Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Un bilan désastreux

le 15 November 2006

Bien loin de déboucher sur les progrès annoncés par ses défenseurs, l'introduction de la concurrence a conduit les opérateurs, publics comme privés, à orienter leurs choix d'investissement et de tarification en fonction des objectifs de rentabilité financière et de conquête de parts de marché au détriment des missions de service public.

Sommaire Un recul aux plans social La marchandisation a renforcé Un recul aux plans social, économique, démocratique

Avec des conséquences à plusieurs niveaux.

L'aggravation des inégalités dans l'accès aux services et l'abandon de toute notion d'aménagement du territoire :

le ciblage sur la partie rentable des activités et la fraction solvable des consommateurs amène la casse des péréquations ; ainsi, les prix des télécoms ont évolué en faveur des grandes entreprises au détriment des usagers domestiques et des PME-PMI (le prix de l'abonnement à France Télécom étant multiplié par trois depuis 1993, celui des communications longue distance baissant) ; dans les chemins de fer, la mise à mal de la péréquation territoriale a aggravé les déséquilibres entre les régions ; les services non rentables sont abandonnés ; c'est par exemple la fermeture des bureaux de poste ou bien leur transformation en agences postales à la charge des communes ou encore leur passage en “points poste” gérés par des commerces privés (on prévoit aujourd'hui de supprimer 6 800 bureaux sur les 17 000 existants, ce processus étant déjà largement engagé ; c'est aussi la fermeture de plusieurs dessertes interrégionales, décidée hier dans le transport aérien et envisagée aujourd'hui dans le ferroviaire ; ce sont également, dans les télécoms, malgré l'arrivée de nouveaux opérateurs, des zones entières qui demeurent non desservies pour les réseaux de téléphonie mobile et haut débit ; la nécessité de rémunérer les marchés financiers provoque à service égal une augmentation des tarifs : l'abandon du prix régulé de l'électricité s'est traduit en 2004 par des hausses importantes en France, alors que la facturation au prix de revient pratiquée antérieurement avait permis une baisse des tarifs aux clients résidentiels de 29% en dix ans.

La baisse de qualité globale des services.

Même si certains segments de clientèle sont privilégiés par les opérateurs, la volonté d'économiser sur les moyens (en personnels et équipements) pour dégager une marge demeure la règle affectant le niveau des prestations. En outre, les pertes de synergies induites par le découplage (imposé par la déréglementation) entre fonctions d'opérateur et de gestionnaire de réseau, la multiplication de technologies concurrentes et souvent incompatibles, la recherche prioritaire de gains de parts de marché induisant une instabilité permanente des produits offerts et une dégradation des services d'après-vente sont autant de sources de dysfonctionnements (à l'origine dans les télécommunications du dépôt de 8 000 plaintes par an).

Le sous-investissement.

Il est induit par la prédominance d'une logique de court terme.

Cet aspect a été illustré dans le secteur de l'énergie par la pénurie d'électricité en Californie due à l'arrêt des investissements et par les pannes intervenues récemment aux États-Unis, en Grande-Bretagne, Italie, Espagne.

Le dumping social.

En effet, la concurrence pousse à la réduction des coûts pour emporter les marchés, donc à une pression sur les salaires, l'emploi, les garanties collectives, pression sensible chez tous les opérateurs (publics et privés). En témoignent les exemples de La Poste où un tiers des effectifs est hors statut ou du transport aérien marqué par la multiplication des soustraitants où le personnel est surexploité.

Le sacrifice des impératifs de sécurité et de préservation de l'environnement

Considérés comme des coûts à réduire et non des missions à intégrer aux gestions : sur le premier point, ce sont les accidents intervenus dans les transports ferroviaires en Grande-Bretagne, la multiplication des crashs dans le transport aérien, ou les dangers que fait courir sur la sûreté des centrales nucléaires le recours massif à des salariés précaires ; sur le second point, c'est la libéralisation de l'énergie poussant à l'épuisement des ressources gazières (les moins chères, mais aussi les plus rares et génératrices d'effets de serre) ou encore l'accroissement de la part de la route au détriment du rail dans le transport de marchandises en Europe.

Le recul des moyens d'intervention des citoyens

sur les services. En effet, les différentes instances de régulation mises en place se révèlent, de leur propre aveu, incapables de contrôler le contenu et le prix des services et de prévenir les crises. En témoignent les exemples des télécommunications, de l'audiovisuel ou de la gestion de l'eau en France.

La marchandisation a renforcé le poids des multinationales

Après vingt-cinq ans de libéralisation des services publics, la réalité montre que non seulement l'ouverture des marchés n'a pas les vertus qu'on lui prête, mais qu'elle porte en elle-même sa propre négation.

En effet, la multiplication des opérateurs qu'elle provoque dans un premier temps débouche sur une guerre économique caractérisée par un dumping sur les prix. Il s'ensuit des catastrophes économiques de grande ampleur ( krach des télécoms en 1997) et de suppressions massives d'emplois (150 000 suppressions de postes en vingt ans dans le transport aérien dont 20 000 en Europe et 60 000 aux États-Unis). Seuls les opérateurs les plus solides survivent à travers une concentration des capitaux. Au final, aux anciens monopoles publics s'est substitué un oligopole privé avec deux ou trois groupes géants par secteur.

Par exemple, après la faillite de plusieurs compagnies historiques, trois alliances rassemblant les principaux acteurs du transport aérien contrôlent aujourd'hui 60% du trafic passagers mondial, laissant les compagnies “low cost” (à bas coûts salariaux et de service) s'installer sur les segments de clientèle les plus modestes et les dessertes résiduelles subventionnées par les régions sans aucune garantie de pérennité.

Dans les télécommunications, où les investissements à opérer, et singulièrement les coûts de recherche-développement, sont très importants, la déréglementation s'est de la même façon rapidement traduite par une reconcentration, aux États-Unis d'abord, puis depuis la fin des années quatre-vingt-dix en Europe.

L'analyse de ce mécanisme révèle l'objectif fondamental et ultime du projet libéral : soumettre toutes les activités économiques rentables aux multinationales.

Avec trois effets majeurs : le renforcement de leur domination sur les sociétés humaines ; la primauté donnée aux intérêts économiques particuliers sur l'intérêt général ; l'effacement du citoyen.

Propositions pour des services publics étendus et démocratisés