse.
Et que la perception de cotisations sociales serait sans doute plus juste que toute progression de la CSG, surtout pour parvenir à un salariat de travailleurs précaires et/ou sous payés comme nous le voyons aujourd’hui.
Mais la clé est sans doute dans le fait que nous manquons d’un outil de péréquation réel (la taxation des actifs financiers pourrait y pourvoir) et que la révision des valeurs cadastrales n’a toujours pas été mise en œuvre.
Notons aussi que le rapport ne fait pas le bilan des sommes considérables que l’État a consacré, depuis 1986, à réduire les impositions locales des entreprises (allégement transitoire des bases, suppression de la part taxable des salaires, plafonnement à la valeur ajoutée, entre autres).
Enfin, la véritable casse de la DGF qui a été menée depuis le quinquennat Sarkozy a privé la dotation la plus péréquatrice d’une bonne partie de ses capacités.
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