Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Les Assises pour la sécurisation de l'emploi et de la formation : c'est parti !

le 13 November 2006

Le PCF, les groupes communistes de l'Assemblée nationale et du Sénat, la JC et l'UEC ainsi que l'ANECR (association nationale des élus communistes et républicains) réunis le 27 septembre dernier s'engagent dans l'organisation d'initiatives pour sécuriser l'emploi et la formation avec des rencontres locales, puis d'Assises régionales (de novembre 2006 à janvier 2007) et nationale (février 2007).

En s'appuyant sur les luttes menées par les salariés et leurs organisations syndicales, les jeunes, les lycéens, les étudiants et leurs organisations, les partis politiques de gauche pour une construction politique sociale alternative, il s'agit de discuter ensemble des contenus d'une grande proposition de loi de sécurisation de l'emploi, de la formation et des revenus. Serait ainsi portée au coeur du débat politique, la question centrale d'une alternative crédible, efficace et durable au chômage et à la précarité.

Les Assises pour la sécurisation de l'emploi et de la formation doivent se situer en résonance avec les problèmes vécus dans les entreprises, les localités, les bassins d'emploi.

C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elles doivent être préparées par des centaines de débats à ce niveau là ; débats qui doivent permettre l'expression des exigences populaires, des exigences du monde du travail, l'expression des luttes. Mais nous ne voulons pas circonscrire la démarche aux seuls volets défensifs.

Bien sûr, les licenciements, les restructurations, les délocalisations, la précarité galopante, la situation des chômeurs seront au coeur du sujet. Mais nous devons aussi aborder les besoins d'emplois pour permettre des développements d'activités donnant des perspectives, pour alléger les conditions de travail ou pour répondre à des besoins sociaux, par exemple en matière de services publics. Nous devons aussi parler des besoins de qualification donc de formation pour les salariés individuellement mais aussi collectivement. De même, notre conception n'est pas de délivrer une vérité « clés en main ». Nous avons des propositions, nous les pensons pertinentes, cohérentes mais en elles mêmes elles comportent une composante démocratique impliquant l'enrichissement, l'évolution grâce à l'apport des salariés, des citoyens, des militants de sensibilités diverses.

De ce fait, les assises sont parties intégrante de notre démarche de rassemblement. (...)

Les assises et leur contexte politique.

C'est d'autant plus important que la question de l'emploi sera décisive en 2007. Je rappelle par exemple que tous les commentateurs soulignent que le PSD suédois vient de se faire battre sur la question du chômage (chômage masqué d'ailleurs largement par les statistiques, ce qui nous rappelle quelque chose). Outre que cela relativise beaucoup les grandes envolées de J-L. Borloo comme de S. Royal sur les vertus du modèle nordique, cela montre l'importance décisive de la question politique que constitue l'emploi. Nous devons faire progresser une idée clé : il n'y aura pas d'alternative et de transformation sociale réelle si l'on ne s'engage pas hardiment dans un processus ambitieux d'éradication du chômage et de dépassement du marché du travail en lien avec les moyens financiers et les pouvoirs indispensables...

Une intense bataille idéologique vise à accréditer l'idée que la situation s'est améliorée alors que le nombre de créations nettes d'emploi reste prévu par l'INSEE à 76 000 pour 2006 à rapprocher des 23 millions de salariés que compte le pays et des 72 000 suppressions d'emploi estimées dans l'industrie pour la même période. Le premier ministre a décidé la tenue d'une conférence sur les revenus et l'emploi d'ici la fin de l'année. L'un des objectifs de cette initiative est de faire avancer l'idée du compromis à l'allemande (modèle d'ailleurs en crise outre Rhin). C'est un grand objectif commun au libéralisme-social et au social-libéralisme. Les Assises sont donc précieuses pour tenir le terrain sur ces différentes questions et ne pas laisser le champ libre à la démagogie et à la démobilisation.

Contenu, sens et nature de nos propositions.

Le thème de la sécurisation des parcours professionnels est devenu assez central dans le débat social et politique.

Pour beaucoup il s'agit de troquer des mesures limitées de gestion sociale du chômage contre l'acceptation de réformes régressives du Code du travail permettant aux patrons de licencier plus vite et à moindre coût. Nous avons le CNE qu'il faut absolument abroger, le CPE que la mobilisation massive a permis de renvoyer aux oubliettes, maintenant c'est L. Parisot qui mène campagne pour que soit accélérée la réforme du marché du travail comme le préconise l'agenda de Lisbonne qui constitue la feuille de route de l'Europe libérale. En somme, on veut acclimater en France le thème de la « flexsécurité » danoise en intégrant en masse l'aspect « flexibilité » tandis qu'on se contenterait de discours sur la sécurité des parcours ou que celle-ci se réduirait à améliorer l'employabilité de chaque salarié. A chacun ensuite de se débrouiller pour la négocier sur le marché du travail. Cela ne peut conduire qu'à des désillusions graves et à des reculs des droits même si on peut voir dans cette configuration un peu nouvelle un écho des préoccupations des salariés et des luttes. Mais au-delà du contexte et de l'actualité politique, la bataille pour l'emploi doit être considérée comme un des éléments structurants d'une vision alternative de la société.

La Sécurité d'Emploi ou de Formation est une conception tout à la fois globale et concrète resituant, de façon novatrice la place du travail humain et de l'emploi dans un projet de société en rupture radicale avec le libéralisme et le capitalisme. Elle est un élément essentiel de son dépassement. Rappelons quelques principes qui devront probablement figurer d'une façon ou d'une autre dans le texte de la proposition de loi :

Avoir un emploi est un droit absolu et non une chance si la loi du profit le permet. C'est une condition majeure d'appartenance à la collectivité humaine, c'est aussi le moteur de la création des richesses permettant une croissance de type nouveau, sociale, solidaire, citoyenne et durable. C'est pourquoi chacun, dans son âge actif, a le droit effectif d'avoir un emploi ou d'être dans une situation de formation débouchant sur un emploi avec une garantie de revenu et de droits. Plus globalement, la formation doit être intégrée comme outil majeur de cette sécurisation de l'emploi mais aussi de l'élévation indispensable des qualifications et compétences, elle doit être le vecteur d'une conception civilisée et choisie de la mobilité qui, dans de telles conditions, peut devenir un élément de progrès social à l'ère de la révolution informationnelle.

Elle doit être aussi le vecteur d'un progrès de civilisation et d'épanouissement personnel qui implique de changer le travail et le rapport au travail.

C'est donc un processus de dépassement du marché du travail qu'il s'agit d'enclencher en même temps qu'un processus d'éradication du chômage.

Cela doit nous conduire à aborder de multiples terrains : la bataille pour une bonne indemnisation des chômeurs et pour le retour à l'emploi, La lutte contre la précarité de l'emploi sous ses différentes formes, La lutte contre toutes les discriminations au détriment des femmes, des jeunes, des personnes issues de l'immigration etc. les luttes contre les licenciements collectifs et pour des solutions alternatives, les luttes contre les délocalisations et pour le développement audacieux des atouts de notre pays, de nos régions, et pour une de démarche internationale de co-développement avec un rôle nouveau de l'Europe, la bataille pour le contrôle des fonds publics attribués aux entreprises, ou celle pour de nouveaux financements de développement incluant notamment les Fonds régionaux pour l'emploi et la formation, un Fonds national pour l'emploi et la formation, et une autre mission de la BCE, notre démarche permanente pour la création d'activités industrielles ou de service, et pour le développement de la recherche, notre volonté de défendre et de développer les emplois nécessaires aux services publics dans toutes leurs dimensions. Ce qui est non seulement nécessaire en termes d'emploi mais correspond aussi à notre conception d'une société de progrès social solidaire.

Conçue avec cette ambition, notre bataille vise aussi à dépasser l'opposition entretenue avec virulence entre les chômeurs et les salariés. (…)

Quelques dispositions d'organisation.

Sur le déroulement des assises elles-mêmes. Il ne s'agit pas ici de vouloir imposer un modèle unique. En même temps, nous avons pour tâche d'élaborer, par l'échange et la discussion, mais d'élaborer quand même des propositions susceptibles d'être traduites dans un texte de loi.

Il faut donc viser une certaine précision et quitter le stade des généralités ; Dans cet esprit et pour aider 4 thèmes peuvent être distingués qui pourraient éventuellement faire l'objet de 4 séances des assises : Droits des personnes, nouveaux contrats, nouveaux pouvoirs des organisations syndicales et des élus sur les territoires. Nouveau service public de l'emploi et nouvelles institutions de sécurisation (champs, traitement des personnes en forte précarité, formation) Il serait indispensable de traiter la liaison local / national de cette question (système national et décentralisé). Obligations des entreprises et droits nouveaux des salariés à l'entreprise. Financements. Ces différents thèmes se recoupent. Il ne s'agit pas de les aborder comme si ils étaient rangés dans des tiroirs séparés. Il faut bien sûr travailler les recoupements et les liaisons.

Mise en place d'un groupe de rédaction.

Il ne va évidemment pas élaborer le projet clé en main. En revanche son travail préparatoire permettra de lister et de commencer à travailler tous les chapitres qui doivent être présents, de lister les différents éléments du droit existant qui seront impactés par notre projet et qui devront être transformés.

Le groupe de travail devra aussi être alimenté par les débats des différentes sessions de nos assises. Nous pourrions décider qu'elles rédigent des cahiers de propositions qui n'ont pas vocation à être exhaustifs mais qui devraient être représentatifs des principales questions venues en débat.

En conclusion, je voudrais insister à nouveau sur l'importance des assises dans l'ensemble de notre bataille politique.

Insister sur l'urgence qu'il y a partout à prendre des dispositions pour en concrétiser la réalisation en s'appuyant sur une multitude de débats locaux et d'entreprise. -

Alain Obadia : Responsable du Pôle « Economie - Social - Emploi »

Extraits de l'intervention prononcée par Alain Obadia lors de la journée d'étude du 27 septembre sur la préparation des assises.

Source : ECONOMIE ET POLITIQUE 624-625 JUILLET-AOUT 2006